mercredi 20 février 2013

Black Hole - Charles Burns

Burns © Delcourt 2006
Chris et Keith sont deux lycéens vivant dans la région de Seattle au beau milieu des années 70. Tous deux vont contracter une MST qui fait des ravages parmi la jeunesse locale. La Crève (c’est le nom de cette maladie) provoque des mutations physiques aussi aléatoires qu’incontrôlables et transforment ceux qu’elle contamine en abominables freaks. Pour ne pas subir la vindicte de la population qui les rejette, les malades se réfugient en forêt et vivent en groupe, condamnés à la marginalité. D’abord bien décidés à cacher leur situation, Chris et Keith vont peu à peu sombrer à leur tour, incapables de gérer les conséquences physiques et morales engendrées par la Crève.
    
C’est Cristie qui m’a donné envie de découvrir cette œuvre majeure de la BD made in USA. Black Hole est un roman graphique fleuve d’une richesse incroyable. Charles Burns y décrit, sous couvert d’un récit à dominante horrifique, l’enfer de l’adolescence : transformation des corps, éveil du désir, peur de l’avenir, violence des rapports sociaux, rien n’est épargné à ces jeunes lycéens en perdition. Sans doute pas un hasard si le récit se déroule pendant les années 70. Burns veut tirer un trait définitif sur le Flower Power de la décennie précédente. Le monde n’est pas paix et amour, les jeunes n'ont aucune perspective et les drogues sont souvent le point de départ de mauvais trips où les éléphants roses sont remplacés par d’insupportables cauchemars. Malgré ce nihilisme assumé, Black Hole garde une incontestable part de poésie. Une forme de romantisme à l’ancienne, noir, désespéré, crépusculaire. Le dessinateur a lui-même qualifié son œuvre de « romance d’horreur ». C’est incontestablement la définition la plus juste. 
     
La force du récit tient aussi pour beaucoup dans le trait glacé de Burns. Un noir et blanc d’une vertigineuse profondeur qui vous plonge au cœur des tourments de ces ados attachants. Le découpage est pourtant simplissime mais les figures torturées, souvent montrées en gros plan, et le traitement hallucinatoire de certaines scènes ont quelque chose de fascinant. Une espèce d’attirance malsaine, presque morbide, qui hypnotise.  

A l’évidence, Black Hole est une œuvre incontournable de ces quinze dernières années. Un pavé qui se dévore à pleines dents et qui ne s’oublie pas de sitôt.               


Black Hole de Charles Burns. Delcourt, 2006. 368 pages. 29,95 euros.

Les avis de Mango, Cristie, Mo', Yvan


Burns © Delcourt 2006


Eisner Award 2006 du meilleur album (réédition)






32 commentaires:

  1. 368 pages? Le genre de BD qui résiste, ça me va en général. Ceci étant, euh, l'histoire, ça fait peur, non?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Non, non ça ne fait pas vraiment peur. C'est plutôt une question d'ambiance lugubre et angoissante mais rien qui fait véritablement peur.

      Supprimer
  2. Une bd dont on ne sort pas indemne... Tu l'as très bien retranscrite.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci à toi de m'avoir donné envie de la découvrir. QUand je l'ai croisée à la médiathèque je n'ai pas hésité une seconde.

      Supprimer
  3. Comme Keisha, k'histoire me fait peur.;; je ne suis qu'une faible femme peureuse que veux-tu !!!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Arrête ! Avec tous les polars et les thrillers que tu dévores, c'est pas une petite BD comme celle-là qui va te faire peur^^

      Supprimer
  4. heu! je crois que je vais m'arrêter à ton billet et ne pas me lancer dans l'incontournable BD made in USA
    je voulais aussi te demander si c'est chez toi que j'avais noté Anuki , si oui un énorme merci de la part de Rémi 4 ans et demi qui éclate de rire tous les soirs grâce à toi
    Luocine

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Anuki, j'en ai parlé bien sûr mais je ne suis pas le seul. A la maison aussi c'est une star. Le 3ème album est attendu par ma pépette n°2 avec une impatience non dissimulée.

      Supprimer
  5. J'aime beaucoup l'effet de zoom pour aller chercher ce qui se passe derrière le couple...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Burns est un très grand dessinateur qui utilise à merveille les différents plans qui s'offrent à lui. Il y a toujours beaucoup de profondeur dans son dessin.

      Supprimer
  6. Allez, je mets ce titre sur la liste de mes prochains achats !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ouh là, j'ai la pression du coup. Imagine que tu n'aimes pas^^

      Supprimer
  7. Je note mais je ne sais pas si ma biblio l'aura... Les dessins me plaisent bien, ils ont un petit côté vintage.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est quand même un incontournable à avoir dans le rayon BD d'une bibliothèque. J'espère que tu pourras le trouver.

      Supprimer
  8. Je suis passée complètement à côté de ce pavé très estimé et primé pourtant mais j'ai dû abandonner en cours de lecture tellement je trouvais l'atmosphère pénible et difficile à suivre.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je me souviens de ton billet et je comprends que l'on puisse se perdre dans ce roman graphique assez dense.

      Supprimer
  9. Superbe album oui. J'ai particulièrement apprécié la manière dont l'auteur traite le sujet.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Il a en effet une façon très original d'aborder ce sujet sensible. Dans le même genre, je viens d'emprunter le manga "L'âge de déraison" à la médiathèque. Un recueil de nouvelles graphiques où des ados refusent de rentrer dans le monde des adultes. Un thème qui m'intéresse en ce moment.

      Supprimer
  10. Oui, ça donne envie ... faudra juste voir quand aurai-je le temps de lire tant de pages ? :)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je l'ai lu en plusieurs fois, ç'aurait été trop indiegste de tout avaler d'un seul coup !

      Supprimer
  11. Entre vos avis enthousiastes et celui de Mango, j'ai bien envie de me faire ma propre opinion ! Ça a l'air complètement barré quand même...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Non je ne dirais pas que c'est barré. Un brin torturé peut-être mais ça oscille sans cesse entre le réalisme le plus froid et une touche de fantastique vraiment intéressante (alors que ce n'est pas mon genre d'habitude).

      Supprimer
  12. Jérôme, ça te dit "Les boucliers de Mars" ? Parce que non seulement je n'arrive pas à lire les vignettes (et j'ai perdu mes lunettes), mais en plus je ne comprends rien !
    J'ai peu d'être optuse !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je ne connais que de nom mais un péplum, à la base, ça me tente bien. Et puis Chaillet au scénario normalement c'est plutôt bon signe. Je vais voir si les albums sont à la médiathèque et je te dis quoi

      Supprimer
  13. J'en suis curieuse mais en même temps, je crains cette oeuvre (oui oui, je suis compliquée ! )

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Il n'y a rien à craindre. Au pire tu passeras à coté comme Mango, mais pas de quoi faire des cauchemars pour autant.

      Supprimer
  14. C'est marrant, j'ai croisé cet album lundi, dans le CDI d'un autre bahut, et je l'ai feuilleté. Maintenant, tu me donnes envie de le découvrir ! :)

    RépondreSupprimer

Je modère les commentaires pour vous éviter les captcha pénibles de Google. Je ne filtre rien pour autant, tous les commentaires sans exception seront validés au plus vite, promis !