mardi 29 juillet 2014

Eleanor et Park - Rainbow Rowell

« Pas pour moi je crois. Pas du tout même. » Voila le commentaire que j’avais laissé chez Cajou après avoir découvert son billet enthousiaste à propos de ce livre. De la littérature Young adult pleine d’amour et de bons sentiments entre deux ados, sérieux, faudrait me payer pour lire un truc pareil ! Sauf qu’entre temps Noukette l’a lu et l’a adoré elle aussi. Et qu’on en a parlé ensemble. Erreur fatale ! Parce que la force de persuasion de Noukette, ce n’est pas rien. Et la promesse d’une nouvelle lecture commune avec elle, ce n’est pas rien non plus. Bref, je suis faible. Trop faible. Et je me suis une fois de plus laisser embarquer. Bon, faut dire aussi que j’aime bien de temps en temps explorer des territoires très, très éloignés de ma zone de confort. Par pure curiosité. Et aussi parce que je suis rarement déçu en suivant les yeux fermés des prescriptrices convaincantes…

Park a croisé pour la première fois Elelanor dans le bus scolaire. Il l’a trouvée « grosse et gauche. Avec des cheveux hallucinants, rouges et bouclés. Et elle était habillée comme… comme si elle voulait qu’on la remarque ». Elle lui a fait penser à un épouvantail. Quand elle s’est assise à coté de lui, il l’a ignorée, ni plus ni moins. Peu à peu pourtant il a fini par se rapprocher d’elle, il a partagé avec elle sa passion de la musique et des comics et il est tombé follement amoureux. Il a également découvert qu’Eleanor n’avait pas une existence facile, avec sa mère sans travail, son beau-père alcoolique et violent et ses quatre frères et sœurs. Harcelée par des camarades de lycée, tentant de surnager dans un quotidien infernal, c’est une jeune fille en souffrance. Park va devenir le phare qui illumine son quotidien, celui grâce auquel  la vie vaut la peine d’être vécue.

J’étais sceptique, j’avoue. Et pas qu’un peu. Peur que tout cela dégouline de guimauve fondante, peur d’un récit pour midinettes sentant l’eau de rose à plein nez. Peur d’avoir à m’enfoncer deux doigts dans la gorge pour faire passer la nausée qui ne manquerait pas de m’envahir. Et finalement mes préjugés ont volé en éclat au fur et à mesure de la lecture. Parce que tout cela n’est pas du tout cucul. Bon, je trouve la barque d’Eleanor chargée, l’accumulation de ses malheurs m’a semblé un peu trop tire-larmes pour être honnête. Mais c’est un détail. Parce que l’amour naissant entre ces deux lycéens atypiques est rudement bien amené, tout en finesse.  Et puis j’ai adoré Park, un garçon intelligent, sensible, sentimental en diable, assumant sans honte son amour fou et tellement, tellement touchant. Pour lui, Eleanor n’est pas charmante. Elle n’est pas jolie non plus : « Elle ressemblait à une œuvre d’art. L’art n’a rien à voir avec le beau, il existait pour faire ressentir les choses. » Lucide, entier et sincère, c’est ce que j’aime.

Cette histoire n’est pas un conte de fée, c’est l’amour vrai, douloureux, tout sauf un long fleuve tranquille. Bon, évidemment, j’ai pas pleuré, faut pas pousser. Je ne ferai pas non plus de ce roman un coup de cœur mais je serais d’une totale mauvaise foi si je ne reconnaissais pas avoir pris énormément de plaisir à passer quelques heures avec ces deux gamins attachants. Quand je dévore 400 pages en trois jours alors que j’ai bien d’autres choses à faire, quand je suis impatient de retrouver des personnages dont l’histoire me touche et que je me rends compte en refermant le livre qu’ils vont me manquer, c’est un signe qui ne trompe pas. Comme quoi :
1) il est drôlement bon, de temps en temps, de sortir de sa zone de confort
2) il faut toujours écouter les conseils avisés de ceux et celles qui vous veulent du bien

Eleanor et Park de Rainbow Rowell. Pocket Jeunesse, 2014. 378 pages. 16,90 euros. A partir de 13-14 ans.

Une lecture commune qe je partage évidemment avec Noukette

Les avis de Cajou et Cécile




vendredi 25 juillet 2014

Le messager - Charles Stevenson Wright

Je n’avais jamais entendu parler de ce livre. Encore moins de cet auteur. C’est Noukette qui me l’a fait découvrir. Pas parce qu’elle l’a lu (et je doute d’ailleurs qu’elle le lise un jour) mais parce que sa libraire lui en a parlé et qu’elle a tout de suite pensé que ça allait me plaire. Elle a bien fait.

Charles Stevenson Wright (1932-2008) est l’auteur d’une trilogie dédiée à New York dont « Le messager », publié en 1963, constitue le premier volume. Un recueil de textes courts, à l’évidence très autobiographiques, où l’on navigue avec le narrateur dans les rues de Big Apple. Un narrateur dont le boulot de coursier lui rapporte moins de dix dollars par jour et qui habite, seul, dans un immeuble décati du nord de Manhattan. Un narrateur vivant parmi les arnaqueurs, les prostitués, les drogués et les travelos. Un narrateur métis au corps splendide et au cul superbe qui n’hésite pas à tapiner dans les bars pour améliorer l’ordinaire, se vendant au plus offrant, homme ou femme, blanc ou noir.

Ça parait glauque dit comme ça mais ça ne l’est pas du tout. Il y a au contraire beaucoup de lumière, une analyse lucide des rapports humains et une savoureuse galerie de personnages à la marge. Attention, ce n’est pas drôle pour autant, loin de là. Mais si je devais comparer « Le messager » avec d’autres romans ayant décrit l’underground New Yorkais, je dirais qu’il se dégage de celui-ci davantage de mesure que chez Selby par exemple (exemple extrême, je vous le concède, tant la vision de Selby est apocalyptique). Ce que je veux dire, c’est que l’écriture est ici plus léchée, tout en retenue. J’ai lu des dizaines de bouquins de ce genre à l'époque où je m'injectait chaque jour de la littérature américaine en intraveineuse (c'était bien avant le blog...) et j’ai retrouvé chez Wright la gouaille d’un Icerberg Slim, l’argot et la vulgarité en moins. J’ai retrouvé aussi la fougue et l’insouciance du cultissime « Basket Ball Diaries » de Jim Carroll. Je pourrais aussi citer Bruce Benderson, Jerome Charyn, Chester Himes ou Richard Price. Bref, je suis en terrain connu et j’adore ça.

C’est un régal si on aime le genre. Des découvertes comme celle-là, je veux bien en faire tous les jours. Pour conclure et vous donner le ton de l’ensemble, je vous offre deux extraits abordant des thématiques centrales du recueil, la solitude et la condition de métis dans l’Amérique des années 60 :

« Au petit matin, accablé d’un morne désespoir, concentré sur moi-même, je parcours les rues. Les bars sont en train de fermer et une magie terrible, indéfinissable, se mêle à l’air frais. A New York, l’aube du dimanche possède cette qualité calme et subtile. Les solitaires, partout dans le monde, connaissent ce moment particulier de la matinée. Pas lents et mal assurés, votre image déformée dans les devantures qui ne sont plus éclairées. Regards en coulisse, coups d’œil envieux, honteux, lancés aux couples que l’on croise. Vous reconnaissez les solitaires, vos frères. Ils prennent une direction et vous une autre. […]
Vous vous avouez vaincu, petit Waterloo personnel, vous montez les marches d’un pas lourd. Vous tournez la clé dans la serrure. Vous allumez l’électricité. Vous vous déshabillez. Vous arpentez le plancher et, finalement, vous essayez de dormir, sans que rien ne vienne vous réconforter, sinon la promesse d’un autre lever de soleil. »

« Etre né noir. Pas de ce noir absolu qu’on qualifie d’absence de couleur, pas brillant, pas monstrueux. Mais noir. Ou plutôt d’un élégant café au lait. Moitié moitié. Noir. Ma famille est à peu près également divisée entre les nuances claires et les nuances foncées. Je suis bronzé, d’un brun jaune, comme si on m’avait exposé au soleil au moment où je sortais du ventre de ma mère. Beige. Je suis un homme de couleur. La Ronde a commencé dès que mes ancêtres ont débarqué d’Afrique. Je maudis le jour de leur luxure. Je leur souhaite de nombreuses saisons dans un enfer syphilitique. […]
Ils ont fait de moi un marginal. Une minorité à l’intérieur d’une minorité. »


Le messager de Charles Stevenson Wright. Tripode, 2014. 200 pages. 17,00 euros.








jeudi 24 juillet 2014

Il est temps de prendre le large...

C'est parti pour près de trois semaines loin de ma Picardie natale. La Camargue d'abord puis Gap et Lyon pour quelques jours. Pas d'autres ambitions que me reposer, buller, lire, passer du bon temps en famille et revenir bronzé comme un grain de café.

Le blog part en vacances lui aussi. Un billet demain peut-être, une LC avec Noukette pour vous parler d'Eleanor et Park mardi prochain et ce sera tout jusqu'au 15 août.

Dans mes bagages j'emmène six romans. Un pavé pour le challenge de Brize, un roman anglais paru en mai et quatre titres de la rentrée. Je fonde de gros espoirs sur Paul Harding et le nouveau Patrick Deville. Pour le reste, on verra bien.



Bonnes vacances à  celles et ceux qui ont la chance d'en avoir et bon courage au autres. Je vous dis à très bientôt.



mercredi 23 juillet 2014

Bouche d'ombre T1 : Lou , 1985 de Maud Begon et Carole Martinez

Une bande d'ados BCBG dans un lycée parisien au milieu des années 80, une séance de spiritisme qui tourne mal, un drame, un fantôme, de l'hypnose, de permanents allers-retour entre rêves et réalité, il y a tout cela dans « Bouche d'ombre », première BD scénarisée Carole Martinez.

Les événements s'articulent autour de Lou, jeune fille rousse et pétillante qui se découvre le don de communiquer avec les défunts. Hantée par le suicide de son amie Marie-Rose, elle voit cette dernière lui apparaître soudainement, jour et nuit. Pensant être responsable de sa mort, elle tente de comprendre les raisons qui l'ont poussée à commettre l'irréparable...

Carole Martinez aime jouer de la fragilité de ses personnages pour s'interroger sur la communication entre les êtres et les relations entre les vivants et les morts.Elle ajoute à sa trame de départ un lourd secret de famille, une bonne dose de rancœur et une pincée de romance pour pimenter l'ensemble. Il se dégage de cet album une atmosphère mystérieuse et fantastique qui m'a, je dois l'avouer, laissé à quai. Le surnaturel et les questions sur l'au-delà n'étant pas ma tasse de thé, je me suis pas mal ennuyé et je crains qu'il ne me reste pas grand chose de l'histoire d'ici quelques jours. J'ai par contre trouvé le dessin de Maud Begon plein de charme et de subtilité.

Un rendez-vous manqué donc, entre cet album et moi. Je ne suis pas mécontent d'avoir découvert Carole Martinez en scénariste de BD mais je vais plutôt essayer de me pencher sur ses talents de romancières.

Bouche d'ombre T1 : Lou, 1985 de Maud Begon et Carole Martinez. Casterman, 2014. 70 pages. 15,00 euros.    
 


mardi 22 juillet 2014

La boîte aux lettres du cimetière - Serge Pey

« La boîte aux lettres du cimetière » est une chronique d'enfance douce-amère. Trente récits de quelques pages, autant de souvenirs égrainés avec humour, tendresse et nostalgie. Le narrateur est un enfant de la guerre d'Espagne réfugié en France. Un enfant « rouge et noir », « fier d'être le fils d'un homme qui n'a pas peur de Dieu ». Un enfant vivant dans une communauté libertaire, toujours en lutte contre le fascisme, les bondieuseries et l'État.

Dans cette communauté, pour accueillir les camarades autour d'une table trop petite, on n'hésite pas à dégonder la porte de la maison familiale pour la coucher sur deux tréteaux. Parce qu'après tout, c'est bien connu, « les portes nous aiment quand on ne les ferme pas ». Dans cette communauté, on colle les timbres à l'envers, façon symbolique de renverser l'État, le chien de la maisonnée s'appelle Proudhon et il dort par terre sur un drapeau noir, l'école se trouve dans une ancienne porcherie et un clown équilibriste vient apprendre aux enfants à ne pas tomber.

On croise aussi des personnages haut en couleur, de la grand-mère égorgeuse de poulets à Chucho le chasseur de grillons en passant par la tante Hirondelle ou encore Pedro, le guitariste aux ongles impeccables et lisses.

Il y a beaucoup de poésie dans ces petites histoires. Un soupçon de cruauté aussi. L'écriture est belle et sonne comme une musique mélancolique aux accents autant burlesques que poignants. Simple et touchant, tout ce que j'aime.

La boîte aux lettres du cimetière de Serge Pey. Zulma, 2014. 200 pages. 17,00 euros.

L'avis d'Hélène, à qui je dois cette découverte.


lundi 21 juillet 2014

La machine à influencer : une histoire des médias - Brook Gladstone et Josh Neufeld

« Nous avons les médias que nous méritons ». Voila comment se conclut ce foisonnant « essai graphique » (ben quoi, on parle bien de « roman graphique », j'ai le droit à mon néologisme, non?) retraçant l'histoire des médias aux États-Unis, de la guerre d'indépendance au conflit afghan en passant par la guerre de sécession, les deux guerres mondiales, le Vietnam et l'Irak. Mais le propos ne se limite pas au traitement médiatique des conflits. Brooke Gladstone décortique les pratiques journalistiques, leur influence, leur asservissement aux politiques et au monde de la finance. Pour autant, elle ne jette pas le bébé avec l'eau du bain, considérant que le problème vient avant tout du consommateur d'information, c'est à dire de nous : « nous avalons de plus en plus souvent l'info comme des fraises Tagada vautrés dans nos cybercanapés. Nous marinons dans un jus de pseudo-experts, assaisonné seulement des faits et opinion qui nous semblent acceptables. […] Et si les médias que nous choisissons nous abrutissaient aussi ? Et s'ils diminuaient notre capacité d'attention, attisaient nos bas instincts, érodaient nos valeurs, brouillaient notre jugement ? ».

A qui la faute si les JT sont aussi creux, anecdotiques ou hystériques ? Est-ce que les organes d'information doivent donner au public ce qu'il veut ou ce dont il a besoin ? Mais que veut le public ? De quoi a-t-il besoin ? Et existe-il un seul et unique public ? Cette question n'est qu'une parmi tant d'autres. L'ouvrage est pointu sans être indigeste. Toute la partie sur l'objectivité est passionnante, comme celle sur la censure ou les sondages, sans parler de la profonde réflexion sur les réseaux sociaux et le fait qu'aujourd'hui chacun de nous, grâce au net, peut être à la fois consommateur et producteur d'information. Et puis qu'on le veuille ou non, les médias nous influencent en permanence, même quand nous les critiquons ou que nous tentons de leur résister, Brooke Gladstone le démontre brillamment.

Graphiquement, Josh Neufeld (American Splendor), illustre avec simplicité et beaucoup de trouvailles visuelles un texte parfois très envahissant. Au final, La machine à influencer n'est pas un plaidoyer pro médias. Ce n'est pas non plus une charge virulente contre eux. L'analyse est beaucoup plus fine, dense, parfois ardue. Exigeante, quoi. Journalistique diront certain. Dans le sens le plus noble du terme.

La machine à influencer de Brook Gladstone et Josh Neufeld. Ça et là, 2014. 185 pages. 22,00 euros.




samedi 19 juillet 2014

Les cavaliers afghans - Louis Meunier

En 2002, Louis Meunier abandonne une carrière de cadre toute tracée pour s'engager dans une ONG et partir en Afghanistan afin d'aider à la reconstruction du pays après la chute des talibans. Désireux de s'immerger dans la vie et les traditions de son pays d'accueil, il apprend la langue et découvre avec fascination le buzkashi, un combat équestre où hommes et montures se disputent avec une violence inouïe la carcasse d'un veau qu'il faut déposer dans un cercle tracé au sol pour marquer un point. Rêvant de devenir un cavalier du buzkashi, un tchopendoz, Louis meunier se met en quête d'un cheval et d'une équipe acceptant de l’accueillir.

Le récit se découpe en trois grandes parties et commence par son arrivée sur place et ses difficiles premiers pas professionnels ainsi que le début très compliqué de sa carrière de tchopendoz. La seconde partie, que j'ai trouvée la plus passionnante, relate la traversée du centre pays effectuée à cheval, en 2005. Un périple de deux milles kilomètres entre les montagnes et les vallées de l'Hindou Koush avec trois chevaux et un compagnon afghan, à la rencontre des populations les plus isolées du pays. Dans la dernière, nous sommes en mars 2006 et Louis Meunier s'est installé à Kaboul, où il a créé sa société de production audiovisuelle, réalisant des reportages et des documentaires tout en continuant à vivre pleinement sa passion pour le buzkashi.

J'ai beaucoup aimé cette plongée pleine de tendresse mais aussi d'une grande objectivité dans l’Afghanistan « des seigneurs et des chefs de guerre, une société moyenâgeuse où ne survivent que les plus forts. Dans cette contrée secouée depuis toujours par les combats, les intrigues et les luttes de pouvoir. »  L'auteur conjugue à l'analyse géopolitique parfois assez poussée son ressenti intime, son émerveillement devant la nature sauvage et indomptable qui l'entoure et la richesse de ses rencontres avec la mosaïque d'ethnies (Ouzbeks, Turkmènes, Pashtouns, Tadjiks, Hazaras, arabes, etc) croisées au fil de ses pérégrinations. Admirable aussi sa lucidité devant son statut de « Khareji », d'étranger qui, quoi qu'il fasse et quelles que soient les amitiés qu'il parvient à nouer, ne pourra jamais s'intégrer totalement dans la société afghane (« les alliances et les amitiés des afghans avec les étrangers sont intéressées et temporaires »).

« Les cavaliers afghans » est un récit initiatique autant qu'un témoignage éclairant sur ce qu'est l’Afghanistan d'aujourd'hui, loin du triptyque « taliban-burqua-attentat » servi par les médias occidentaux pour stigmatiser un pays à la réalité bien plus complexe. C'est aussi et surtout une magnifique invitation au voyage qui ravira les lecteurs épris de grands espaces et de liberté.

Les cavaliers afghans de Louis Meunier. Kero, 2014. 330 pages. 20,00 euros.

L'avis enthousiaste d'Aaliz




vendredi 18 juillet 2014

Les mécanos de Vénus - Joe R. Lansdale

A la seconde où il voit Trudy débarquer chez Hap, Léonard sait que les emmerdements s'annoncent. Parce que son meilleur copain n'a jamais su résister à son ex-femme, même si elle lui en a fait baver, et pas qu'un peu. A chaque fois qu'elle se pointe, il fond devant ses longs cheveux blonds et ses jambes à n'en plus finir, « de belles jambes bronzées aux cuisses fermes. Et elle savait s'en servir : elle avait ce genre de démarche qui lui chaloupait les hanches et donnait à ses seins ce charmant petit rebond capable de te foutre un conducteur dans le fossé au premier coup d’œil. »

Manipulatrice en diable, usant de ses charmes pour parvenir à ses fins, elle convainc son ancien mari de s'associer à elle pour faire main basse sur un pactole abandonné dans des valises au fond d'un marécage suite à casse ayant mal tourné des années auparavant. Un coup à un million de dollars pour lequel elle a juste besoin d'un peu d'aide. Mais évidemment, les choses ne sont pas si simples et rien ne va se passer comme prévu...

Vous le savez peut-être, je suis totalement fan de cet auteur et de ses deux anti-héros au grand cœur. Les mécanos de Vénus est le premier titre de la série, celui dans lequel on découvre comment Hap, le blanc hétéro, et Léonard, le noir homo, se sont rencontrés en trimant dans des champs au fin fond du Texas. Honnêtement, ce n'est pas le meilleur roman de Joe R. Lansdale, loin de là. L'intrigue est très linéaire, un peu plate. Les dialogues sont mous du genou, il n'ont pas la gouaille et la saveur que l'on retrouvera par la suite et qui sont la marque de fabrique de l'auteur. On sent un texte écrit au frein à main, un texte dans lequel Lansdale ne lâche pas les chevaux. Mais finalement l'intérêt est là. Découvrir la toute première fois de Léonard et Hap et sentir un auteur qui se cherche, un auteur en construction. De toute façon, il était hors de question que je fasse l'impasse sur le roman fondateur d'une série qui a si souvent fait mon bonheur de lecteur. Et si vous aimez les univers à la Donald Ray Pollock et que vous voulez découvrir Hap et Léonard au meilleur de leur forme, je vous conseille « L'arbre à bouteilles » et « Le mambo des deux ours », de loin leurs deux aventures les plus abouties.


Les mécanos de Vénus de Joe R. Lansdale. Denoël, 2014. 240 pages. 19,90 euros.


mercredi 16 juillet 2014

J'ai pas volé Pétain mais presque... - Bruno Heitz

Une tante qui passe l'arme à gauche et Jean-Paul se retrouve à la tête d'un petit héritage et de six garages à Nancy censés lui assurer, dixit le notaire, un excellent rendement locatif. Sauf qu'un des garages est vide et qu'il va falloir lui trouver un nouveau locataire. Coup de bol (quoique), Gérard, un flic croisé par Jean-Paul dans sa mésaventure précédente, lui propose un client idéal : Maître Lamblin, à la recherche d'un box pour y stocker quelques affaires. Des affaires qui ne sont rien moins que le cercueil du maréchal Pétain, dont l'avocat rêve de rapatrier la dépouille à Douaumont, nécropole des poilus de Verdun. Embauché par Gérard pour convoyer le maréchal (ou ce qu'il en reste) de l'île d'Yeu jusqu'en Lorraine, Jean-Paul refuse dans un premier temps avant de céder devant les arguments de la pulpeuse secrétaire de maître Lamblin. Une faiblesse qui, comme d'habitude, lui vaudra les pires ennuis.

Après « J'ai pas tué de Gaulle, mais ça a bien failli » et « C'est pas du Van Gogh mais ça aurait pu », revoilà le naïf et un brin couillon anti-héros de Bruno Heitz embarqué dans un délirant enlèvement post-mortem. Pour le coup, le fait-divers est véridique puisqu'en 1973 une équipe de bras cassés nostalgiques de Vichy enleva la dépouille de Pétain pour la transporter en fourgonnette jusqu'à un garage de la région parisienne. L'occasion pour l'auteur du Privé à la Cambrousse de mêler la petite histoire de Jean-Paul à une grande (et lamentable) histoire qui marqua en son temps la France de Pompidou.

Avec le trait minimaliste et la gouaille qui le caractérisent, Heitz s'amuse à mettre en scène ce personnage poissard sachant mieux que personne se lancer, à son corps défendant, dans des coups pour le moins foireux. Les seconds rôles sont toujours aussi bien croqués (avec une mention spéciale pour la secrétaire pulpeuse et machiavélique) et on ne peut que se régaler devant ce Road Trip digne des Pieds Nickelés. Jubilatoire !

J'ai pas volé Pétain mais presque... de Bruno Heitz. Gallimard, 2014. 90 pages. 17,00 euros.



mardi 15 juillet 2014

Le cachot de la sorcière - Joseph Delaney

Billy Calder, jeune orphelin, s'apprête à débuter une carrière de gardien de nuit dans un château hanté utilisé comme pénitencier. Surveiller des assassins, des criminels et des sorcières en déambulant dans des couloirs infestés de fantômes, le programme ne le réjouit pas le moins du monde. Pris en charge par Adam Colne, geôlier impitoyable à la sulfureuse réputation, Billy découvre que la tâche qui l'attend n'est pas particulièrement compliquée puisqu'elle consiste uniquement à faire des rondes et surveiller les détenus.

Seul endroit à éviter coûte que coûte, le cachot de la sorcière dans lequel est enfermé un prisonnier qu'il est préférable de ne jamais croiser : «  Il est attaché par une longue chaîne à un anneau fixé dans le sol et il dort toute la journée. La nuit venue, il se réveille, et on doit le nourrir à minuit, sinon la situation deviendrait vraiment dangereuse pour tous les employés de la prison. » Théoriquement, Billy n'aura jamais à s'occuper de ce prisonnier. Théoriquement...

Un petit roman jeunesse idéal pour se faire peur. Au début on se dit que c'est léger, que ça casse pas trois pattes à un canard, que les fantômes et autres sorcières dont on nous parle dès le départ ne vont jamais entrer en scène. Et puis Billy se retrouve piégé et nous aussi. La tension monte, on en vient à vider des seaux contenant des litres de sang, des os et de la viande crue, on se retrouve face à un monstre et...

Et j'adore la conclusion, parfaitement trouvée, aussi difficile à voir venir qu'inéluctable finalement. La quatrième de couverture indique « Pour lecteurs avertis ». Âmes sensibles s'abstenir ? Sans doute. Mais ce n'est pas non plus totalement effrayant, et puis les jeunes lecteurs aiment tellement avoir un petit frisson d'angoisse (il n'y a qu'à voir le succès de la série « Chair de poule ») qu'une grande majorité sera conquise par les mésaventures du pauvre Billy.

Le cachot de la sorcière de Joseph Delaney. Bayard jeunesse, 2014. 110 pages. 9,95 euros. A partir de 9-10 ans.





dimanche 13 juillet 2014

L’effet postillon et autres poisons quotidiens - Julien Jouanneau

Il vous est déjà arrivé, à l’apéro, de vous retrouver avec un noyau d’olive en bouche et aucune solution « élégante » pour vous en débarrasser ? Et bien pour Julien Jouanneau, « proposer des olives non dénoyautées témoigne d’un manque d’attention délibéré, voire haineux de la part des hôtes ». Il tient d’ailleurs le même discours à propos des tomates cerises (impossible à embrocher avec une fourchette et giclant partout dès que l’on croque dedans).

Mais son courroux ne se limite pas aux aliments. Dans cet ouvrage, il liste les (petits) tracas et autres poisons qui gangrènent son quotidien. Et tout y passe : la pendaison de crémaillère (« un gang bang d’emmerdements »), la bronzette à la plage, les notices de médicament, le convive assis en face de vous au restaurant qui postillonne dans votre assiette, les voyages en train, la piscine, les toilettes publiques, les jours de pluie où il faut éviter les baleines de parapluies pour ne pas finir éborgné, les cheveux gras, les gargouillis gastriques, le morceau de nourriture qui vous reste entre les dents après un repas et vous accompagne jusqu’au soir dans tous vos rendez-vous importants, les supermarchés, les livres de bibliothèque cradingues et bourrés de bactéries, les mouches, les chocolats visuellement engageant qui cachent en leur sein un alcool au goût immonde, la mauvaise haleine, etc.

Vous l’aurez compris, Julien Jouanneau est un râleur. Un vrai de vrai. Et en bon râleur, il force le trait à la moindre occasion, considérant que la source de ses emmerdements vient forcément d’autrui. Si on se dit que certains des « enfers ordinaires » présentés sont observés avec justesse, on ne peut s’empêcher de déceler (souvent) beaucoup de mauvaise foi dans les arguments avancés. Personnellement, étant un adepte convaincu de la mauvaise foi, je trouve l’exercice brillamment mené. Mais je comprendrais parfaitement que ce recueil de ronchonnements permanents et finalement assez anecdotiques agace au plus haut point. Une chose sûre, ce n’est pas un livre à lire d’une traite, mieux vaut y picorer avec parcimonie pour éviter l’indigestion.

Une jolie plume, un grincheux misanthrope dans lequel je me suis parfois retrouvé, bref, voila un recueil que j’ai dégusté avec un évident plaisir.


L’effet postillon et autres poisons quotidiens de Julien Jouanneau. Rivages, 2014. 170 pages. 12 euros.





samedi 12 juillet 2014

Myrmidon T3 : Myrmidon dans l'antre du dragon - Dauvillier et Martin

Quand Myrmidon tombe sur une épée figée dans une enclume, son premier réflexe est d'essayer de la retirer. Mais difficile de rejouer Arthur libérant Excalibur avec un pyjama sur le dos. Heureusement, un costume de chevalier traîne près de l'enclume. Et comme par magie, une fois le costume enfilé, Myrmidon peut mener sa tâche à bien. Une première épreuve finalement assez facile par rapport à ce qui l'attend. Parce que se retrouver nez à nez avec un dragon, c'est une autre paire de manches !

Troisième aventure de Myrmidon, toujours sans aucun texte, et le concept continue de fonctionner à merveille. Ici la construction est encore plus audacieuse puisque les codes narratifs propres à la BD sont bousculés. Les bords d'une case s'effondrent, Myrmidon descend sous la page pour entrer dans l'antre du dragon et il doit réparer la case abîmée pour échapper au monstre. Pour le lecteur, l'absence de couleur du dragon permet de comprendre que la créature n'est pas réelle, qu'elle n'est que le produit de l'imagination du petit garçon. Une imagination qui, comme d'habitude, se met en branle dès qu'il enfile son costume.

Une série pour les tout-petits qui parvient à se renouveler à chaque tome. Les trouvailles narratives, alliant originalité et parfaite lisibilité, sont facilement compréhensibles sans être simplistes. Un véritable tour de force. Et puis, au-delà de la forme, ce petit bonhomme est juste craquant et ses aventures ont tout pour plaire et faire rêver.

Myrmidon T3 : Myrmidon dans l'antre du dragon de Dauvillier et Martin. Éd de la Gouttière, 2014. 32 pages. 9,70 euros. A partir de 3-4 ans.

Une nouvelle lecture commune que j'ai le plaisir de partager avec Noukette.



vendredi 11 juillet 2014

Le Petit Loup Rouge - Amélie Fléchais

Il était une fois un petit louveteau toujours de rouge vêtu qui devait apporter un lapin à sa grand-mère. Une seule recommandation lui fut faite par sa mère: éviter de s'aventurer près de la demeure du chasseur et de sa fille. Mais en chemin le louveteau s'éloigna du sentier et se perdit dans la forêt. Il rencontra une charmante fillette qui lui proposa son aide. Mais les apparences sont parfois trompeuses et la fillette était loin de n'être que pureté et innocence...

Une réécriture libre et ambitieuse du conte de Perrault. Les rôles sont d'une part inversés et plus ambiguës mais l’histoire est également fort différente. L'intérêt majeur tient à l'ambiance si particulière qui se dégage de chaque page. Ambiance graphique tout d'abord, avec des illustrations d'une richesse incroyable, d'une texture et d'un grain vraiment particuliers. Le travail sur la lumière et les couleurs renforce les aspects angoissants de certaines scènes et éclaire les passages plus légers. Ambiance propre au récit ensuite, où l'intensité dramatique va crescendo, distillant le zeste de frisson nécessaire pour tenir le lecteur en haleine jusqu'au soulagement final.

J'ai aimé également l'intelligence du propos, le fait que le monde décrit ne soit pas tout noir ou tout blanc, qu’il se décline en de nombreuses nuances de gris. Et puis l'air de rien, il est toujours bon de rappeler qu'il ne faut pas donner une confiance aveugle au premier inconnu qui croise notre chemin.

Un superbe objet-livre, des dessins somptueux, une écriture élégante au ton délicieusement poétique, bref, une pépite à déguster et à partager sans retenue.




Le Petit Loup Rouge d'Amélie Fléchais. Ankama, 2014. 80 pages. 15,90 euros.

L'avis de Moka, tentatrice dont j'ai bien fait, une fois de plus, de suivre les conseils éclairés.

L'avis de Livresse des Mots




mercredi 9 juillet 2014

Tourne-disque - Beuchot et Zidrou

Tourne-disque est un homme qui approche de la cinquantaine. Un homme noir, vivant dans le Congo des années 30 au sein d’une riche famille blanche. Depuis qu’il a huit ans il est employé à faire tourner un gramophone pour que ses maîtres puissent écouter de la musique. Le problème avec les 78 tours, c’est qu’il faut les retourner toutes les cinq minutes. Et quand on veut profiter d’un opéra dans son intégralité, les manipulations s’avèrent fastidieuses. Tourne-disque a donc été formé pour passer les galettes sans les abîmer. Comme le dit le fils de son maître avec un humour tout ce qu’il y a de plus colonial : « Pour chaque disque qu’il rayait, mon père lui donnait un coup de cravache. A ce régime-là, même un éléphant aurait appris à traiter les disques avec plus d’attention qu’un nourrisson. »

Lorsque Tourne-disque rencontre le grand violoniste Eugène Isayë venu de Bruxelles pour offrir un récital aux colons, il trouve enfin un interlocuteur aussi passionné de musique que lui. Peu à peu les deux hommes vont apprendre à se connaître et à s’apprécier, au point qu’Eugène, de retour en Belgique, confiera à se femme avoir trouvé un « frère de son ».

Encore une belle histoire imaginée par Zidrou et magnifiquement illustré par le trait élégant et les couleurs lumineuses de Raphaël Beuchot. Une histoire d’amitié qui coule comme une évidence entre deux personnes que tout semble pourtant opposer. Une histoire de connivence et d’estime mutuelle au-delà de toute considération sociale. Mais comme toujours avec ce scénariste, on ne donne pas pour autant dans la guimauve. Il est aussi question de servitude, de colonisation, du peu d'égard qu’ont les blancs pour les « nègres ». Et quand on croise un homme voulant retrouver la femme noire qu’il a chassée après l’avoir mise enceinte vingt ans plus tôt pour s’excuser de son geste, on trouve l’intention admirable. Sauf que l’on apprend quelques pages plus loin que cette visite n’avait rien d’altruiste, son but étant d’amadouer la mère afin de récupérer l’enfant et de l’amener en Belgique pour qu’elle puisse veiller sur les vieux jours de ce père inconnu. Bref, comme d’habitude chez Zidrou, il faut qu’à un moment ou l’autre ça gratte un peu. Et comme d’habitude ça rend la lecture d’autant plus savoureuse.

Tourne-disque de Beuchot et Zidrou. Le Lombard, 2014. 102 pages. 17,95 euros.

Une nouvelle lecture commune que je partage une fois de plus avec Noukette.



mardi 8 juillet 2014

La piscine était vide - Gilles Abier

Célia, 16 ans, vient d’être acquittée. Ce verdict sonne pour elle comme un soulagement. C’est de sa vie qu’il s’agit. « Une vie foutue mais une vie à vivre ». Une vie qui ne dure qu’un jour, avec, chaque matin, le même objectif : « atteindre la fin de la journée. Sans pleurer. Sans craquer. Sans devenir folle. »

Tout s’est joué en quelques secondes au bord d’une piscine vide. La jeune fille chahutait avec Alex, son petit ami. Un moment de déséquilibre et il est tombé la tête la première. Mort sur le coup.  La mère du garçon a vu la scène de la fenêtre de la cuisine. Elle a accusé Célia d’avoir poussé son fils. Parole contre parole. Détention provisoire, procès, acquittement. Célia se confie, exprime sa souffrance, remonte le fil des événements avant et après la tragédie. D’une seule voix.

Une grosse claque ce texte. Le témoignage est saisissant. Sans pathos. Sans colère ni amertume, même vis-à-vis de son accusatrice, qu’elle ne porte pourtant pas dans son cœur : « Je ne crois pas que je lui en veuille. Je la déteste mais j’imagine que si c’était elle qui avait été au bord de la piscine, chahutant avec son fils, et moi dans sa cuisine à les épier de loin, alors oui j’aurais vu ce qu’elle a vu, oui je l’aurais accusée d’avoir poussé Alex bien qu’elle soit sa mère. Parce qu’une mort aussi bête est sûrement plus facile si on lui attribue un coupable. »

La voix de Célia dit l’impossible retour en arrière, la douleur, l'avenir en pointillé, l’amour perdu à jamais : « Parce que oui, je l’aimais, je l’aimais pour la vie. Et aujourd’hui, il est parti. Et aujourd’hui  je voudrais pouvoir l’oublier pour avoir moins mal. Et aujourd’hui je ne voudrais surtout pas l’oublier. Que jamais il me quitte. »

Et puis cette fin, terrible, dont je ne peux pas vous parler... Une claque je vous dis.

La piscine était vide de Gilles Abier. Actes sud junior, 2014 (réédition). 58 pages. 9,00 euros. A partir de 13 ans.

Encore une pépite jeunesse que j'ai le plaisir de partager avec Noukette.





lundi 7 juillet 2014

Pedro Paramo - Juan Rulfo

« Surtout, ne lui réclame rien. N'exige que notre dû. Ce qu'il me devait et ne m'a jamais donné... L'oubli dans lequel il nous a laissés, fais-le lui payer, mon enfant. » Juan Preciado promet à sa mère, sur son lit de mort, de retrouver Pedro Paramo, son père qui les a autrefois abandonnés. En route pour Comala, il croise un homme sur un âne qui le mène jusque dans les rues désertes du village. Là, une vieille femme lui apprend que celui qui l'a accompagné est mort depuis longtemps, comme Pedro Paramo, dont il peut distinguer, au loin, les ruines de l'immense propriété. Car le père de Juan était l'homme fort de la région. Cruel, despotique, semant derrière lui autant de morts que d'enfants, il était haï et craint de tous. Au cours de son séjour, Juan va croiser d'autres fantômes, autant d'âmes vagabondes venues lui raconter par bribes l'histoire du village s'entrecroisant avec celle de son géniteur.

Voila un roman d'une infinie complexité tant il bouleverse les codes de compréhension classiques d'un récit de fiction. Juan Rulfo aurait déclaré que son texte nécessite la « coopération » du lecteur. Difficile en effet de suivre le déroulement d'une intrigue sans aucune linéarité, où les différentes temporalités s'enchevêtrent et où les morts et les vivants ne cessent de dialoguer. Pour Carlos Fuentes, « L’œuvre de Juan Rulfo n’est pas seulement la plus haute expression à laquelle soit parvenu, jusqu’à maintenant, le roman mexicain : à travers Pedro Páramo, nous pouvons trouver le fil qui nous conduit au nouveau roman latino-américain. »

Un texte déstabilisant, à prendre selon moi comme une expérience de lecture unique, la découverte d'une construction narrative totalement novatrice. Un texte auquel il ne faut surtout pas essayer de résister mais au contraire devant lequel il est indispensable de lâcher prise pour se laisser entraîner dans les méandres de la mémoire d'un village pauvre et reculé.

Au final il me restera de ce récit polyphonique les voix et les histoires si étranges de personnages en quête, au-delà de la mort, d'une paix intérieure à jamais inaccessible. Troublant et vertigineux.

Pedro Paramo de Juan Rulfo. Folio, 2009. 184 pages. 7,40 euros.


Une découverte que je dois une fois de plus à Marilyne avec qui je partage cette lecture commune.



samedi 5 juillet 2014

Rush T1 : Dette de sang - Phillip Gwynne

Sous le soleil de la Gold Cost australienne, Dom Silvagni mène une vie d’ado tranquille au sein de la bourgeoisie locale. Le jour de ses 15 ans, il apprend que les siens ont depuis des décennies une dette envers la mafia. Pour la racheter, chaque homme de la famille doit se mettre au service des criminels et s’acquitter de six contrats. En cas d’échec, le débiteur subira un terrible châtiment. Pour Dom, le premier contrat consiste à capturer le Zolt, un jeune hors-la-loi insaisissable, star des réseaux sociaux qui nargue les forces de police et est adulé par les adolescents.

Je vais être honnête, ce n’est pas la littérature jeunesse que j’aime. En toute modestie, je suis un peu comme un cinéphile qui préfère le cinéma d’auteur aux gros blockbusters. Et Rush a tout des gros blockbusters que je déteste. Aucun temps mort, de l’action et rien que de l’action, le but étant de tenir en haleine le lecteur plutôt que de le faire réfléchir. C’est un parti pris qui se défend et je n’ai rien contre mais quitte à me répéter, ce n’est pas la littérature jeunesse que j’aime.

Après, l’honnêteté me pousse aussi à  reconnaître que c’est très bien fait et que les ingrédients proposés par  Phillip Gwynne ont tout pour plaire aux ados. Beaucoup de suspens, un zeste d’humour, de nombreuses références aux nouvelles technologies, une intrigue prenante, des personnages attachants et un tempo d’enfer, autant d’éléments qui ont fait leurs preuves depuis longtemps.

En conclusion, un roman efficace et parfaitement ciblé pour toucher un large lectorat. Et vous l’aurez compris, ce n’est pas du tout ma came mais y a pas à dire, dans le genre, ça le fait (désolé, j’essaie pitoyablement de faire djeun …).

Rush T1 : Dette de sang de Phillip Gwynne. Casterman, 2014. 255 pages. 15,00 euros. A partir de 12 ans.

Les avis de Nahe, Lasardine et Liliba.

vendredi 4 juillet 2014

La vie troublée d’un tailleur pour dames - Bulbul Sharma

Janak est tailleur pour dames dans le petit village de Giripul, au pied de l’Himalaya. Homme paisible, amoureux de sa femme la capricieuse et jalouse Rama, il n’aspire qu’à vivre tranquillement. Mais les clientes qui défilent dans sa petite échoppe n’hésitent pas à lui confier leurs petits secrets, le mettant parfois dans l’embarras.
Un soir, alors que toute la communauté est réunie sous le chapiteau d’un magicien ambulant,  il trouve un cadavre devant sa porte. Le premier meurtre de l’histoire de Giripul ! Persuadé de faire un coupable idéal, Janak, aidé de son meilleur ami Shankar, va mener lui-même l’enquête pour retrouver l’assassin.

De Bulbul Sharma, j’avais lu et beaucoup aimé les recueils de nouvelles « Mangue amère » et « Maintenant que j’ai 50 ans ». J’avais surtout apprécié sa façon de mettre en scène la femme indienne moderne, tiraillée entre ses légitimes envies d’émancipation et le poids des traditions. Ici, on est dans autre registre. Ce roman beaucoup plus léger est une saga villageoise, un hommage au peuple des campagnes. Giripul existe vraiment et Bulbul Sharma y a possédé une résidence secondaire pendant vingt ans. C’est un village hors du temps, sans commodités, sans télé, sans téléphone ni frigidaire. Autour de Janak gravitent Shankar le pêcheur, Balu le mendiant, Lala le restaurateur, Raja qui tient le bazar du coin et le « mukhiya », le chef du village. Les femmes sont aussi très présentes avec, comme toujours chez Sharma, une belle-mère particulièrement irascible.

Ce roman est avant tout une comédie de mœurs avec un peu de réalisme magique et un soupçon de polar (mais alors vraiment un soupçon). C’est surtout l’occasion de mettre en lumière le monde rural sans misérabilisme à travers le regard plein d’empathie d’un auteur débordant de tendresse pour ses personnages.

Une lecture rafraîchissante, idéale pour découvrir l’Inde « authentique » loin des clichés de Bollywood. J’ai côtoyé avec plaisir les habitants de Giripul et, comme la fin laisse présager une suite évidente, je me réjouis de les retrouver d’ici quelques temps.


La vie troublée d’un tailleur pour dames de Bulbul Sharma. Albin Michel, 2014. 380 pages. 22,00 euros.


Une lecture commune que j’ai le plaisir de partager avec Hélène.



jeudi 3 juillet 2014

Et si on parlait (déjà) de la rentrée...


J’ai pris le temps d’éplucher le numéro spécial de Livres Hebdo consacré à la rentrée littéraire. 404 romans français et 203 romans étrangers seront publiés entre août et octobre. Pour l’instant j’en ai repéré seize. Huit français et huit étrangers. Comme d’habitude, aucune grosse pointure en dehors de Patrick Deville.

Évidemment au final je ne les lirai pas tous. Évidemment je vais en dénicher d’autres en farfouillant sur les blogs des copinautes. Mais au moins ça me donne une première idée. Et en attendant je vais tenter de profiter des vacances pour faire baisser ma pal...




mercredi 2 juillet 2014

La famille Passiflore : La chasse au trésor - Loïc Jouannigot et Michel Plessix

Quand les lapereaux de la famille Passiflore apprennent de la bouche de leur père qu’ils ont eu un aïeul pirate, ils tombent des nues. Un pirate surnommé « L’impitoyable Cycliste des 7 mers » qui, après une fructueuse carrière à bord de « La carotte indomptable », s’est installé tout près de leur maison actuelle pour finir ses jours paisiblement et enterrer le trésor amassé en écumant les mers du globe. Fascinés par cette histoire de trésor, les enfants se rendent du coté de la rivière où pourrait être enfoui le précieux coffre. Mais en chemin ils vont rencontrer Fétide Durian, un putois trop gentil pour être honnête…

Ah, les Passiflore ! Un univers animalier proche de celui de Béatrix Potter qui ravira petits et grands. Depuis près de trente ans, ils s’animent sous le crayon de Loïc Jouannigot, d’abord dans des albums pour enfants et depuis peu en BD. Pour cette nouvelle aventure, Michel Plessix est au scénario, autant vous dire que c’est un gage supplémentaire de qualité (du moins pour moi). Le récit est sans temps mort, les événements s’enchaînent avec fluidité, il y a ce zeste de frisson qui permet de se faire (un peu) peur et le comportement héroïque du papa protecteur de sa marmaille m’a beaucoup plu (mais ça c’est un ressenti très personnel, hein).

Coté dessin, c’est bien entendu somptueux, avec des aquarelles de toute beauté et un art de manier la lumière qui force l’admiration.

La chasse au trésor, c’est un grand classique qui fonctionne à tous les coups et cet album ne fera pas exception à la règle.  Et puis franchement, comment résister au charme des Passiflore ?

La chasse au trésor de Loïc Jouannigot et Michel Plessix. Dargaud, 2014. 40 pages. 13 euros. A partir de 7-8 ans.

Mon avis sur le 1er tome des aventures de la famille Passiflore en BD













mardi 1 juillet 2014

Le premier mardi c'est permis (28) : Jours tranquilles à Herchies (2)

Chose promise chose due, je termine ce mois-ci la nouvelle commencée début juin. Pour le coup, c’est un peu excessif, je le concède. Juste une envie d’aller plus loin dans la crudité (j’ai pas dit vulgaire, certains pourront peut-être le penser mais peu importe). Le principal c’est que je me sois amusé et que j’assume tout cela à 100%, non ?






Jours tranquilles à Herchies (2)

Après le déjeuner, Frida me demanda si je pouvais la déposer en ville. Elle avait à faire, me dit-elle. Devais-je l’attendre ? Elle sourit : « Tu sais, ce sont des trucs de fille… Tu vas t’ennuyer. Je t’appellerai ». Je vaquai donc. Il bruinait, ce par quoi la région distingue l’automne du printemps, où il pleut à verse. J’aime la bruine. Le seul court métrage que j’avais alors réalisé, dans le cadre des travaux pratiques de la fac, s’intitulait « La blonde et la bruine ». L’essentiel de l’action se concentrait sur le parc jouxtant la gare. Une blonde s’y abandonnait aux ardeurs d’un jeune ouvrier – car le prof confessait son penchant pour les situationnistes, ce qui, déjà dans les années 90, apparaissait assez passéiste. Je flirtai avec la décence « en donnant à imaginer ce qui se tramait d’existentiel sous les jupes de la demoiselle ». La blonde qui jouait dans mon sept minutes était d’une belle ardeur. Elle était rhodanienne, de la petite ville de Craponne. Jamais ville ne justifia mieux son code INSEE : 69069. Et en effet ! Elle n’aimait rien tant que nos nuits buccales. Elle était de ces femmes qui dès la main sont nues. Je pouvais lui tirer des soupirs à l’arrondi de l’épaule, et des cris au creux de la clavicule. Je m’exerçais à la patience en butinant son cou mais, dès que mes lèvres harcelaient ses seins, qu’elle avait petits et fermes, je ne résistais plus. Je ne retrouvais un peu de mon calme qu’aux dernières côtes. Le sternum m’apaisait quelques minutes mais, sitôt le nombril, je sentais monter la transe.
J’en étais là de mes pensées que le portable scintilla. Quand Frida me rejoignit, elle portait trois sacs. Ses emplettes. « Je peux regarder ? » Elle secoua la tête, « Tu attendras ».
J’attendis jusqu’au soir. Je préparais un petit tagine de mouton. Elle entra sans rien dire, s’assit à la table et se versa un verre de cheverny blanc. « Sers-m’en un » dis-je sans me retourner. Quand elle dit « Cette nuit, rien que les yeux », je glissai l’œil vers elle. Elle était dans une merveille de délicatesse. Le soutien-gorge garance était cerné de guipures blanches ajourées posées là comme un semis de baisers. Elle se leva. Le string de même coloris présentait une fine largeur d’étoffe – elle se leva pour que je puisse n’en perdre aucun détail – échancrée dans l’entrejambe pour laisser voir le trait sombre de sa fente. Comme je m’approchais elle tint bon, « Ce soir, juste les yeux ». Je fis aussitôt glisser mon velours côtelé et mon slip. Je bandais, nom de Dieu ! A l’horizontale mais quand son regard vint caresser mon sexe, il se dressa à la diagonale. Du doigt je dénudai mon gland. Elle sourit, « Il n’y a rien de plus sensuel que de voir ton désir ».
Au lit, elle s’étendit sans rien dire. Nue, elle écarta les jambes. Ses doigts entrebâillèrent les portes du palais. Je m’agenouillai sur le tapis et plaçai la tête près de ses pieds pour admirer son con. Les poils frisottaient joliment, lacis noir sur la beauté sublime des chairs. Une légère écume cernait les grandes lèvres tandis que mon regard embrassait les dunes immaculées des cuisses et du ventre, d’où sourdait cette merveille. Des index elle déroula l’ourlet rose pour révéler ce qui se trame en ce palais : le sanctuaire rose vif des nymphes. Jamais nom ne fut plus mérité que celui, poétique, des petites lèvres. L’admirable dentelle incarnat guide les yeux vers l’alcôve haute du bouton divin qui frémit et palpite. Il suffirait d’y poser la langue pour voir se déchaîner un ouragan de désir, pour voir se creuser les vagues sous le plaisir et, entre les nymphes, s’ouvrir la fontaine magique où s’engouffre le foret. Je restai longtemps à contempler son oasis aux fruits fondants.

Le troisième soir, une voiture s’immobilisa dans la cour. Elle avait invité une amie. Une longue jeune fille aux cheveux nattés qui se présenta sous le prénom de Nezha. Du Maroc elle avait aussi le teint très mat et des yeux immenses. Elle était d’un commerce agréable, enseignait les lettres, dans un collège de la ville, à de jeunes boutonneux qui n’en voyaient que par le rap. Elle dit cela en souriant. Elle avait un joli sourire qui entrouvrait de longues lèvres pâles.
Je lui avais préparé la chambre d’amis. Elle monta se coucher. Du moins le crus-je. La soirée avait filé et je me rattrapais des baisers mis en réserve en dévorant la bouche de Frida. Ma main avait glissé sous sa robe et caressait ses fesses quand Nezha entra dans un déshabillé jaune canari. Elle happa ma bouche en souriant puis fit de même avec Frida. Elle ôta sa culotte et se mit en devoir d’embrasser le sexe de Frida. Instantanément je fus nu et approchai ma pine des lèvres de ma compagne. Nezha s’écarta et je pénétrai Frida, dont le con luisait de salive. Je fis quelques allées et venues. La langue de Nezha entra dans ma bouche avec lenteur. Frida, déjà, gémissait. A un moment, Nezha se cassa au-dessus du lit et fit glisser mon sexe hors de l’antre vaginal pour l’emboucher. Entre ses lèvres, je sentis mon membre durcir terriblement. Puis elle me poussa doucement vers le fauteuil. Je m’y assis. Elle enleva sa tunique et m’enjamba en offrant son dos à ma vue. Elle écarta les jambes et doucement guida mon sexe sur son anus. Elle mouillait et je coulissai vite avec frénésie. Elle avait une peau admirable, et un grain de beauté juste sous la saillie de l’omoplate droite. Elle avait pris appui des mains sur mes cuisses et montai et descendait avec régularité. Je bandais sec et bientôt le bruit des clapots rythma notre roulement d’essieux. Frida y allait de la bouche sur les petits seins érigés de son amie. Puis nous allâmes sur le lit. J’enfilai Frida par l’arrière pour pouvoir égarer mes mains sur le corps de Nezha. J’étais prêt de conclure. Elle le sentit et offrit à Frida son entrejambe. Je passai par-devant et nos bouches mêlèrent leurs salives fougueuses. Frida se dégagea et Nezha prit sa place sous mes coups de butoir. Tous les trois, nous nous laissions aller à de petits jappements qui enflèrent rapidement. Je me sentis couler en elle. Alors elle m’allongea sur le dos et leurs deux bouches, avidement, recueillirent la blanche semence. Je crus que je n’en finirais jamais. Je léchai leurs sexes qui étaient chauds et frémissants. La nuit fut d’une douceur infinie.

Le jour suivant, Frida m’annonça qu’elle partirait en fin de journée. Elle avait un rendez-vous incontournable à Paris. Je ne l’ai pas dit, elle travaillait dans l’édition. Elle négociait un contrat avec un auteur « important », un Suédois de premier plan qu’elle avait réussi à piquer à Actes-Sud. « Quarante ans et beau gosse, le Suédois ? » Elle ne répondit pas, d’abord, puis lâcha « Soixante-cinq, un charme fou mais… » « Mais ? » Elle m’entoura le cou de ses bras et murmura à mon oreille « Je t’aime ».
Fred vint dîner. C’était un copain de fac, un type que dévorait le cinéma. Un incroyable féru de la Nouvelle Vague. S’il n’avait pas vu « Pierrot le fou » vingt fois, il ne l’avait pas vu. Le repas fut animé, grâce à un petit écossais tourbé mais pas que. Fred connaissait tout et ses anecdotes faisaient mouche. Frida était aux anges. Elle m’embrassait toutes les cinq minutes. « Tu regardes le match ? » demanda tout à coup Fred. C’est vrai, c’était France-Bulgarie, le match qualificatif pour le Mondial. Un nul et on y était. « Bon, les garçons, je vous laisse » lâcha Frida.
Je ne vais pas refaire le match dont aucun détail n’aura échappé à vos souvenirs. Et surtout pas la connerie de Ginola, à dix secondes de la fin, quand il donne la balle à Penev qui lance Kostadinov sur l’aile droite. Un tir terrible en pleine lucarne et Gérard Houiller peut bouffer sa casquette. Un whisky et on monta se coucher. « Viens ! » dis-je à Fred. Il s’étonna mais je lui pris la main.
Frida soupira sous mes premiers baisers. Je lui susurrai « Regarde comme je t’aime ». Et les mains de Fred effleurèrent ses seins. Puis sa bouche lui picora le visage, la bouche, la poitrine. Moi, je léchais, plus bas, les sources sucrées. Elle ne sut qui la chevaucha. Elle gémissait de plaisir. Je la fis pivoter sur le côté et la sodomisai doucement car elle aimait quand je la prenais ainsi. Fred pétrit ses seins et, des doigts, lui caressa le con. Elle se laissa envahir par les sensations. A un moment je la basculai sur moi et lui écartai les jambes. Fred vint par-devant. Il posa les mains de part et d’autre et sa pine la pénétra lentement. Il entreprit avec précaution son va-et-vient. Frida échappait régulièrement de petits cris animaux. Le mouvement s’accéléra et les cris se firent continus. Elle agitait la tête de droite et de gauche, en proie à une excitation grandissante. Quand Fred à son tour gronda, je sus qu’il jouissait. Alors je déchargeai à mon tour. Mon sexe butait très loin en elle. Je la sentais sans résistance. Son corps s’abandonna. Nous restâmes longtemps ainsi, dans la même chaleur moite.
Au petit matin, Fred avait filé. Quand elle s’éveilla, le plateau l’attendait, thé et tartines beurre confiture. « Je te veux, toi ! » dit-elle en basculant sur moi et en agrippant mon sexe.

Et vous, qu'avez-vous lu de coquin ce mois-ci ? Rendez-vous chez Stephie...