mercredi 5 décembre 2012

Jours de destruction, jours de révolte de Chris Hedges et Joe Sacco

Hedges et Sacco
© Futuropolis 2012
Jours de destruction, jours de révolte est une BD-reportage qui dresse un panorama des États-Unis de la pauvreté. Cinq lieux, cinq chapitres au cours desquels on découvre la misère et le désespoir de tout un peuple. « Au travers de textes et de dessins, nous avons voulu décrire la vie de ces habitants écrasés par les lois d’un marché débridé ; dépeindre ces zones où êtres humains et milieu naturel sont laissés à l’abandon après avoir été exploités pour en tirer un maximum de bénéfices ; rendre compte de l’impact du capitalisme sauvage sur les familles, les travailleurs, les communes et les écosystèmes. » (extrait de la préface de Chris Hedges).

Voila donc le lecteur embarqué à Pine Ridge (Dakota du sud) dans une réserve indienne ravagée par l’alcoolisme, à Camden (New Jersey) dans une banlieue à l’abandon, un champ de ruines où la violence guette à chaque coin de rue, à Welsh (Virginie occidentale), auprès d’autochtones subissant les effets dévastateurs de l’exploitation du charbon dans des mines à ciel ouvert, à Immokalee (Floride) où les immigrés vivent une forme d’esclavage abominable dans les champs de tomates de grands propriétaires terriens et enfin à New-York, pour découvrir le mouvement Occupy Wall Street, symbole pour les auteurs d’une révolte en marche.
  
Très attiré au départ par la thématique et la forme du recueil, j’avoue que j’en suis ressorti assez déçu. D’abord, la redondance du discours anticapitaliste m’a quelque peu saoulé. La charge contre les financiers et leurs alliés politiques qui dirigent le monde et le ravagent avec avidité est très clairement exprimée et ne souffre d’aucune contestation mais il n’est pas nécessaire selon moi de répéter 36 fois la même chose. Ensuite, le ton général, entre le prédicateur et le donneur de leçon, m’a souvent gêné. Ce coté sentencieux masque le manque de finesse de l’analyse à certains moments. Enfin, le déséquilibre entre le reportage écrit et la BD est trop important. Une abondance de textes pas toujours passionnants alors que les quelques planches de Sacco (moins de 50 en tout) apportent une fluidité et un éclairage lumineux sur les situations présentées. Le dessin donne beaucoup plus de force au témoignage, c’est incontestable.

Par ailleurs, je n’ai pas de griefs particuliers contres les articles de Chris Hedges mais n’est pas Albert Londres qui veut. Je trouve son style plutôt plat et je me dis qu’avec de tels sujets, une pointe de lyrisme et une forme d’écriture vraiment engagée digne des grands journalistes-écrivains des siècles précédents m’auraient parues plus appropriées.

Attention, tout n’est pas à jeter dans cette somme assez colossale. Les différents chapitres révèlent une situation édifiante et mettent en lumière une face très sombre de l’Amérique. La découverte des conditions de vie de ces laissés pour compte du rêve américain a été pour moi un véritable choc. J’ai donc appris beaucoup de choses et je trouve que dans l’ensemble le travail des auteurs est vraiment intéressant, c’est juste qu’au niveau de la forme j’aurais largement préféré un véritable reportage en BD et non quelques planches de BD insérées dans des article de fond trop « journalistiquement » classiques. 

Une lecture commune que j’ai une fois de plus le plaisir de partager avec Mo’.


Jours de destruction, jours de révolte de Chris Hedges et Joe Sacco. Futuropolis, 2012. 320 pages. 27 euros.  

Hedges et Sacco
© Futuropolis 2012

Hedges et Sacco
© Futuropolis 2012






24 commentaires:

  1. En feuilletant cet album, c'est bien du déséquilibre entre le reportage écrit et la BD dont j'ai eu peur ... et donc il existe, et donc je passe !

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    1. Disons que si le déséquilibre était en faveur de la BD, ce serait bien mieux.

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  2. Malgré ta relative déception, j'ai très envie de lire cette bd, dans la veine de William Vollmann on dirait.

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    1. Tu as raison, je n'ai pas fait le rapprochement mais on est proche de l'esprit de Pourquoi êtes-vous pauvres. Sauf que niveau écriture Chris Edges n'est pas William T. Vollmann^^
      Mais en tout cas je t'encourage fortement à lire cet ouvrage et je serais ravi de savoir ce que tu en penses.

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  3. Je crois que le chapitre 5 est en trop. Du moins, Hedges aurait pu se contenter de n'aborder que le mouvement des Indignés, sans s'étendre sur ses propres opinions. Pour une démarche journalistique, j'ai trouvé ses propos sentencieux. Je crois que l'état d'esprit des militants d'Occupy se suffit à lui-même ; relayer leurs témoignages a bien plus d'impact que le discours sentencieux de Hedges
    Sacco m'a manqué sur cet ouvrage. J'aurais également préféré qu'il ait plus d'espace d'expression. Dans l'ensemble, j'ai cependant apprécié cette lecture. Je serais très curieuse de voir ce que pourrait donner une collaboration entre Squarzoni et Sacco ^^

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    1. Il y a un vrai déséquilibre dans cet ouvrage, on est d'accord la-dessus. Maintenant il faudrait que je me tourne vers un album où Sacco est seul aux commandes. Je suis certain d'apprécier bien davantage.

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  4. Bon, je passe. J'ai envie de plus de bd, pas de lire des articles.

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  5. Je passe aussi, ce n'est pas ce qui m’intéresse en ce moment !

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    1. Si le fond ne t'intéresse pas plus que cela, tu ne pourras même pas te rattraper avec la forme.

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  6. Bon, on verra, car au départ ça m'intéresse, cette BD!

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    1. Ah non mais ça reste très intéressant, je ne dis pas le contraire.

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  7. Il y a de grandes chances que ce genre de discours ma saoule aussi... Je passe mon tour cette fois ci, je veux du léger moi ! ;-)

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    1. Là forcément, c'est du lourd à tous points de vue (l'ouvrage en lui-même est d'un poids non négligeable).

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  8. J'étais tentée par la présentation mais ton avis me dissuade de m'y intéresser. Tant pis.

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    1. Il ne faut peut-être pas t'arrêter à mon avis. Si tu es intéressée, tu peux quand même y jeter un oeil.

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  9. J'ai fait une overdose de Sacco... ce ne sra donc pas pour tout de suite...

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    1. Ben moi c'était mon premier donc pas encore d'overdose. Au contraire, je me laisserais bien tenter par un album où il est seul aux commandes.

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  10. Pas envie non plus de lire cet album pour toutes les raisons que tu donnes!

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    1. Tant pis, ce sera peut-être mieux la semaine prochaine^^

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  11. Je passe Jérôme... Je suis entrain de lire Magasin Général et je me sens bien dans cette atmosphère douce.

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    1. Rien à voir en effet avec Magasin général. Je comprends tout à fait que tu préfères rester au Québec ;)

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  12. J'ai fini ce livre hier, et le déséquilibre BD/texte ne m'a pas gênée, puisque je ne m'attendais pas vraiment à une BD reportage. C'était le thème qui m'intéressait. Et pour le coup, j'ai été servie; je ne pensais pas qu'on puisse montrer une situation aussi catastrophique dans le pays le plus puissant au monde!
    Mais ce qui m'a dérangée, c'est l'absence de nuance, et peut-être aussi un trop-plein de chiffres.

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    1. Les auteurs ont un point de vue clairement engagé. L'ensemble est vraiment intéressant mais sur la forme, c'est parfois un peu indigeste.

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