vendredi 19 juin 2015

Les enfants de Dimmuvik - Jon Atli Jonasson

« Le passé ne me cause plus de chagrin. Plus comme avant. Il s’en faut de beaucoup. Je pense que le cœur se revêt de callosité. Et puis elle le gagne entièrement. La corne. Jusqu’à ce que la pompe ne soit plus qu’un bloc coriace. Alors le cœur cesse de battre et on meurt. »

Au moment où elle enterre son frère, une vieille femme se souvient de sa jeunesse. Son Islande natale, une crique entre mer et lande, en 1930, dans un paysage désolé et sauvage. Elle avait douze ans à l’époque et son père venait de mettre en terre le petit dernier, emporté à la naissance. Un décès dont sa mère ne se remettra jamais, passant par la suite le plus clair de son temps clouée au lit, fixant le mur sans rien dire.

En tant qu’ainée, la narratrice veille sur son frère somnambule et sa sœur d’une maigreur de brindille. La cahute qui leur sert de maison, isolée du reste du monde, est un univers clôt, mutique. Ici les mots sont de trop. Seules parlent la misère et la faim, le cycle des saisons et l’interminable hiver qui recouvre de son linceul cœurs et âmes. Ici la solitude extrême, la souffrance, la rudesse de l’existence amènent chacun au bord de la folie. Ici pour survivre alors qu’il y a trop de bouches à nourrir, il faut parfois aller au-delà de l’acceptable, au-delà de l’humain.

Clairement, je suis fan de la littérature islandaise quand elle ne se drape pas dans les plis du polar. Je pense bien sûr à cette chère « Lettre à Helga » et au fabuleux (je pèse mes mots !) roman de Jon Kallman Stefansson, « La tristesse des anges ». Je retrouve dans cette « novella » l’âpreté des êtres, du climat et des paysages, les réflexions métaphysiques sur le sens de la vie. A quoi bon ? Semblent-ils tous se dire, poussés à rester debout par un instinct animal qui dicte leur conduite.

C’est triste et déchirant, c’est évidemment à lire d’une traite et c’est d’une beauté crépusculaire. Bref… j’ai plus qu’aimé.

Les enfants de Dimmuvik de Jon Atli Jonasson. Noir sur Blanc, 2015. 90 pages. 11,00 euros.






38 commentaires:

  1. J'avais aimé La lettre à Helga (mais je me souviens aussi de m'énerver ...à cause de leurs choix?) bon moi j'adore les polars islandais, donc oui je suis en Islande tous les ans et j'adore ça (surtout que ceux je lise se passent souvent dans le passé) donc je note celui-ci et la tristesse des anges. (Je crois avoir vu le premier à ma BM l'autre jour...)

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    1. Le premier de la trilogie c'est "Entre ciel et terre".

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  2. Magnifique billet, Jérôme. Je viens d'en terminé la lecture et je suis encore sous le choc. Magnifiquement terrible!
    Du coup, tu me donnes vraiment envie de lire La tristesse des anges. Ça ne saurait tarder...
    Merci!

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    1. "La tristesse des anges" est vraiment un roman extraordinaire.

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  3. Pfffrt mais comment contrer ça ? Enfin, il y a quelque chose dans la description de ce récit qui me fait douter et hésiter à le noter d'un trait franc, mais il y a autre chose qui m'attire irrésistiblement. C'est l'effet Islande je crois. On ne sait jamais trop à quoi s'attendre, ça passe ou ça casse, mais on a envie de prendre le risque.

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    1. Et là c'est un petit risque vu le nombre de pages.

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  4. C'est un peu bref pour moi, 90 pages, mais je vais tenter quand même...

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  5. Hé bé, tu sais bien le vendre!

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  6. Tu me tentes beaucoup. J'ai beaucoup aimé Entre ciel et terre de Stefansson... l'atmosphère islandaise...

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  7. Une bonne porte d'entrée sur la littérature islandaise, que je ne connais qu'au travers de l'incontournable Indridason...

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  8. oui oui oui c'est tentant et j'aime les romans islndais qui-ne-sont-pas-des-polars moi aussisauf la lettre à Helga par contre :-D

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    1. La Lettre à Helga a beaucoup divisé les lecteurs(trices). Mais j'ai plus qu'adoré ;)

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  9. Pour Stefansson, j'ai préféré le premier volume Entre terre et ciel ;)
    La façon dont tu me parles de ce livre me donne très envie de le lire, c'est tout ce que j'aime a priori. Mais l'extrait que tu cites me laisse perplexe : je ne suis pas certaine d'accrocher au style de l'auteur...

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    1. L'auteur est un des plus célèbres (et controversés) dramaturges islandais. C'est son premier roman.

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  10. Hou Hou, je ne connais pas l'Islande pourtant c'est une bouée, un point de repère pour les voyageurs anciens et actuels qui m'a toujours attiré... Je découvre de temps en temps des reportages et j'imagine un peuple qui a dû s'acclimater à un univers très rude... Alors grâce à toi je vais découvrir cette littérature en commençant par celui-ci. Merci à toi, @bientôt, Grybouille du "Léa Touch Book"

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    1. La littérature islandaise reproduit très bien l'atmosphère rude et âpre du pays.

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  11. Bon alors, je note : retenter Stefansson et dénicher celui-ci !:)

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  12. Bon alors là rien que les mots ; Islande, littérature nordique et déjà tu as su attraper ma complète attention ;0) Je ne suis pas fan fan des textes très courts mais tu as vraiment réussi à me tenter, je le note et bien sûr, mets ton billet dans vos plus tentateurs !

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  13. il est pour moi ! noté, l'ami Jérôme!

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  14. Je préfère les "gros" romans, mais là, pas possible de passer à côté d'un tel avis.
    J'aime aussi les romans du Nord, et même quand ce sont des polars.

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    1. Moi j'aime quand c'est court, quand on va à l'essentiel sans chichi mais avec talent.

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  15. Il pourrait me tenter mais je n'ai pas vraiment aimé La lettre à Helga.... A voir alors.

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    1. Sur le fond, et même sur la forme, ça n'a pas grand chose à voir avec la lettre à Helga en dehors du fait que ça se passe en Islande ;)

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  16. Je t'ai lu la semaine dernière sur ce titre mais je n'avais pas commenté. Juste pour te remercier de mettre en avant cet ouvrage, je le découvre à l'occasion de ton article et je ne peux faire autrement que noter

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    1. Ce n'est sans doute pas le genre d'ouvrage dont grand monde va parler alors si je peux modestement le défendre ici, tant mieux ;)

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  17. C'est noté (j'aime beaucoup les 1ère de couv de cet éditeur), j'ai toujours la lettre à Helga dans ma PAL, mais comme toi je suis assez sensible à cette littérature islandaise (enfin du peu que j'en ai lue), il faudra que j'aille au delà de l'enfant mort, mais la "beauté crépusculaire" est irrésistible...

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    1. Je demande bien ce que tu en penserais et je doute que tu sois aussi enthousiaste que moi. A voir...

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  18. Beauté crépusculaire ? 90 p ? Mmmmhhhh, c'est pour moi ça !!

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