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mercredi 7 septembre 2016

L’odeur des garçons affamés - Frederik Peeters et Loo Hui Phang

Au lendemain de la guerre de Sécession, le géologue Stingley est engagé par un milliardaire afin de mener une mission d’exploration sur les terres des indiens Comanche, à l’ouest du Mississipi. Accompagné du photographe Oscar Forrest et du jeune Milton, chargé de l’intendance, Stingley reste évasif sur le but réel de l’expédition. Pour Forrest, peu importe. Arrivé récemment de la côte Est, ce dandy d’origine irlandaise avait besoin de changer d’air après avoir trempé dans des combines plutôt louches à New-York. Quant à l’androgyne Milton, à tout juste 17 ans, il semble lui aussi fuir un passé sur lequel il ne préfère pas se retourner…

Ce trio improbable avance à son rythme, à peine troublé par la présence d’un chasseur de primes dont on ignore tout et d’un sorcier indien aux pouvoirs mystérieux. Franchement, je n’ai pas envie d’en dire plus tant ce western revisité bouscule avec bonheur les codes du genre. Dans ce huis-clos à ciel ouvert où chacun trimbale un but ou un secret inavouable, on navigue en permanence entre réalisme et onirisme. Il est question d’amour, de désir, de génocide indien, de la révolution industrielle à venir et de la disparition programmée des grands espaces sauvages qui seront bientôt colonisés par l’homme « civilisé ». Au pragmatisme cynique de Stingley s’oppose la quête d’esthétisme du photographe et plus l’expédition avance, plus les interactions entre les personnages se complexifient.

J’ai franchement adoré cette atmosphère nébuleuse portée par le trait dynamique et les grands aplats de couleurs chaudes aux teintes parfois fantastiques d’un Frederik Peeters en grande forme. Il y a un petit quelque chose de fantasmagorique dans ce récit à clefs éminemment symbolique. Entre le chamanisme indien et le gothique européen du 19ème siècle, les frontières ne cessent de se brouiller, quitte à parfois embrouiller le lecteur. A ce titre, la fin ambiguë entretient un certain flou artistique et laisse à chacun une totale liberté d’interprétation. Pour être honnête, je ne suis pas certain d’avoir tout compris mais cela n’a en rien gâché mon plaisir car j’aime de temps en temps être baladé de la sorte, surtout par des auteurs aussi talentueux.

L’odeur des garçons affamés de Frederik Peeters et Loo Hui Phang. Casterman, 2016. 112 pages. 18,95 euros.

Les avis de Mo et Noukette



Les BD de la semaine sont aujourd'hui
 chez Moka, une grande première !







lundi 29 janvier 2024

Confessions d’un masque - Yukio Mishima

 

« Un menu constitué de la somme des angoisses de mon existence m’avait été attribué avant même que je ne sois capable de le lire. Il me suffisait de m’asseoir à table, une serviette autour du cou ».

Il y a deux parties bien distinctes dans cette autobiographie publiée en 1949 alors que Mishima n’avait que 24 ans. La première revient sur son enfance passée auprès d’une grand-mère tyrannique, la seconde s’attarde davantage sur son quotidien d’étudiant et de jeune adulte alors que le Japon subit les bombardements américains, à la fin de la seconde guerre mondiale.

L’enfance reste pour lui le moment clé de la formation de sa personnalité. Une époque où il découvre son attirance pour les garçons. Son trouble est grand face à la figure androgyne de Jeanne d’Arc ou face au martyre de Saint Sebastien, représenté par le peintre italien Guido Reni torse nu, les mains liées dans le dos. Perturbé par l’odeur de la sueur de ses camarades de classe, irrésistiblement attiré par l’un d’eux plus âgé que lui, il comprend très tôt que son existence ne rentrera jamais dans les normes.

En grandissant, il n’aura pourtant de cesse de vouloir s’intégrer à la société qui l’entoure, se persuadant même qu’une relation hétérosexuelle est envisageable avec la belle Sonoko, sœur de son meilleur ami Kusano. Malheureusement, leur premier baiser le ramène à son indifférence pour la gent féminine. Une indifférence confirmée lors d’une lamentable tentative de relation tarifée avec une prostituée.

Le masque du titre est l’artifice qui cache aux yeux du monde la véritable personnalité de Mishima. Une posture de façade devant lui permettre d’avoir une vie sociale « normale » alors que bouillonne en lui « le désordre des sens ». Un texte forcément introspectif, même si l’autobiographie semble parfois avoir été très romancée. Quoi qu’il en soit, la désillusion est au cœur du récit, couplée à une impitoyable lucidité. Au final, celui qui deviendra l'un des plus grands écrivains japonais de l'après-guerre prend conscience avec résignation qu’il ne pourra échapper à une vie en marge.  

Confessions d’un masque de Yukio Mishima (traduit du japonais par Dominique Palmé). Folio, 2020. 285 pages. 8,30 euros.



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