mercredi 29 février 2012

Cent mille journées de prières : livre premier

Loo Hui Phang et Sterckeman
© Futuropolis 2011
Louis, 8 ans, est un enfant taciturne et solitaire. Il vit seul avec sa maman dans une petite ville normande. Il ne sait rien de son père, en dehors de ses origines asiatiques. Sa mère, française, ne lui en a jamais parlé. A l’école, Louis l’eurasien est habitué au racisme ordinaire de ses petits camarades qui le traitent de « fils de Bruce Lee ». Il n’a pas d’ami et cela lui convient très bien. Un jour, ne supportant plus de le voir tout le temps seul, sa mère lui offre un canari. Ce nouveau compagnon va devenir le confident de l’enfant jusqu’à l’arrivée d’une famille de réfugiés cambodgiens. Ces gens ont connu son père. Peu à peu, les coins du voile vont se lever et sa mère va devoir lui révéler la vérité...

Un terrible secret de famille, un enfant en souffrance, les stigmates d’une guerre épouvantable... tous les ingrédients sont réunis pour faire de ce récit intimiste un concentré d’émotion. Avec beaucoup de pudeur, les auteurs dressent le portrait touchant d’un jeune garçon en quête d’identité. L’analyse de ses réactions est fine et sonne juste et la progression du récit, très lente, est d’une grande délicatesse. Si j’avais un reproche à faire, il concernerait les personnages secondaires : pourquoi une voisine acariâtre dont le mari sort de prison pour la terroriser ? Pourquoi un camarade de classe dont le père s’est suicidé ? Pourquoi une grand-mère mourante ? Il y a là comme une volonté d’en rajouter dans le pathos. Comme si absolument tous les protagonistes devaient être en souffrance pour se mettre au diapason de Louis. Il me semble au contraire qu’il aurait été plus judicieux d’équilibrer les choses en offrant ici ou là quelques « respirations » positives.

Graphiquement, Michaël Sterckeman navigue entre un découpage classique en gaufrier plus ou moins régulier et une mise scène onirique qui retranscrit à merveille les angoisses de Louis. L’utilisation d’une bichromie de noir et de gris colle à l’aspect terne et triste de l’existence des différents personnages. Les visages sont peut-être un peu trop figés et manquent d’expressivité mais le dessin reste dans l’ensemble très efficace et accompagne sobrement le récit.

Une belle histoire qui sombre néanmoins par moments un peu trop facilement dans la dramaturgie pure et dure. Mais le personnage de Louis est tellement attachant que mon impression concernant ce premier tome reste largement positive. J’attends donc la conclusion de ce diptyque avec une certaine impatience.

Un album découvert grâce à Mo' qui, une fois de plus, m'a donné l'occasion de lire un album que je ne serais jamais aller checrher par moi même . Un grand merci à elle.

L'avis de Mo'
L'avis de Madoka
L'avis de Choco


Cent mille journées de prières T1 de de Loo Hui Phang et Michaël Sterckeman. Futuropolis, 2011. 120 pages. 20 euros.


Loo Hui Phang et Sterckeman © Futuropolis 2011

samedi 25 février 2012

Le sillage de l’oubli

Machart © Gallmeister 2012
Texas, 1895. Klara Skala meurt en donnant naissance à son quatrième garçon, Karel.

Texas, 1910. Vaclav, le mari de Klara, élève seul ses fils, à la dure. Propriétaire d’une des plus grosses exploitations agricoles de la région, il bichonne ses chevaux de course et laisse trimer ses enfants dans les champs de coton, derrière la charrue. Il faudra un pari perdu pour que ses trois ainés quittent la ferme et se marient avec les filles de Guillermo Villasenor, un riche espagnol.

Texas, 1924. Karel a hérité des terres de son père. Il n’a plus de relations avec ses frères depuis des années. Marié, père de deux fillettes, sa femme est sur le point de mettre au monde leur troisième enfant…

Pour son premier roman, Bruce Machart frappe fort. Possédant un sens évident de la dramaturgie et du découpage, il déroule une histoire ample et vaste, une fresque familiale tragique et sombre. Effectuant des allers-retours dans le temps, il dévoile les zones d’ombre avec parcimonie, alternant montées d’adrénaline et scènes plus contemplatives, descriptions des travaux de la ferme et courses de chevaux frénétiques. Le personnage de Karel est le point central du roman. Sa naissance a plongé la famille dans le tourment. C’est à cause de lui que les enfants Skala ont grandi sans leur mère dans un environnement aussi brutal et dénué de toute affection. Il porte comme un fardeau ce sentiment de culpabilité, cette blessure béante impossible à refermer.

Un récit superbe, une prose sensuelle, attentive au moindre détail. Machart est un conteur. Il prend son temps et sait exactement où il veut emmener le lecteur. Après David Vann, Pete Fromm et Howard Mc Cord, les éditions Gallmeister peuvent se targuer d’avoir trouvé une nouvelle pépite. A l'évidence, un écrivain est né.

Le sillage de l’oubli, de Bruce Machart, éditions Gallmeister, 2012. 335 pages. 23.60 euros.



vendredi 24 février 2012

Ernest et Rebecca 4 : Le pays des cailloux qui marchent

Bianco et Dalena © Le Lombard 2012
Enfin ! Après deux ans d’absence, Ernest et Rebecca reviennent. Pas trop tôt ! Pour ceux (honte à eux) qui ne la connaîtraient pas, cette série narre les aventures d’une petite fille à la santé fragile dont le meilleur ami est un microbe (un vrai microbe, pas un petit frère pot de colle ou je ne sais quoi d’autre). Entre la séparation récente de ses parents et la crise d’adolescence de sa grande sœur de 15 ans, Rebecca n’a pas une vie facile. Mais cette gamine pétillante et drôle possède des ressources insoupçonnées et a déjà charmé de nombreux lecteurs.

Dans le troisième tome, Rebecca passait ses vacances à la campagne chez son pépé. Ce nouvel épisode démarre par un long trajet en voiture. Toujours en vacances, la petite fille va découvrir la nouvelle maison de son père au bord de la mer, au pays des cailloux qui marchent…

Je ne sais pas quand cet album sortira. Probablement en juin. Comment se fait-il que je puisse déjà en parler ? Tout simplement parce que le magazine Spirou le propose en prépublication à partir du mercredi 29 février. Mais comme je suis abonné, je reçois mon exemplaire avec une semaine d’avance. Voila, vous savez tout (même si vous vous en fichez un peu, je le sens bien^^). La prépublication va s’étaler sur six semaines. Je ne peux donc vous parler pour l’instant que des 9 premières pages. Et franchement c’est toujours aussi excellent. Rebecca malade en voiture, ça vaut le détour !

Bref, vous l’aurez compris, Ernest et Rebecca est une série que je recommande plus que chaudement (voir mon billet sur les tomes 1 et 2). D’ailleurs je ne suis pas le seul, les avis enthousiastes sont légions sur la toile : Véro, Mathilde, Erato, Petite Noisette, Snow

Ernest et Rebecca T4 : Le pays des cailloux qui marchent Guillaume Bianco et Antonello Dalena, Le Lombard, 2012. 46 pages. 10.60 euros. A partir de 8 ans.


Bianco et Dalena © Le Lombard 2012

jeudi 23 février 2012

Dégoûtant !

Guilloppé et Chapron
© Glénat 2010
Arno le crapaud est amoureux de Linette la rainette. Aujourd’hui, c’est décidé, il va lui déclarer sa flamme ! Malheureusement, à chaque fois qu’il s’apprête à se lancer, il est interrompu par de surprenants obstacles…

Un album mignon comme tout mais pas seulement. Les enfants y trouveront à la fois une belle histoire d’amour et une réflexion sur la protection de l’environnement. Attention, ne vous méprenez pas, les auteurs ne donnent pas dans le militantisme écolo forcené. Ils abordent la question de manière simple et très parlante.

L’ouvrage s’organise en double-pages combinant illustrations expressives et couleurs pétaradantes. Parce qu’il y a très peu de texte et que les événements s’enchaînent de manière linéaire, l’histoire s’avère facile à suivre pour les apprentis lecteurs qui voudront se lancer en solitaire. Sinon, en lecture offerte, c’est également un régal. Pour peu que l’adulte joue avec les intonations de sa voix et enfile tour à tour le costume du crapaud et celui de la reinette, le succès sera garanti.

Dégoûtant ! d’Antoine Guilloppé et Glen Chapron. Glénat, 2010. 32 pages. 10 euros. A partir de 3 ans.


Guilloppé et Chapron
© Glénat 2010

mercredi 22 février 2012

Nu-men 1 : guerre urbaine

Néaud © Quadrants 2012
Moitié du XXIème siècle, en Europe. Alors que des bouleversements climatiques ont rayé de la carte l’Amérique du Nord et ont ravagé l’Afrique, le néolibéralisme s’est imposé comme la seule doctrine politique mondiale, creusant de façon démesurée l’écart entre riches et pauvres. La colère gronde et les manifestations de la population se multiplient. Appelée pour contenir une émeute urbaine, la brigade d’intervention du sergent Anton Csymanovic doit faire face à l’effondrement d’un immeuble vétuste. En essayant de sauver une petite fille restée devant le bâtiment, le chef de la brigade est enseveli sous les décombres. Au même moment, un objet lumineux apparaît au-dessus des ruines. Tous les témoins les plus proches de la scène, irradiés par les rayons émanant de l’objet, sont enlevés par une officine gouvernementale et emmenés dans un bunker isolé…

Changement complet de registre pour Fabrice Néaud, chantre de l’autobiographie dessinée depuis la publication de son célèbre Journal (4 volumes parus chez chez Ego comme X). Avec Nu-men, il se lance dans une vaste saga d’anticipation mêlant politique fiction et science-fiction. Ce premier tome possède les défauts propres à ce type de mise en bouche. Pour installer son univers et son intrigue, l’auteur se montre très bavard et densifie au maximum le récit. Résultat, les personnages sont nombreux, les situations complexes et le déroulement des événements n’est pas toujours évident à suivre. Autre souci, l’impression générale de déjà vu. Le complot gouvernemental, la situation mondiale post-apocalyptique intenable, le développement des nanotechnologies et l’apparition de « transhumains » capables de voler par leurs propres moyens, il n’y a là rien de bien nouveau sous le soleil. Malgré tout, il faut reconnaître la méticulosité avec laquelle Néaud a construit ce volume « d’installation ». Les informations sont diffusées au compte goutte mais l’on sent déjà que rien n’a été laissé au hasard. De la situation géopolitique aux questions sociétales, tout a été pensé dans les moindres détails. Par ailleurs, les dialogues sont crus mais sonnent juste et la violence, omniprésente, est adaptée au contexte.

Graphiquement, malgré des cadrages serrés et un grand nombre de cases par planche, l’ensemble reste très lisible. L’influence des comics est assez évidente, tant au niveau du trait que des couleurs même si plusieurs passages m’ont également rappelé des séquences du Akira de Katushiro Otomo.

Au final, si je suis impressionné par la richesse de l’univers mis en scène, mon sentiment général reste mitigé. Peut-être parce que je ne suis pas un habitué de la SF en BD ou tout simplement parce que ces 48 pages laissent en bouche un goût de trop peu. Trois tomes sont pour l’instant prévus mais l’auteur assure que si le succès est au rendez-vous, il a déjà en tête des développements bien plus importants. Une affaire suivre, donc…

Nu-men T1 : guerre urbaine de Fabrice Néaud, éditions Quadrants, 2012. 48 pages. 13,95 euros.


Néaud © Quadrants 2012



dimanche 19 février 2012

Souvenirs d’un enfant des rues

El Souwaim © Phébus 2012
« Kasshi le cassé » est un enfant des rues de Khartoum. Né avec des moignons à la place des jambes, il vit parmi ces bandes de gosses mendiants, vendeurs à la sauvette, voleurs à la tire et sniffeurs de colle qui ont colonisé la capitale soudanaise depuis la fin de la guerre civile. Kasshi rampe sur les trottoirs ou s’accroche sur le dos de ses compagnons de misère. Il a fréquenté quelques temps une école coranique et a appris les rudiments des sciences occultes auprès d’un cheik véreux roi de l’arnaque. Il a connu les centres de redressement et la prison. Doté d’un sexe hors norme, sa réputation d’étalon lui attire beaucoup de faveurs féminines. Mais surtout, Kasshi est intelligent et a très tôt compris qu’il lui faudrait user de malice pour s’extirper de cette improbable cour des miracles.

Quel voyage ! Ces Souvenirs d’un enfant des rues narrent les tribulations d’un gamin hors du commun. Autour de lui gravite une tripotée de personnages hauts en couleur que le lecteur n’est pas près d’oublier. Les épisodes s’enchaînent sans temps morts, tantôt joyeux, parfois d’une infinie tristesse, souvent touchants. Mansour El Souwaim a l'intelligence de ne pas tomber dans le pathos dégoulinant de bons sentiments. Il endosse avec brio les habits du conteur oriental et force est de reconnaître que sa voix envoutante possède une rare musicalité.

Mais au-delà de ses qualités littéraires incontestables, ce roman finalement très moderne permet à son auteur de dénoncer la violence et la misère d’un pays en guerre perpétuelle ou encore de défendre le statut des femmes. Il n’oublie pas d’égratigner l’obscurantisme religieux et de se gausser de la crédulité d’une population refermée sur elle-même.

Un roman superbement construit, à la fois rude, drôle et, malgré les apparences, bourré d’optimisme. A découvrir et à faire découvrir !

Souvenirs d’un enfant des rues de Mansour El Souwaim, Éditions Phébus, 2012. 232 pages. 19 euros.

samedi 18 février 2012

La grande épopée des petits pois

Cullen et Rickerty © Glénat 2010
On ne se rend pas compte à quel point la vie d’un petit pois est haletante. D’abord, ils sont semés et grandissent en plein air. Ensuite on les cueille et on les emballe. Puis ils prennent la route jusqu’à la conserverie où ils sont écossés et mis en boîte (il paraît même que certains sont surgelés). Commencent alors une longue expédition en train, en bateau ou en avion pour atterrir dans les rayonnages des magasins. C’est là que papa et maman les achètent. Les petits pois, après tant d’aventures, finissent leur vie dans une assiette, devant des princes et des princesses (les enfants) qui font la grimace en les regardant. Mais si le petit pois sait se montrer persuasif, ces majestés se laissent tenter et ne le regrettent pas !

Un régal cet album ! Trait minimaliste mais expressif, peu de texte par pages, des couleurs pétantes… idéal pour accrocher les tout-petits. Il y a de plus une vraie fantaisie dans les illustrations, toutes plus variées les unes que les autres. Et puis le propos est à la fois instructif, drôle et fort bien construit, ce qui donne au final un résultat plus qu'alléchant.

A lire avant un repas où les petits pois sont au menu. Ça leur évitera peut-être de finir noyer sous une tonne de ketchup ou de rouler sous la table et d’être écrasés par la semelle d’un chausson !

La grande épopée des petits pois de Simon Rickerty et Andy Cullen. Glénat, 2010. 32 pages. 10 euros. A partir de 3 ans.

Cullen et Rickerty © Glénat 2010

Cullen et Rickerty © Glénat 2010

vendredi 17 février 2012

Jack Palmer : L'affaire du voile

Pétillon © Albin Michel 2006
Clara Pèlerin, sans nouvelle de sa fille Lucie depuis un mois, demande à Jack Palmer de la retrouver. Ce dernier, en faisant du porte à porte chez les commerçants de Belleville, apprend que la jeune femme s’est convertie à l’islam le plus radical et fait désormais partie d’une école coranique de Mantes-la-Jolie. Le choc est rude pour ses parents. Sa mère ne comprend pas : « Elle avait des préoccupations de son âge… Les petits amis, les études, les fringues, sortir, la techno, un pétard de temps en temps… Elle lisait Houellebecq… ». Aidée d’une amie et du flegmatique détective, Mme Pèlerin imagine un stratagème pour kidnapper sa fille…

J’aime beaucoup Jack Palmer, ce privé maladroit attifé comme Colombo et vivant sous les toits dans une chambre de bonne. Un personnage minable dont chaque enquête vire à la catastrophe et dont la criante incompétence déclenche chez le lecteur de nombreux fou-rire. Alors que les premiers albums donnaient plutôt dans l’absurde et le pastiche, les suivants ont peu à peu glissé vers le traitement des faits de société. Chaque nouvelle aventure a permis à Pétillon de passer à la moulinette un milieu social. C’est ainsi qu’il s’est successivement penché sur le cas des écrivains (Les disparus d’Apostrophes), des musiciens (Le chanteur de Mexico), du microcosme de la bande dessinée (Le prince de la BD), de la bourgeoisie (Le pékinois) ou encore de la mode (L’affaire du Top Model). Avec L’enquête Corse, L’affaire du voile et Enquête au paradis, le dessinateur a changé de registre pour plonger son héros en pleine actualité.

Dans L’affaire du voile, Pétillon aborde un sujet ultra-sensible. Mais parce que son regard un rien décalé ne donne pas dans la surenchère ou la dénonciation gratuite, l’album fait mouche. Sans méchanceté, sans cynisme, loin des poncifs, il renvoie dos à dos l’extrémisme et les clichés sur l’islam, usant avec délice de cette tendre ironie qui caractérise son oeuvre. Le sujet n’est pas simple et ne se prête pas à l’éclat rire mais l'humour est néanmoins bien présent. Seul petit regret, Palmer semble totalement effacé de sa propre enquête et ne sert finalement que de faire valoir aux autres personnages. Il n'empêche, voila un album construit avec une rare intelligence et qui m'a fait passer un excellent moment de lecture.

Un grand merci à Valérie qui m’a offert cet album dans le cadre du loto BD organisé par Mo’.

Jack Palmer T13 : l’affaire du voile, de Pétillon, Éditions Albin Michel, 2006. 48 pages. 12.50 euros.


Pétillon © Albin Michel 2006


jeudi 16 février 2012

Les années n°3

Au menu de ce troisième numéro, des portraits de Pierre Bergougnioux et Marcel Paul, une nouvelle d'Olivier Mellor, la chronique du professeur Hernandez, une chronique chanson consacrée à Rémo Gary, une réflexion sur les ateliers d'écriture et un hommage au fabuleux Raymond Carver. De mon coté, je présente Atar Gull, une BD coup de poing traitant de l'esclavage.


Si vous souhaitez recevoir la revue par mèl, il suffit de me contacter (dunebergealautre@gmail.com).

Téléchargez le n°3

Prochain numéro le 29 février !





mercredi 15 février 2012

Frezzato : Memories of Sand

Frezzato © Mosquito 2012
Un OVNI complet, voila la première impression que laisse cet album de Massimiliano Frezzato. Quatre nouvelles graphiques sans lien apparent et surtout sans aucun texte. On le feuillette d’abord, incrédule. Puis on s’y attarde davantage pour tenter de comprendre où l’auteur veut nous emmener.

La première histoire m’a rappelé une nouvelle de Bukowski et j’ai vu dans la dernière une parabole sur l’amour et le terrorisme. Je n’ai pas compris grand-chose à la seconde quant à la 3ème, elle m’a semblé fortement inspirée par les univers de Lewis Caroll et de Tim Burton. Mais d’autres lecteurs pourront avoir des interprétations tout à fait différentes. C’est à la fois l’intérêt et la limite de l’exercice. Certains y verront une forme de facilité. Faire tout et n’importe quoi en laissant chacun décider du sens du message diffusé peut relever de la fumisterie. Personnellement, je pense le contraire. Si je devais faire un parallèle avec la littérature, je dirais qu’un auteur se mérite. Pour qu’il y ait littérature, il faut que le texte résiste, que le lecteur travaille. Et là, pour le coup, il a du boulot, le lecteur !

En fait, je crois que cet album est idéal pour aborder la question de la compréhension en lecture et de son lien avec les inférences. Kézaco les inférences ? Ce sont des « interprétations qui ne sont pas littéralement accessibles, des mises en relation qui ne sont pas explicites. La signification n’est pas donnée par le texte, elle est construite par le lecteur et varie donc autant en fonction de la base des connaissances et des stratégies du lecteur-compreneur qu’en fonction de l’information apportée ». Ces définitions tirées d’ouvrages portant sur l’apprentissage et le fonctionnement de la compréhension en lecture correspondent parfaitement à mon ressenti par rapport à cet album car j’ai dû mobiliser mes propres références pour donner du sens aux histoires proposées. Bon, pas la peine non plus de se la raconter et de disserter des heures sur la psychologie de la lecture (même si c’est un sujet qui me passionne). Disons seulement que cet ouvrage est un véritable « remue-méninges » qui ne laissera personne indifférent.

Graphiquement parlant, c’est très beau. Peinture, encrage épais ou plus fin, couleur flashy ou plus ternes, illustrations pleine page ou découpage plus serré, la variété des styles et des techniques est assez impressionnante.

Voila donc un titre étrange, à la limite entre la BD et l’album d’illustrations. Personnellement, j’ai été séduit sans être totalement conquis. Si vous voulez vous faire votre propre idée, je peux transformer ce Memories of Sand en livre voyageur, il suffit de m’envoyer vos coordonnées par mèl (dunebergealautre@gmail.com)


Memories of Sand de Massimiliano Frezzato, éditions Mosquito, 2012. 68 pages. 15 euros.

Un grand merci à News Book et aux éditions Mosquito pour la découverte.

Frezzato © Mosquito 2012

Frezzato © Mosquito 2012

Frezzato © Mosquito 2012



mardi 14 février 2012

La radio des blogueurs : spécial Saint Valentin

1991. J’avais 16 ans, les cheveux longs (qui a dit les idées courtes ?) et je portais des tee-shirts noirs siglés AC/DC ou Iron Maiden . Mes idoles s’appelaient Guns n’roses, Metallica, Slayer, etc. J’aimais aussi quelques groupes moins connu comme Skid Row, Faith no More ou Tesla. Ces derniers, originaires de Sacramento, faisaient dans le hard mélodique à la Bon Jovi. Avec un copain, nous sommes allés les voir à Bercy en première partie de Scorpion. Leur set était entièrement acoustique.

Je me rappelle une lumière bleutée et cinq gars chevelus sur scène. Des musiciens très techniques et la voix incroyable du chanteur Jeff Keith. Je me souviens surtout d’une chanson, Love Song qui avait littéralement électrisé le public (le comble pour un concert acoustique !). Bien sûr aujourd’hui je me suis pas mal éloigné de tout ça musicalement parlant. Il n’empêche, la voix de Jeff Keith me parle toujours autant.

Alors en ce jour de Saint Valentin, quoi de mieux que de repartir 20 ans en arrière pour vous faire partager cette Love Song qui m’a tant marqué à l’époque ?







Pour écouter d’autres chansons d’amour, rendez-vous chez Leiloona.



dimanche 12 février 2012

Chanson de la neige silencieuse

Selby © L'0livier 1998
J’ai lu la semaine dernière un article qui parlait d’un SDF accueilli dans un foyer Emmaüs. Ce jeune garçon, contraint de trouver refuge dans un endroit chaud au moment où le froid polaire avait envahi les rues, se plaignait de la promiscuité du foyer, de la violence et des vols. Il venait notamment de se faire dérober 140 euros et surtout le manteau qu’il considérait comme son bien le plus précieux. Ce témoignage m’a secoué et m’a donné envie de relire une nouvelle d’Hubert Selby Jr. intitulé Le manteau.

Selby fut une vraie déflagration dans ma vie de lecteur. Comparable à la découverte de Bukowski, de Carver ou de John Fante. C’est au début des années 90 que j’ai entendu parler de cet auteur dans une interview du chanteur Henry Rollins. J’avais à l’époque beaucoup d’admiration pour Rollins, ex-leader du groupe punk Black Flag, grand gaillard musculeux au cheveu ras et tatoué de la tête au pied. J’écoutais en boucle l’album The end of Silence de son nouveau groupe, le Rollins Band, sur mon walkman à cassette (je sais, c’était le moyen âge). Bref, tout ça pour dire que c’est parce que Rollins a toujours cité Selby comme une influence majeure que je me suis intéressé à lui. J’ai commencé par le sulfureux Last Exit to Brooklyn et j’ai pris une claque monumentale. J’ai enchaîné avec Le démon, La geôle, Retour à Brooklyn et enfin Chanson de la neige silencieuse. Ce dernier titre est un recueil de nouvelles publiées entre 1957 et 1981. Le manteau date de 1978 et c’est une de mes nouvelles préférées.

Le manteau raconte l’histoire d’Harry, un clochard new yorkais qui vit une véritable histoire d’amour avec son manteau. Harry le solitaire squatte les immeubles désaffectés. Il travaille au noir quelques soirs par semaine comme plongeur. Ce petit boulot lui permet de se payer ses bouteilles de muscat quotidiennes. Il ne demande rien de plus. Tant qu’il a son muscat et son manteau, la vie vaut la peine d’être vécue. Ce manteau est son seul ami, celui sur lequel il peut toujours compter pour lutter contre la morsure du froid hivernal. En été, il ne s’en sépare jamais, paniqué à l’idée de le perdre : « Il était long, tombant pratiquement sur ses chevilles, et lourd, et il faisait presque deux fois le tour de son corps, et quand Harry en relevait le col, il se sentait protégé du monde extérieur. C’était un manteau provenant de surplus militaires qui lui avait été donné par l’armée du Salut, l’un des derniers qui restaient. Ç’avait été le coup de foudre. » Un soir d’hiver, deux SDF l’agressent pour lui voler son vêtement préféré. S’accrochant désespérément à son bien, Harry est roué de coup et laissé pour mort mais il a toujours son manteau sur le dos. Il doit son salut à l’intervention d’une patrouille de police. Sauvé in-extremis par les médecins, il passe des mois à l’hôpital. Le jour de sa sortie, personne ne retrouve ses affaires dans les vestiaires. Pour Harry, la perte définitive de son meilleur ami signifierait la fin du monde...

Si vous passez régulièrement par ici, inutile de vous dire que c’est la littérature que j’aime. De la littérature à hauteur d’homme qui vous prend aux tripes. Pas de chichi, pas un mot de trop. L’écriture est brutale et réaliste. Selby déroule ses thèmes fétiches : la solitude, la misère et l’angoisse sans la vision apocalyptique qui caractérise ses romans. Car autant vous le dire tout de suite, Le manteau se termine sur une note positive.

Je me rappelle avoir lu cette Chanson de la neige silencieuse au cours de l’été 1998 sur les bords du lac d’Annecy. Je m’en souviens parfaitement tant ce moment à été magique. Grâce à un simple article paru dans un journal local, j’ai eu le plaisir de redécouvrir cette fabuleuse nouvelle. Comme quoi, il ne faut parfois pas grand-chose pour dépoussiérer les trésors de sa bibliothèque.


Chanson de la neige silencieuse, d’Hubert Selby Jr, L’olivier, 1998. 278 pages. 11 euros.




samedi 11 février 2012

Loto BD de Mo' : the winner is... bibi !

Ça a commencé par deux enveloppes dans la boîte aux lettres. Ma femme rentre à la maison un midi et m’appelle aussitôt au boulot : « C’est qui ces filles qui t’envoient du courrier ? ». Le ton est plutôt aimable, curieux, pas hystérique. Moi, l’esprit tranquille (c’est vrai quoi, j’ai rien à me reprocher !) : « Ah oui c’est parce que j’ai participé à un loto BD, je dois faire partie des gagnants.» Le soir même j'ai pu découvrir les suprises que me réservaient ces premiers envois.

Lun des paquets contenait Femmes de réconfort, un Manhwa de Jung Kyung-a offert par Marie.

Résumé :
A travers le récit de femmes coréennes, envoyées dans les camps de l'armée japonaise en tant qu'esclaves sexuelles, l'ouvrage rend compte de la dimension émotionnelle de ce drame de guerre et de l'expérience traumatisante des victimes.

 
 
 
 
 
 
Dans le second, pas moins de trois ouvrages envoyés par Valérie. Deux BD et un roman, que du bonheur ! La 1ère BD est une enquête de Jack Palmer, L'affaire du voile.

Résumé :
Mme Clara Pèlerin a un gros problème : sa fille a disparu. Elle fait donc le choix de confier à Jack Palmer la délicate tâche de la retrouver. Le détective découvre que la fille de Mme Pèlerin a changé de nom et s'est convertie à l'islam le plus radical...

 
 
 
 
 

La seconde BD a pour titre Octobre noir de Mako et Daeninckx.
 
Résumé :
A l'histoire du jeune Mohand, qui doit se produire à l'Olympia à Paris dans les années 1960, s'ajoute le récit de la journée du 17 octobre 1961 et de la répression sanglante par la police française sur ordre du préfet Papon.


 
 
 
 
 
 
Le roman est de Nicolas Fargues et a pour titre Tu verras.
 
Résumé :
Imaginer ce qu'il pourrait ressentir si son fils venait à mourir brutalement a été pour N. Fargues le point de départ de ce roman, qui parle aussi d'amour et de solitude. Dans les jours et les semaines qui suivent la mort accidentelle d'un préadolescent, son père revit les circonstances du drame mais aussi leur vie et tout ce qui commençait à les opposer.
 
 
 
 
 
 
Quelques jours plus tard, rebelote. Je découvre cette fois-ci l’album Dans la nuit la liberté nous écoute de Maximilien Le Roy offert par Oliv’.

Résumé :
En 1945, Albert Clavier est envoyé en Indochine. Très vite, il déserte et rejoint le camp du Vietminh. Il refuse de combattre ses compatriotes mais il est considéré comme un lâche et un traître, malgré sa conviction que l'humanisme doit être prépondérant sur le patriotisme.


 
 
 
 
 
Puis c’est au tour de Choco de me faire parvenir le manga Soldats de sables de Susumu Higa.

Résumé :
Recueil d'histoires se déroulant pour la plupart à la fin de la Seconde Guerre mondiale. L'auteur fait découvrir de l'intérieur la bataille d'Okinawa, des premiers signes aux conséquences, à travers différents points de vue d'habitants, de soldats japonais et américains. Les hommes se montrent tour à tour accablants de bêtise, pleins de sagesse ou encore touchants d'humanité.


 
 
 
 
Pour finir, c’est avant-hier que j’ai découvert le colis de Mo’ qui m’a vraiment plus que gâté avec les deux volumes de Maus et l’ouvrage Meta Maus d’Art Spiegelman auxquels elle a ajouté Les meilleurs ennemis de Jean-Pierre Filiu et David B.

Résumé :
Le père de l'auteur, Vladek, juif polonais, rescapé d'Auschwitz, raconte sa vie de 1930 à 1944, date de sa déportation. Ce récit est rapporté sous la forme d'une bande dessinée dont les personnages ont une tête d'animal : les juifs sont des souris, les nazis des chats, les Polonais des porcs et les Américains des chiens.






Résumé :
Vingt-cinq ans après la publication de MAUS (prix Pulitzer 1992), Art Spiegelman revient sur le chef-d'oeuvre qui a changé à jamais notre vision de la littérature, de la bande-dessinée et de l'Holocauste.
Art Spiegelman explore les questions cruciales soulevées par MAUS (Pourquoi l'Holocauste ? Pourquoi les souris ? Pourquoi la BD ?) et propose une oeuvre essentielle sur le processus de création.
Metamaus est accompagné d'un DVD comprenant la version numérisée de L'intégrale MAUS : un survivant raconte, assortie d'archives sonores très fournies des enregistrements de son père, survivant de camps, de documents historiques, ainsi que d'une multitude de carnets personnels et de croquis.


Résumé :
De la grande histoire à la petite anecdote, les auteurs retracent les relations entre les Etats-Unis et le Moyen-Orient de 1783 à 1953, de la première intervention militaire contre la Libye, en passant par l'accord sur le pétrole entre le président Roosevelt et le roi d'Arabie saoudite en 1945, au coup d'Etat américain en Iran de 1953 contre Mossadegh.






D’après ce que j’ai compris, il me manque encore l’envoi d’un des participants. Quoi qu’il en soit inutile de vous dire  que je suis plus qu’heureux d’être le grand gagnant ! Je n’ai lu ni ne possède aucun des ouvrages offerts. Que de belles découvertes en perspective. Je m’engage évidemment à les lire et les chroniquer dans les semaines qui viennent.
Je tiens vraiment à tous vous remercier pour vos cadeaux et pour les petits mots gentils. J’ai été vraiment touché par toutes vos attentions. Un grand merci spécial à Mo’ pour son envoi et pour l’organisation du Loto. Inutile de vous dire que je suis partant si l’opération se renouvèle.

Dernière heure (Breaking news comme disent les américains) :

J'ai trouvé tout à l'heure dans ma boîte au lettre un paquet envoyé par Lunch. A l'intérieur, il y avait l'album Swallow me Whole de Nate Powell.

Résumé :
Ruth et Perry sont demi-soeur et demi-frère. Ces deux adolescents américains, ordinaires en apparence, nourrissent pourtant d'étranges obsessions intimes qui en font des individus un peu à la marge. Ruth voue un culte secret à des insectes conservés dans des bocaux. Perry perçoit la voix de son crayon-sorcier et vit des crises de dessin.







Voila, j'ai donc reçu en tout 9 albums et un roman. Ma PAL a gagné de nombreux centimètres et vous vous doutez bien que j'en suis ravi. Encore merci à tous !

jeudi 9 février 2012

Chroniques Express littérature de jeunesse

Scotton © Nathan 2012
Splat chante faux ! / Bonne nuit Splat ! de Rob Scotton, Nathan, 2012. 28 pages. 5,80 euros. A partir de 4 ans.

Splat a fait un malheur auprès de ma fille depuis qu’il a débarqué à la maison au mois de décembre dernier. Alors vous pensez bien que quand je lui ai montré ces deux nouveaux albums à la librairie, elle a été ravie. C’est toujours très drôle et les mimiques des chats sont impayables. En plus ces nouveautés sont publiées dans un petit format cartonné moitié moins cher que les albums parus précédemment. Alors pourquoi se priver ?

Scotton © Nathan 2012



Roi et Rajcak © Milan 2012
Animalia : voyage animé au pays des animaux, d’Arnaud Roi et Hélène Rajcak, Éditions Milan, 2012. 20 pages. 19,90 euros. A partir de 5-6 ans mais tellement fragile qu’il faut le tenir éloigné des brutes !

Un documentaire sous forme de pop-up dépliables verticalement. Chaque scène propose à l’enfant de découvrir les animaux dans leur milieu naturel : forêt tempérée, montagne, forêt amazonienne, savane, banquise et récif corallien sont au menu. Les animaux et leur environnement sont présentés de façon succincte. L’ensemble est très instructif mais c’est surtout un formidable objet livre magnifié par les illustrations d’Hélène Rajack dont j’avais déjà beaucoup apprécié le travail sur l’album Petites et grandes histoires des animaux disparus.

Attention, si vous mettez cet ouvrage dans les mains d’un enfant, il ne voudra plus le lâcher tant qu’il ne l’aura pas ramené à la maison. Je vous aurais prévenu !


Roi et Rajcak © Milan 2012


Dégruel © Delcourt 2011
La première lettre de Yann Dégruel, Delcourt, 2012. 44 pages. 10.95 euros. A partir de 7 ans.

Troisième adaptation en BD d’une nouvelle du recueil Histoires comme ça de Rudyard Kipling par Yann Dégruel après L’enfant d’éléphant et Le chat qui s’en va tout seul. Un texte qui raconte comment et pourquoi le premier courrier de l’histoire de l’humanité a été une source de quiproquo quasi fatale pour le « facteur » ! Drôle et superbement mis en image.


 
 
Dégruel © Delcourt 2011


C’est bébé qui commande, de Marla Frazee, Père Castor, 2012. 32 pages. 12,50 euros. A partir de 4 ans.

L’auteur compare l’arrivée de bébé à celle d’un nouveau PDG dans une entreprise. Les parents sont ici considérés comme des employés serviles. Bébé a des exigences, beaucoup d’exigences. Il soumet ses parents à un rythme d’enfer et pique une colère noire s’il n’obtient pas satisfaction. Sans compter que sa manie de convoquer le personnel en pleine nuit dans sa chambre n’est pas toujours appréciée à sa juste valeur…
Un album qui arrachera plus d’un sourire aux parents. En tout cas beaucoup plus fin et plus intelligent que Dors et fais pas chier !


Frazee © Père Castor 2012


mercredi 8 février 2012

Le Scaphandre Fêlé

Le Cil vert 
© Le stylo bulle 2010
L’autofiction me sort par les yeux. Je déteste ces auteurs qui se regardent le trou de balle et tiennent absolument à coucher sur le papier leur histoire, persuadés que tout cela va passionner les lecteurs. Et pourtant, c’est la troisième fois en peu de temps que je me surprends à apprécier une BD « autofictionnelle ». Il y a d’abord eu Formose puis Une métamorphose iranienne et c’est maintenant au tour de ce Scaphandre fêlé. Est-ce que mes goûts changent ? Pas sûr. Disons plutôt que quand le propos est bien amené, je me laisse facilement embarquer.

Dans cet album, Le Cil Vert, pseudonyme de Sylvère Jouin, revient sur quelques moments charnières de sa vie professionnelle et artistique. Entre sa phobie de l’avion, la mort tragique de son père et sa rencontre avec la douce Chloé, l’auteur énumère ce qu’il appelle les « naissances douloureuses » ayant symbolisé les moments clés de son existence. Ce que j’ai apprécié ici c’est que Le Cil Vert relate les événements de façon non linéaire. Pas de chronologie hyper stricte, quelques touches d’humour bienvenues et d’étranges digressions sur la fabrication du cidre ou la vie de Boris Vian, l’ensemble peut paraître assez hétérogène mais au final tout se tient, c’est bien là l’essentiel.

Le dessin est assez minimaliste (c’est un peu la loi du genre) mais il reste quand même bien meilleur que chez certains auteurs ayant fait de l’autofiction leur fonds de commerce (je ne citerais pas de noms, l’inventaire serait trop long). L’absence de couleurs et le fait de jouer sur les tons de gris pour varier le contraste est par ailleurs un parti pris cohérent. Le vrai souci, c’est la taille riquiqui des cases et l’omniprésence du texte qui ne laisse pour ainsi dire aucune place aux décors. Mais bon, pour un ouvrage intimiste dans un petit format, c’est assez logique : pas la peine de se lancer dans un lyrisme échevelé avec des illustrations pleine page bourrées de détails et totalement hors de propos.

Assurément pas le coup de cœur du siècle mais une lecture beaucoup plus agréable que je ne l’aurais pensé. Je ne dis pas que l’autofiction va devenir mon genre préféré mais en tout cas je ne dis plus que jamais on ne me prendra à lire ces auteurs nombrilistes à la noix.


Le Scaphandre Fêlé par Le Cil Vert. Éditions Le stylo bulle , 2010. 68 pages. 12 euros.

Une BD offerte par Loula dans le cadre de son loto BD. Un grand merci à elle pour la découverte !

PS : après un premier essai à la radio pour présenter Formose, Libfly m'a demandé de renouveler l'opération autour d'Une métamorphose iranienne. J'ai toujours autant horreur d'écouter ma voix mais si le coeur vous en dit, ça se passe par ici : http://www.libfly.com/une-metamorphose-iranienne-mana-neyestani-fanny-soubiran-livre-1571057.html



Le Cil vert © Le stylo bulle 2010
 




lundi 6 février 2012

Le premier mardi, c'est permis (4) : Les combattants du feu T1

Davis © J'ai Lu 2010
Des mois que j’entends parler de la collection Passion intense grâce au rendez-vous mensuel de Stephie. La curiosité étant un de mes nombreux défauts, j’ai décidé de me lancer à corps perdu dans un des romans de cette collection qui, selon l’éditeur, recèle « un monde de sensualité ». Difficile à priori de choisir parmi tous ces titres plus alléchants les uns que les autres : « L’ivresse des sens », « Nuit intense », « Voluptueuse innocence », « Une lady nommée passion », « Liaisons sulfureuses » ou bien encore « Recherche un homme pour la nuit ». J’ai jeté mon dévolu sur la série « Les combattants du feu » de l’américaine Jo Davis. Pas parce que ce titre là me plaisait plus qu’un autre mais tout simplement parce que c’est le seul que j’ai trouvé à la librairie.

Alors, ça donne quoi un roman érotique « pour elle » ? Passons sur la couverture que n’aurait pas reniée le magazine Têtu pour nous intéresser au cœur de l’intrigue. Les combattants du feu est une série qui met en scène les pompiers de la ville de Sugarland au Tennessee. Ce premier tome s’attarde sur la rencontre entre le ténébreux lieutenant Howard Paxton et la charmante Kate McKenna, une jeune femme qu’il sort d’une maison en flammes dès les premières pages. Forcément, c’est le coup de foudre et le début d’une grande histoire d'amour. Tout serait parfait si le beau lieutenant n’était pas perturbé par les douloureux stigmates d’une enfance difficile...

Bon ok, je vous la fait comment ? Je pourrais vous dire qu’entre eux, ça fait des étincelles, qu’il lui a mis le feu ou qu’il l’a fait fondre. Si j’étais vulgaire, je pourrais vous dire que le feu, c’est plutôt au c** qu’elle l’a ou encore que ce pompier a un énorme tuyau et qu’il arrose sa belle de son jet puissant. Pas mon genre tout ça, voyons, je suis quelqu’un de respectable !

Disons juste que je me suis bien marré parce que j’ai pris ce roman au 3ème ou au 4ème degré. L’intrigue est cul-cul la praline en diable mais l’auteure a su l’orchestrer. Il y a du rythme, du suspens, une belle alternance entre les scènes d’action (je parle des interventions des pompiers, bandes de pervers) et la romance. Pour ce qui est de l’érotisme, c’est quand même plutôt gentil. Au final, je trouve qu’il y a trop peu moments chauds (et là je parle de sexe, bande de pervers) et que c’est bien dommage parce que c’est quand même ce qui m’intéressait le plus au départ. Bref j’ai eu du mal à aller jusqu’au bout mais je ne dirais pas pour autant que c’est un mauvais roman. Dans le genre, je pense qu’il doit y avoir bien pire.

Le vrai souci pour l’homme que je suis, c’est quand même les énormes clichés que Jo Davis enfile comme des perles. Forcément le lieutenant est beau comme un Dieu grec. Forcément, l’héroïne n’est pas un canon mais elle a le charme des femmes un peu rondes qui font craquer les hommes. Forcément, ce même lieutenant est monté comme âne et c’est un coup fabuleux au pieu. En plus, il roule en Harley et adore ses parents adoptifs (le brave garçon). Forcément, c’est un homme qui souffre, un homme en proie au doute dont le pire des vices est une addiction à la caféine (la vache, quel bad boy !). Bref, c’est le genre d’homme qu’on ne croise jamais dans une vie de femme lambda. Je sais bien, on a le droit de rêver, mais plus dure sera la chute.

Personnellement, j'aurais voulu lire un roman à l’eau de rose mettant en scène un homme normal. Le gars pas sportif pour deux ronds, éjaculateur précoce, qui n’aime rien moins que garder plusieurs jours son marcel taché sous les aisselles. Ou alors un gars tellement ventripotent qu’il n’a pas vu sa b*** depuis des années, fumeur de cigares à la calvitie prononcée et qui pète au lit. Je sais bien que l’on ne lit pas ce genre de romans pour retrouver l’image de son mec ou de son collègue de bureau. Il n’empêche que moi, ça me ferait plaisir de voir ces hommes là vivre une belle histoire d’amour. Quoi qu’il en soit, je suis bien content d’avoir découvert la collection Passion intense. Au moins maintenant je pourrais suivre plus facilement les chroniques publiées dans le cadre du rendez-vous mensuel de Stephie.

PS : petite précision en passant, les portraits dressés ci-dessus ne relèvent en aucun cas de l’autoportrait (ou alors juste pour quelques éléments, je vous laisse les choisir et les assembler à votre guise).

Les combattants du feu T1 : L’épreuve des flammes de Jo Davis. J’ai Lu, 2010. 380 pages. 6,90 euros.