samedi 15 septembre 2012

La faim de Knut Hamsun

Hamsun © Le Livre de poche 2012 
A quoi ça tient une vie de lecteur ? Parfois, à une rencontre avec un auteur. Pour moi, ce fut Bukowski. J’ai dévoré tous ses livres en une semaine. Dans l’une de ses nouvelles, il parle de son admiration pour John Fante. Ni une ni deux, j’engloutis tout John Fante en moins d’un mois. Puis je découvre que Fante a un fils, Dan, et que ce fils s’est lui aussi lancé dans l’écriture. Son premier roman, Les anges n‘ont rien dans les poches, vient de sortir en France. Je fonce à la librairie et je tombe au même moment sur une interview de Dan qui parle de son père et des auteurs qui l’ont inspiré. Il cite tout en haut de la liste un écrivain norvégien et un roman qui ont eu une influence majeure sur l’œuvre paternelle. Cet écrivain dont je n’ai jamais entendu parler, c’est Knut Hamsun, et ce roman, c’est La faim. Voila comment, en partant de Bukowski et en suivant quelques chemins de traverse, je me suis retrouvé à lire La faim, un chef d’œuvre dont j’ignorais jusqu’alors l’existence. C’était il y a bientôt vingt ans. A quoi ça tient une vie de lecteur ?

La Faim raconte l’histoire d’un homme qui crève littéralement de faim. Un homme qui, au moment où le texte commence, est chassé de la chambre de bonne qu’il ne peut plus payer. Cet homme parvient de temps en temps à placer un article dans le journal pour gagner quelques couronnes. Survient alors un court moment d’espoir, une nuit à l’abri et quelques repas. Mais très vite la misère et la faim reviennent. Comme un leitmotiv, une douleur sourde qui vous dévore physiquement et surtout moralement.

Orgueilleux et solitaire, l’homme refuse toute aide et n’accable en rien la société. Résigné, il réserve ses protestations à Dieu. La faim n’est donc pas un roman social. C’est un roman purement psychologique proposant une analyse minutieuse des effets du manque de nourriture sur l’organisme. Seul résultat possible, la folie. Le lecteur, devant une telle description clinique, pourrait sortir du livre aussi accablé que le héros mais il est au contraire tenu en haleine par la succession de moments d’espoir et d’abattement. L’écriture d’Hamsun y est pour beaucoup, notamment grâce à l’alternance entre des passages lyriques et d’autres plus mélancoliques.

Roman de l’exploration du subconscient, La Faim montre un homme seul dont la raison ne parvient plus à contrôler les mouvements de l’âme. Publié une première fois en France en 1895, le texte est réédité dans une version définitive en 1926 avec une introduction d’Octave Mirbeau et une préface d’André Gide. Entre temps, Knut Hamsun aura obtenu le prix Nobel de littérature en 1920 pour L’éveil de la glèbe.

La faim, de Knut Hamsun, Le livre de poche, 2012. 285 pages. 6,60 euros.


Une lecture que commune que je partage avec XL.

20 commentaires:

  1. C'est fascinant les découvertes que notre curiosité nous amène à faire de fil en aiguille.
    Je ne suis pas sûre du tout de partager ton enthousiasme à propos de Bukowski et je jette de temps à autre au livre de lui qui approche doucement du sommet de ma PAL des regards dubitatifs, mais je note celui-ci, que je ne connaissais pas du tout moi non plus... parce que tu donnes envie de le lire et qu'un livre préfacé par Gide ne peut pas être foncièrement mauvais!

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    1. Je crois en effet que tu ne partageras jamais mon enthousiasme pour Bukowski, ce que je peux tout à fait comprendre.
      Par contre, concernant Knut Hamsun, ce pourrait être une belle découverte.

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  2. "La faim" me donne l'eau à la bouche. Je prends note. Et je connais ce cheminement qui fait qu'on va d'un écrivain à un autre, pour aller de découverte en découverte, c'est toujours intéressant de savoir qui ce que nous admirons admirent aux-mêmes :) J'ai un Bukowski dans ma PAL mais je n'ai pas encore eu le temps de le lire. Mais ce n'est certainement pas faute d'envie !

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    1. Quelque part, ce cheminement me rappelle les cours de littérature comparée à la Fac. Il n'y a pas d'écriture, juste des réécritures (l'idée du palimpseste de Genette). D'ailleurs Dan Fante dans cette interview disait que le roman de son père "Demande à la poussière" était une réécriture de La faim.

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  3. Je connais aussi les cheminements d'auteur à auteur, l'un parle de l'autre, etc... Aussi des coïncidences, de livre à livre on retrouve un même détail, jamais lu avant;
    Bref, tout ça pour dire que tu es un lecteur vorace!Bienvenue au club! ^_^

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    1. Ces petites coïncidences, c'est aussi ce qui fait le sel d'une vie de lecteur, non ?

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  4. C'est le meilleur des cheminements possibles pour arriver à un auteur qu'on ne connaissait pas encore. En tout cas, comme toi, c'est ce que j'aime! Je n'ai pas encore lu cet auteur bien qu'en ayant déjà pas mal entendu dire beaucoup de bien de ce livre. Il faut que je trouve le temps de le lire!

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    1. C'est en effet un classique plutôt méconnu qui mérite d'être lu.

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  5. J'ai eu le même choc avec Céline. J'ai dévoré tout ce qui était disponible en librairie. J'ai commencé par "le voyage au bout de nuit" et le reste a suivi...

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    1. C'est toujours un choc de découvrir L'AUTEUR qui change notre vie de lecteur. Un moment inoubliable !

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  6. C'est terrifiant et fascinant en même temps ! Je note ce livre par pure curiosité ( puisque nous en sommes tous là finalement !). J'aime cette découverte du bonhomme et je le cite si tu permets car j'aime beaucoup ce qu'il disait des mots :"Le langage doit couvrir toutes les gammes de la musique. Le poète doit toujours, dans toutes les situations, trouver le mot qui vibre, qui me parle, qui peut blesser mon âme jusqu'au sanglot par sa précision. Le verbe peut se métamorphoser en couleur, en son, en odeur ; c'est à l'artiste de l'employer pour faire mouche [...]. Il faut se rouler dans les mots, s'en repaître ; il faut connaître la force directe, mais aussi secrète du Verbe.[...] Il existe des cordes à haute et basse résonance, et il existe des harmoniques...". Merci pour la découverte ;)

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    1. C'est un très grand auteur, même si à la fin de sa vie il a été récupéré par les nationalistes norvégiens ce qui a quelque terni son image (il était gâteux et a été manipulé comme une marionnette).
      L'extrait que tu cites me semble en tout cas parfaitement correspondre à la prose que l'on découvre dans La Faim.

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  7. Tu sautes d'un rocher à un autre et tu progresses...
    Pour ce livre, je ne pense pas un jour le lire. Il faut que je taille à la hache, un chemin dans ma PAL.

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    1. Je comprends, on a tous une PAL à défricher avant d'y ajouter quoi que ce soit de nouveau.

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  8. Et bien quelle rencontre et quel chemin parcouru. Par contre une question. Est-ce que l'auteur a connu la faim pour en faire une telle description. Simple question de curiosité.

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    1. Le roman est en partie autobiographique mais ça reste quand même de la pure fiction.

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  9. Un billet qui ouvre l'appétit (bon, ok, je sors!). Plus sérieusement, je ne connaissais pas non plus l'auteur et je note la référence. Merci du conseil.

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    1. Oui, tu peux noter les yeux fermés, c'est un titre que je recommande chudement (et je n'irais pas jusqu'à dire que tu vas te régaler^^).

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  10. Tu me tentes, même si ce livre a l'air un peu aride.

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    1. Artde, oui, ce pourrait être un adjectif approprié pour le qualifier.

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