vendredi 24 juin 2016

Et puis après - Kasumiko Murakami

11 mars 2011. « Il sentit sous ses pieds des tremblements sur le sable mouillé. Il n’y accorda que peu d’attention au début car les tremblements de terre au large des côtes de Sanriku étaient fréquents ces derniers temps. Cela allait sans doute cesser. Mais quelque chose était différent. Des poussées se suivaient avec force, les tremblements ne s’arrêtaient pas. Et cela se faisait de plus en plus violent ».

La vague, plus haute qu’un building, s’apprête à déferler. « Lorsqu’il y avait un risque de Tsunami, on sortait aussitôt le bateau et on gagnait le large. Cet enseignement était transmis entre pêcheurs dans les villages des environs depuis toujours ». Yasuo s’élance donc vers le large et passe par-dessus la vague en formation. A dix kilomètres de la côte, il coupe le moteur, jette l’ancre et se retourne pour constater les dégâts. Le paysage qu’il découvre le tétanise…

Un court roman qui insiste davantage sur la stupeur que sur la douleur. En ce sens, le titre est on ne peut plus parlant. Que faire après, quand notre monde et nos certitudes ont disparu de façon aussi soudaine ? Les réfugiés, rassemblés dans un gymnase, abasourdis, hébétés, enfermés dans leurs angoisses, cherchant à prendre des nouvelles de leurs proches, préoccupés à l'idée de se procurer le minimum vital, ne trouvent pas de réponses à leurs inquiétudes. Yasuo a eu la chance de retrouver sa femme saine et sauve mais sa maison a été rasée. Difficile d’imaginer l’avenir, impossible de savoir où aller. A quoi bon continuer, à quoi sert-il d’être encore en vie ?

Beaucoup de retenue et de finesse dans cette évocation tout en pudeur d’un drame vécu par des dizaines de milliers de personnes. Rien n’est éludé, de l’horreur des découvertes faites au fil des jours au traumatisme que tous les sinistrés vont porter en eux à jamais : « Dans le cœur de chacun des sinistrés, même longtemps après, le raz de marée noir et terrifiant déferlait, brisant les digues, et même si personne ne voulait en parler, cela restait une réalité. Ce souvenir demeurait ancré au fond du cœur et l’on avait beau essayer de s’en débarrasser, rien ne pouvait l’effacer ». Une peinture réaliste et digne, sans poésie ni lyrisme, dont la concision évite tout glissement inutile vers le pathos. Saisissant.


Et puis après de Kasumiko Murakami. Actes Sud, 2016. 100 pages. 13,80 euros.









24 commentaires:

  1. le Murakami dont tout le monde parle ??

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  2. Pas un pavé, bon pour moi...! Par contre, ça m'a l'air d'une lecture un chouille déprimante quand même et j'ai besoin de light en ce moment... Je note quand même dans un petit coin ! ;-)

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  3. Je le note car je suis très curieuse et intéressée

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  4. Un petit texte fort et qui pose des questions philosophiques aussi.

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  5. J'avais vu un autre livre sur cette thématique du "et après le drame ?" mais c'est une thématique à laquelle je n'arrive vraiment pas à me confronter. Trop dur, trop réel aussi.

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  6. Je tenterais bien cette lecture.

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  7. et la couverture est à la fois parlante et superbe...

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    1. Il est vrai qu'elle est très jolie cette couverture.

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  8. je suis fâchée avec cet auteur et je me suis fait la promesse de ne plus le lire. Changerai-je un jour d'avis?

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    1. En ce qui me concerne, je ne la connaissais pas du tout.

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  9. Hum, je ne l'avais pas vu celui-ci, tiens, je le note, forcément ! :) Merci.

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  10. Je le croise pour la première fois grâce à toi...

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