mercredi 6 octobre 2010

Mon singe et moi

Une petite fille et son doudou-singe s’en vont voir des animaux : manchots, kangourous, chauves-souris, éléphants...

La structure de l’album est simplissime et ultra répétitive : une double page où la petite fille et son singe miment le comportement de l’animal qu’ils vont rencontrer suivie d’une double page où l’on découvre le dit animal. Aucun décor, des illustrations crayonnées, sans encrage, des couleurs plutôt ternes… Ne cherchez pas ici à en prendre plein les yeux. Ce parti pris de proposer un album très épuré fonctionne parfaitement car le mécanisme principal réside dans la lecture de l’image. L’enfant peut deviner l’animal qui va être représenté en regardant l’attitude de la petite fille. Le trait est souple et souligne parfaitement les mouvements.

Bien souvent, dès la seconde lecture, la surprise n’est plus de mise. C’est plutôt la satisfaction pour l’enfant de savoir ce qui va arriver avant même que l’on tourne la page. S’instaure alors un jeu entre le lecteur et son auditoire : il suffit de laisser trainer les derniers mots, de prendre un temps fou pour tourner la page, de créer en quelque sorte un faux suspense. Et l’enfant de devancer l’adulte en hurlant le nom de l’animal à venir.

Attention, Mon singe et moi est le genre d’album que l’on lit chaque soir pendant des jours et des jours. Et si la lassitude vous gagne, dites-vous bien que pour votre bout de chou, ce jeu peut durer quasi indéfiniment. C’est en tout cas le livre idéal pour faire naître une relation privilégiée et intime autour de la lecture. Des moments de bonheur à partager dont on se souvient pendant longtemps.

Mon singe et moi, d’Emily Gravett, Kaléidoscope, 2007. 26 pages. 12,50 euros. A partir de 2 ans.



L’info en plus : Le dernier né d’Emily Gravett se prénomme Bébé des cavernes. C’est l’histoire d’un nourrisson qui s’ennuie entre sa mère très douée pour la peinture et son père très courageux. Dans un coin de la grotte, il trouve cependant un pinceau dans un pot. Il s'en sert alors pour décorer à sa façon la hyène, le lièvre, le tigre, l'ours et le mammouth. Comme d’habitude, un titre à partager avec ses petits bouts…


Album lu dans le cadre des mercredis de l’album.

lundi 4 octobre 2010

La vie extraordinaire des gens ordinaires

Il était une fois un écrivain décidé à faire quelque chose pour son prochain. Grâce à une association d’aide aux malades, il rencontra un personnage singulier qu’il surnomma "le poète". En lui rendant visite régulièrement à l’hôpital, l’écrivain apprit à écouter et à apprécier le poète. Ce dernier, après avoir enseigné, avait tout plaqué pour entamer un tour du monde. Devenu très malade, il ne lui restait plus que des souvenirs. Quelques temps avant sa mort, le poète confia à l’écrivain un manuscrit au titre étrange : La vie extraordinaire des gens ordinaires. Et le poète de rajouter comme seule recommandation : « Lisez. Lisez, de la première à la dernière page. Si ça vous plaît, débrouillez-vous pour en faire un livre. »

Pendant son tour du monde, le poète n’a cherché qu’une chose : des histoires plus authentiques, passionnantes et irréelles les unes que les autres. Son but ultime : montrer aux gens que la vie mérite d’être vécue. Il a réuni dans son manuscrit 21 histoires en tout. De l’Australie au Brésil, du Népal au Canada, de la France à la Chine en passant par la Suède ou l’Allemagne, il a rencontré à chaque fois des personnes ordinaires vivant ou ayant vécue des situations extraordinaires. Au final, il propose au lecteur un formidable voyage où l’originalité rivalise avec l’optimisme et la joie de vivre.

Soyons honnête, mon avis concernant ce livre est forcément biaisé. J’adore Fabrice Colin. Je le connais pourtant à peine, mais j’ai eu la chance de le rencontrer et de l’interviewer il y a quelques mois (la vidéo de l’interview se trouve ici). J’ai découvert un personnage d’une simplicité et d’une gentillesse rares. Qui plus est, son discours plein d’humour et assez éloigné de la langue bois actuelle est d’une grande fraîcheur. Bref, une très belle rencontre. Mais de toute façon, je n’ai pas à me forcer pour dire du bien des nouvelles contenues dans ce recueil. Originales, très variées, surprenantes… Lorsqu’on achève la lecture d’une histoire, on se demande avec la même impatience qu’un gamin devant ses cadeaux de Noël ce que va nous réserver la suivante.

Evidemment avec une telle variété, toutes ces nouvelles ne suscitent pas le même enthousiasme. Parmi les excellentes : Dans la gloire du matin, Claire Comme de l’eau de roche ou La dernière vague. Parmi les "anecdotiques" : Pas l’ombre d’un doute ou Écarter les murs. Les autres sont toutes très bonnes. Et puis haut dessus du lot il y a Inspirer/expirer. La plus aboutie, la plus bouleversante sans tomber dans un pathos malvenu. Peut-être aussi m’a-t-elle beaucoup touchée parce que je suis le papa d’une petite fille de 8 ans. En tout cas, c’est clairement pour moi le morceau de choix du recueil. Un texte qui m’a fait penser à Sherman Alexie et à Brady Udall. Pour faire le malin, je rajouterais que dans mon top dix des chansons capables de me briser le cœur (seuls ceux qui ont lu cette nouvelle pourront comprendre), il y aurait forcément, aux cotés d’Eliott Smith, un titre de Ben Harper (Walk away par exemple), le Roy’s Bluz de Roy Buchanan (Live Stock, 1975) ou encore une ballade de l'album O de Damien Rice.

Mais revenons au sujet. La vie extraordinaire des gens ordinaires est une très belle œuvre. Un sacré bon moment de lecture assuré. Et pas seulement réservé aux adeptes de la littérature de jeunesse. C’est clairement un titre s’adressant aussi bien aux ados qu’aux adultes, sans distinction d’âge. Merci encore Monsieur Colin et à très bientôt j’espère.

La vie extraordinaire des gens ordinaires, de Fabrice Colin, Flammarion, 2010. 328 pages. 13 euros.

L’info en plus : La vie extraordinaire des gens ordinaires ne paraîtra que le 20 octobre. Le livre devait sortir initialement le 15 septembre mais ce premier tirage contenait de nombreuses coquilles (fautes de frappe et d’orthographe, mots manquant…) et tout le stock a été rappelé pour partir au pilon. Ma libraire m’a gentiment prêté un de ces exemplaires défaillants et je vais d’ailleurs me dépêcher de lui ramener pour qu’elle puisse le renvoyer à l’éditeur. Je précise aussi (le fayot !) que je m’empresserais d’acheter un exemplaire sans défauts dès qu’ils seront disponibles.

PS : allez donc jeter un oeil sur le très bon blog de Fabrice Colin, The Golden Path.

vendredi 1 octobre 2010

L'enfant d'éléphant

La curiosité est un vilain défaut dit le proverbe. Et pourtant… A une époque où les éléphants n’avaient pas de trompe, juste un tout petit nez courtaud, vivait un enfant d’éléphant qui ne pouvait s’empêcher de poser des questions. A sa grande tante l’autruche, à son gros oncle l’hippopotame, à sa maigre tante la girafe où encore à son oncle poilu le babouin. "Il posait des questions à propos de tout ce qu’il voyait, entendait, éprouvait, sentait, touchait…" Et en réponse, tous ses oncles et tantes le cognaient. Las de subir un tel traitement, l’enfant d’éléphant décida un jour de partir pour trouver la réponse à une question essentielle à ses yeux : savoir ce que le crocodile mange pour diner. Après un long voyage et une rencontre mouvementée avec le saurien sur les rives du grand fleuve Limporo, l’enfant d’éléphant va voir son physique se transformer à tout jamais et va surtout gagner l’estime de tous ceux qui auparavant s’amusaient à châtier son insatiable curiosité.

Tirée du célèbre recueil Histoires comme ça de Rudyard Kipling, L’enfant d’éléphant constitue à l’évidence une parfaite entrée en matière pour les bambins qui découvrent la bande dessinée. Concernant le texte, l’adaptation de Yann Dégruel est parfaitement fidèle aux traductions que l’on trouve en livre de poche (notamment chez Gallimard dans la collection Folio Cadet). C’est au niveau graphique que le dessinateur impose sa patte. Loin du classique album de littérature de jeunesse, il propose une véritable BD avec bulles, cases et découpage contenant tous les types de plan possibles (du plan large au très gros plan). Il utilise une technique très particulière en faisant des crayonnés à la craie grasse qu’il scanne et retouche avec un logiciel pour un rendu assez unique. Son trait est à la fois plein de douceur (son petit éléphant est mignon à croquer) et de dynamisme. L’influence de son expérience en studio d’animation se fait d’ailleurs parfois fortement ressentir. Le seul petit bémol concerne peut-être le lettrage et l’encrage des bulles et des récitatifs. Trop épais et trop gros, ces derniers deviennent par endroit intrusifs et gâchent quelque peu l’harmonie des cases.

Mais soyons honnête, l’impression générale reste plus que positive. Sans compter que l’éditeur à soigné la finition de l’album (cartonnage épais et format carré idéal pour les petites mains) pour en faire un très joli objet à ranger dans les bibliothèques de nos garnements.

Faire découvrir l’œuvre de Rudyard Kipling aux plus jeunes par le biais de la bande dessinée. Voila une ambition légitime et parfaitement accomplie avec cet ouvrage qui fera à n’en pas douter bien des heureux.

L’enfant d’éléphant, de Yann Dégruel, éditions Delcourt, 2010. 46 pages. 10,50 euros. A partir de 6 ans.

L’info en plus : Yann Dégruel va adapter dans le même format Le chat qui s’en va tout seul une seconde histoire du recueil de Rudyard Kipling. Rendez-vous en 2011 !




BD lue dans le cadre du challenge Pal Sèche proposé par Le bar à BD.


mercredi 29 septembre 2010

Je t'écris

Ah, Rascal ! Sans doute un de mes auteurs jeunesse préférés. Original, d’une grande sensibilité. Et surtout un écrivain au style remarquable. Si vous en doutez, jetez-vous sur Le phare des sirènes, l’écriture y est juste sublime. En ce début d’automne, Rascal nous offre sa dernière livraison, un petit album plein de lettres adressées au Père Noël, à Papa, Pépé, Tonton, Pierre et bien d’autres. Point commun entre toutes ces missives : elles sont écrites par des enfants. Au niveau du contenu, elles sont toutes très différentes. Certaines sont pleines d’humour, d’autres débordent de tendresse alors qu’une ou deux pourraient vous tirer des larmes.

La mise en page de l’album est simplissime : sur la page de gauche, le texte de la lettre. Sur celle de droite, le dessin d’une boîte aux lettres. Pas de chichi, rien qui en jette. Les mots et les illustrations très sobres se suffisent à eux-mêmes.

A l’heure où les échanges numériques ont définitivement pris le dessus sur le courrier papier, où l’écriture SMS va bientôt remplacer la grammaire française, ces lettres d’enfants rédigées on ne peut plus classiquement dégagent un charme irrésistible. Deux regrets toutefois, mais vraiment minimes :
1) peut-être qu’une police de caractère moins classique (genre manuscrite) aurait-été plus appropriée. 
2) pourquoi n’y-a-t-il que 12 lettres ? Il en aurait fallu 24, 48 voire 96 ! L’album se lit en dix minutes à peine et on en redemande.

Quoi qu’il en soit, cet album est une superbe réussite qui ravira petits et grands. Depuis le succès du Cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates, l’épistolaire revient à la mode. Je t’écris est une bonne occasion de faire découvrir aux plus jeunes ce genre si particulier qui ne ressemble à aucun autre.

Je t’écris, de Rascal, éditions Des ronds dans l’O, 2010. 36 pages. 16,50 euros. A partir de 7 ans.

L’info en plus : Pour les plus grands (9-12 ans), Elisabeth Brami a publié un superbe roman épistolaire en 2008. Chère Mme ma grand-mère raconte l’histoire d’Olivia, douze ans et demi, qui vit seule avec sa mère et cherche à en savoir plus sur son père. Elle décide d’écrire à Mme Barrois, sa grand-mère, dont elle a retrouvé le nom dans les affaires de sa mère. Commence alors une émouvante correspondance entre une jeune fille persévérante et une vieille femme que le chagrin a rendue amère.

lundi 27 septembre 2010

Rentrée littéraire 2010 (épisode 5) : Requiem pour Lola rouge

Le quotidien de P. est terne, sans véritables perspectives. Le jeune homme vivote grâce à de petites magouilles. Il passe son temps à déambuler dans les rues de Paris. L’oisiveté semble être sa seule occupation, jusqu’au jour où son chemin croise celui de Lola. Une femme ensorcelante qui l’emmènera pour de longs voyages en Asie, au Portugal où à Amsterdam. Entre rêve et réalité, P. a trouvé, grâce à Lola, une échappatoire à sa triste existence.

Très poétique, ce premier roman est ambitieux dans sa construction. Le thème général est classique : le mal être d’un jeune homme préférant se réfugier dans la fantasmagorie plutôt que dans la triste matérialité du présent et de l’avenir qui s’offre à lui. Mais Pierre Ducrozet n’hésite à bousculer le lecteur avec une narration très éclatée, passant d’une situation à l’autre, d’un lieu à l’autre sans transition. Il faut parfois s’accrocher pour trouver le fil conducteur. C’est clairement une volonté délibérée de l’auteur. Quelque part, il est dans la provocation : « qui m’aime me suive ! ». Les autres, tant pis pour eux, ils resteront sur le bord de la route. Le risque majeur est là. Avec un tel onirisme, le coté déstructuré du texte embarque le lecteur ou pas. J’avoue que certains passages, trop évanescents, trop vaporeux, m’ont laissés de marbre. Il ne m’étonnerait pas que les avis soient très tranchés : en gros, on adore ou on abandonne la lecture !

L’écriture de Pierre Ducrozet, sous ses airs nonchalants, est à l’évidence très travaillée. Jamais il ne se laisse aller à un lyrisme exacerbé. Lorsque les élans lyriques surgissent, ils sont très vite contenus, et c’est tant mieux.

Au final me reste une impression mitigée. Il n’empêche, ce premier roman contient de belles promesses pour l’avenir. Et je serais sans doute partant si ce jeune auteur à la chance de publier un jour un second roman.

Requiem pour Lola rouge, de Pierre Ducrozet, Grasset, 2010. 174 pages. 17 euros.

L’info en plus : Pierre Ducrozet a publié en 2009 un album pour enfants intitulé : Les clefs du zoo. L’histoire d’une petite fille qui se voit confier la garde d’un zoo par son grand-père. L’ouvrage est accompagné d’un CD-audio reprenant le texte lu par Romane Bohringer.


samedi 25 septembre 2010

Challenge 1% rentrée littéraire 2010



Un challenge bien sympa que j'ai découvert totalement par hasard. Le principe : lire au moins 1% des 701 nouveaux romans de cette rentrée littéraire 2010. Il y a donc au moins 7 titres à lire pour réussir le challenge.

Pour l'instant, j'en suis à 5 lus, 4 billets publiés et 7 autres romans sous le coude. Petite revue d'effectifs :

Les romans lus avec billet publié :

4ème de couverture : A La Nouvelle-Orléans, alors qu'une terrible tempête est annoncée, la plupart des habitants fuient la ville. Ceux qui n'ont pu partir devront subir la fureur du ciel. Rendue à sa violence primordiale, la nature se déchaîne et confronte chacun à sa vérité intime : que reste-t-il en effet d'un homme au milieu du chaos, quand tout repère social ou moral s'est dissous dans la peur ?
Seul dans sa voiture, Keanu fonce vers les quartiers dévastés, au coeur de la tourmente, en quête de Rose, qu'il a laissée derrière lui six ans plus tôt et qu'il doit retrouver pour, peut-être, donner un sens à son existence...



       4 ème de couverture : Chez Plomeur, à Quimper, on est boucher de père en fils. En pleine Première Guerre mondiale, le tout jeune André se découvre un don pour faire « chanter la chair » - et pas n'importe laquelle : celle des femmes, dont la file s'allonge devant la boucherie... Leurs hommes partis au front, celles-ci comptent sur André pour goûter au plaisir suprême. Hélas, le conflit touche à sa fin et les maris reviennent. Un matin, le boucher trouve sur le pas de sa porte un bébé gazouillant dans un panier en osier, puis un deuxième, un troisième... Du jour au lendemain, le voilà père de sept enfants, et poursuivi par un époux jaloux décidé à lui faire la peau. Avec la chair de sa chair, André s'enfuit à Concarneau et affrète un bateau. Direction l'Amérique !




4 ème de couverture : À la retraite, le narrateur décide d'adopter Léo, 99 ans, que rien ne prédestinait à venir s'installer chez lui. C'est le début d'une grande aventure, faite de tout petits riens. De silences qui veulent dire beaucoup, de tendresse, de rires pour conjurer le déclin...
Mon vieux et moi, est-ce que ça peut durer toujours, comme dans les romans d'amour ?

 
 
 
 
 
4ème de couverture : Tout commence par des disparitions, des déplacements d'objets.
Shimura-san vit seul dans une maison silencieuse qui fait face aux chantiers navals de Nagasaki. Cet homme ordinaire rejoint chaque matin la station météorologique de la ville en maudissant le chant des cigales, déjeune seul et rentre tôt dans une retraite qui n'a pas d'odeur, sauf celle de l'ordre et de la mesure. Depuis quelque temps déjà, il répertorie scrupuleusement les niveaux et les quantités de nourriture stockée dans chaque placard de sa cuisine. Car dans ce monde contre lequel l'imprévu ne pouvait rien, un bouleversement s'est produit.



Le roman lu avec billet à venir très prochainement :

4ème de couverture : «J'en étais alors à me regarder pousser les cheveux. Le soleil commençait à m'emmerder sérieusement, et la pluie aussi.»
Telle est l'existence du jeune P., qui vit d'expédients et de petites magouilles à Montmartre. Jusqu'au moment où apparaît Lola. Lola brune, Lola aux cheveux courts, Lola à l'oeil malicieux. Et Lola paranoïaque. Elle entraîne P. dans une série de voyages fantasmagoriques, de Lisbonne au Viêtnam.



 
 
 
Les 7 romans à lire :
 
4ème de couverture : Voici un savoureux festin d'histoires où la nourriture et celles qui la préparent jouent le premier rôle. Des femmes y marient arômes et épices pour nous livrer tour à tour des recettes de vie où s'épanche la brûlante violence des currys, s'attarde le parfum entêtant d'une rivale ou se distillent les ingrédients doux-amers de la vengeance. Autant de secrets, de souvenirs qui nous plongent au coeur de la famille indienne, d'un monde opulent et magique où les vivants parlementent avec les morts qui viennent habiter leurs rêves, en des anecdotes tour à tour poignantes, drôles, macabres, inoubliables.
 
 
 
 
 

4ème de couverture : Le Bronx, dans les années 1970. Stony de Coco va avoir 18 ans, il est temps pour lui d'entrer dans le monde des adultes. Mais la seule perspective pour ce garçon issu d'une famille modeste d'origine italienne, c'est le bâtiment, comme son père, et ça ne l'enchante guère. Et Stony doit aussi protéger son petit frère Albert de la violence névrotique de leur mère...



 
 
 
 
 
4ème de couverture : Cela se passe entre 1941 et 1943, dans les Abruzzes. Non loin du Gran Sasso, cette écrasante montagne qui impose sa force tellurique comme une ombre portée sur le temps. Par une de ces décisions absurdes et nocives dont le fascisme est friand, les Chinois de la péninsule ont tous été internés ici et constituent une étrange communauté, dont le mutisme est peut-être la meilleure protection. Ils sont à un moment cent seize, parfois moins, parfois plus. La vie s'écoule, sans but et sans substance. Un jour, les autorités organisent une grande cérémonie, drolatique et insensée, de conversion au catholicisme. Puis le labeur reprend, aux champs ou ailleurs, dans un mélange d'ennui, de désarroi et de fausse résignation, jusqu'au jour où tout bouge et où le groupe se disperse.



4ème de couverture : Lundi 6 décembre 1954, l'Académie Goncourt s'apprête à décerner son prix à Simone de Beauvoir. Comme chaque semaine, Gérard Cohen, garçon de courses chez Gallimard, se rend chez Louis-Ferdinand Céline qui vit à Meudon comme au purgatoire : le débutant se confronte alors au génie, l'adolescent au vieil homme et le juif à l'antisémite. Celui qui ne fut pas vraiment un martyr doit faire face à celui qui ne fut même pas un bourreau. La « visite au grand écrivain » devient alors une remontée du fleuve, dans les méandres de la mémoire et les profondeurs de la jungle. Peinture du milieu littéraire des années cinquante, errance dans un Paris disparu, Le réprouvé est un grand roman initiatique.




4ème de couverture : Antoine Aimé est lecteur au sein de la prestigieuse maison d'édition parisienne Empire. Son job consiste à examiner - et refuser systématiquement - les manuscrits.
Lorsque les éditions Empire sont soupçonnées d'avoir poussé un jeune auteur au suicide, la machine s'enraie. Antoine Aimé, interprétant les nouveaux ordres de la direction, décide d'accepter désormais tous les manuscrits envoyés spontanément à la maison d'édition...



 
 
4ème de couverture : 1957. A Alger, le capitaine André Degorce retrouve le lieutenant Horace Andreani, avec lequel il a affronté l'horreur des combats puis de la détention en Indochine. Désormais les prisonniers passent des mains de Degorce à celles d'Andreani, d'un tortionnaire à l'autre : les victimes sont devenues bourreaux. Si Andreani assume pleinement ce nouveau statut, Degorce, dépossédé de lui-même, ne trouve l'apaisement qu'auprès de Tahar, commandant de l'ALN, retenu dans une cellule qui prend des allures de confessionnal où le geôlier se livre à son prisonnier...




 
 
4ème de couverture : «Toute ma vie, il y a eu un décalage horaire entre papa et nous. Mon père était "primeurs".»
Entre dérision et nostalgie, cette chronique sociale et familiale est avant tout la radiographie d'une époque. Celle des années 70, période d'insouciance qu'Anthony Palou évoque à travers l'essor et le déclin d'une «dynastie fruitière» qui a fui l'Espagne franquiste pour faire fortune en France avec sa soupe catalane.



 
 
 
Je me suis fixé comme propre challenge de lire tout ça avant Noël. Franchement, ça me paraît difficile, mais on verra bien !

mercredi 22 septembre 2010

Rentrée littéraire 2010 (épisode 4) : Nagasaki d'Éric Faye

Shimura Kobo est un météorologue vivant à Nagasaki. Ce vieux garçon de 56 ans à l’existence réglée comme du papier à musique constate depuis quelques temps que son stock de nourriture baisse de façon incompréhensible sans qu’il y touche : quelques centilitres en moins dans une brique de fruits, une part de poisson qui disparaît… Sachant pertinemment que son frigo n’est pas hanté, Shimura se demande s’il n’est pas en train de perdre la boule. Pour en avoir le cœur net, il installe une webcam dans sa cuisine afin de surveiller son logis depuis son lieu de travail. C’est ainsi qu’il découvre à l’écran la silhouette d’une femme évoluant tranquillement dans le champ de la caméra. Il avertit immédiatement la police et les forces de l’ordre interpellent la « cambrioleuse » qui s’était réfugiée au fin fond d’un placard.

L’enquête révèlera que cette femme vivait depuis près d’un an dans la maison sans que son propriétaire ne se soit jamais aperçu de sa présence. Cachée dans le placard quand le météorologue rentrait du travail, cette SDF profitait dans la journée du confort de l’habitation laissée vide par son occupant.

Inspiré d’un fait divers rapporté par plusieurs journaux japonais en 2008, ce court roman est une réflexion sur la solitude et la déshumanisation de la société. La femme qui investit la maison de Shimura de manière clandestine est une des nombreuses victimes de la crise économique qui touche de plus en plus de japonais. Le météorologue est quand à lui un homme seul, très seul, menant une existence terne et monotone.

L’approche proposée par Eric Faye de ce fait divers original est passionnante dans la mesure où il exprime le point de vue des deux parties. Le célibataire endurci se révèle très perturbé par cette intrusion dans sa vie privée. Il avoue plusieurs fois après l’arrestation qu’il ne se sent plus chez lui. Il réagit finalement comme la plupart des victimes de cambriolages. Mais en donnant la parole au « coupable », l’auteur éclaire l’affaire d’un jour nouveau. Les raisons qui ont poussée cette femme à agir de la sorte sont au demeurant on ne peu plus humaines et ne relèvent en aucun cas d’une quelconque intention criminelle.

L’auteur relate au final le carambolage malencontreux de petites vies. Un carambolage qui va laisser des traces des deux cotés et qui pousse le lecteur à s’interroger sur l’évolution de notre monde où individualisme, solitude et injustice sociale sont devenus la norme.

Nagasaki, d’Eric Faye, Stock, 2010. 108 pages. 13 euros.

L’info en plus : Nagasaki fait partie des douze romans sélectionnés pour le prix Wepler-Fondation La Poste. Ce prix vise à faire émerger, parmi les nouveautés de la rentrée littéraire, des auteurs et des titres peu médiatisés. Le prix sera remis le 22 novembre à la brasserie Wepler, dans le 18ème arrondissement.

lundi 20 septembre 2010

Petites et grandes histoires des animaux disparus

Si vous aimez offrir des livres à Noël, ne cherchez plus, j’ai ce qu’il vous faut pour cette année. Avec les Petites et grandes histoires des animaux disparus, vous êtes certain de faire des heureux. Voila un documentaire d’une qualité rare, extrêmement bien pensé et fort instructif.

Près de trente animaux disparus sont présentés ici sous forme de doubles pages ludiques et didactiques. Sur la page de gauche, on trouve une planche de BD répondant à une question en rapport avec l’animal présenté : Qui surnomme-t-on « Lonesome George » ? (réponse : la tortue solitaire de l’île Pinta) ; Qui étaient les oiseaux disparus de l’archipel d’Hawaï ? (réponse : les Drépanide Mamo) ; Quel est le plus gros trésor de la Sibérie ? (réponse : le mammouth laineux). Bref, des informations qui relèvent souvent de l’anecdote ou de la légende en proposant une approche « plus légère » de la découverte ou de la disparition de l’espèce. Sur la page de droite, une énorme illustration et un commentaire plus scientifique expliquant les causes exactes ou supposées de la disparition. Une petite pastille dresse la carte d’identité de l’animal (taille, poids, lieu d’habitation…) et deux ou trois blocs-textes à l’intérieur de l’illustration apportent des précisions sur le comportement où les caractéristiques morphologiques du spécimen représenté. Les animaux sont classés par continent et une carte au début de l’ouvrage permet de les situer précisément. Un glossaire et une frise historique des disparitions viennent compléter le tout. Du vrai bon et beau boulot dont la qualité saute aux yeux !

Mais pourquoi il est trop bien ce livre ? (je reprends ici la phrase de ma fille de 8 ans qui l’a eu entre les mains ce week-end). D’abord, c’est un magnifique ouvrage : papier épais, grand format cartonné, pages pleines de couleurs qui sentent bon l’encre. Ensuite, et surtout, son contenu fascine. Le dodo, représenté sur la couverture, est la « star » des animaux disparus. Mais que dire du mammouth, du Tratratratra ou du lion d’Europe. Et l’éléphant nain de Sicile, le castor géant, la perruche de Caroline… On en prend plein yeux, on voyage dans le temps et à travers les continents. Et l’on apprend tellement de choses. Très rapidement, les enfants vont se rendre compte que derrière la majorité de ces disparitions se cache l’activité humaine. L’air de rien, beaucoup seront surpris d’apprendre que la pression que l’homme exerce sur l’environnement depuis la préhistoire a fait des ravages dans les populations animales.

Autre aspect positif, l’organisation du livre permet le « picorage ». Ceux dont l’attention pour la lecture ne dépasse pas cinq minutes peuvent lire une double page, oublier le livre pendant quelques temps et y revenir en l’ouvrant au hasard. A chaque fois, la magie opère et on replonge avec plaisir en écarquillant les yeux.

Vous voulez vraiment des défauts ? Son prix peut-être. 19,50€ ce n’est franchement pas donné, mais pour le coup, le livre les vaut. Son format aussi. Trop grand pour être rangé debout dans la plupart des bibliothèques. C’est toujours pénible de devoir coucher un si beau livre et ne pas le présenter dans toute sa splendeur. Mais c’est vraiment pour chipoter.

Vous n’êtes bien sûr pas obligé de me croire quand je vous dis que ce livre est un petit bijou. Le mieux est que vous testiez par vous-même. Si vous tombez dessus dans une librairie, sa couverture attirera votre regard. Une fois en main, quelques minutes de feuilletage achèveront de vous convaincre. J’ouvre les paris !

Petites et grandes histoires des animaux disparus, d’Hélène Rajcak et Damien Laverdunt, éditions Actes Sud Junior, 2010. 78 pages. 19,50 euros. A partir de 7 ans.

jeudi 9 septembre 2010

Rentrée littéraire 2010 (épisode 3) : Mon vieux et moi de Pierre Gagnon


Le narrateur est un tout jeune retraité célibataire et sans enfant qui décide d’adopter un vieux. Après la visite des services sociaux et quelques aménagements domestiques, il accueille chez lui Léo, 99 ans. Au fil des jours, les deux hommes apprennent à mieux se connaître et vont partager de bons moments, entre silences entendus et complicité naissante.

Dans un texte tenant plus de la longue nouvelle que du roman, Pierre Gagnon aborde un sujet délicat (la vieillesse) avec tendresse mais sans angélisme. Certes, l’altruisme semble être la motivation première du narrateur. Il veut clairement profiter de sa retraite pour accomplir une sorte de BA en accueillant à domicile une personne âgée. Mais on peut se demander s’il n’y a pas derrière ce semblant de charité chrétienne une part d’égoïsme. Ne prend-il pas quelqu’un chez lui pour affronter la solitude engendrée par sa nouvelle situation ? Avoir une présence, pouvoir partager, échanger mais aussi chercher à donner un sens à une existence qui peut sans cela sembler être proche d’un grand vide. Finalement, c’est le choix du compagnon qui est original et surprenant. Là où beaucoup se contentent d’un chat ou d’un chien, lui a préféré prendre à ses cotés un être humain. Et c’est ce choix qui suscite l’admiration, car au bout du compte, il n’accueille pas Léo pour se donner bonne conscience. Force est de constater qu’il porte une réelle affection au vieil homme.

Il se dégage du texte beaucoup de bienveillance désintéressée. C’est sans doute l’aspect le plus important, celui qui permet de balayer l’apparent égoïsme de la démarche au départ. De plus, même si le thème du roman peut paraître grave, le ton reste d’une incroyable légèreté. Rédigé à la première personne, le texte alterne les passages joyeux et ceux, plus pesants, soulignant le lent déclin de Léo :
« Certains jours, en après-midi, il n’a envie de rien. Il s’installe alors au salon pour ne plus bouger. Il peut y demeurer pendant des heures. Je glisse un oreiller derrière son dos pour l’aider à tenir. Il attend quelqu’un… Plus tard, devant l’évidence que personne ne viendra, il se remet en route pour sa chambre ou la salle de bain. Voila, c’est tout. Ça s’appelle vieillir. Jamais on ne raconte ces choses-là, bien sûr. Ça n’intéresse personne. »

Au final reste la délicieuse impression d’avoir partagé avec ces deux hommes quelques instants d’humanité. Et croyez-moi, par les temps qui courent, ça fait vraiment du bien !

Mon vieux et moi, de Pierre Gagnon, Autrement, 2010. 88 pages. 9 euros.

L’info en plus : Né en 1957, Pierre Gagnon a connu un énorme succès au Québec avec le récit de son combat contre le cancer, 5-FU. Mon vieux et moi est son 4ème livre, le premier publié par un éditeur français.

mardi 7 septembre 2010

King Kong Théorie

Il aura fallu un partenariat entre Blog-o-book et le livre de poche pour que je découvre le monde de Virginie Despentes. Certes, King Kong théorie est un ouvrage particulier dans la bibliographie de l’auteur. Ce « manifeste pour un nouveau féminisme » (dixit la 4ème de couverture) n’est peut-être pas l’œuvre la plus représentative de sa courte bibliographie. Il n’empêche, les différents articles de ce court recueil permettent de cerner assez précisément le mode de fonctionnement et de pensée de cet(te) écrivain(e) atypique.

Après une brève introduction, Virginie Despentes entre dans le vif du sujet pour présenter en cinq chapitres et une conclusion sa vision des relations hommes/femmes ou plutôt pour dénoncer l’attitude de la gent masculine à l’égard des femmes. Le premier article au titre fleuri (Je t’encule ou tu m’encules ?) est un état des lieux général sans grand intérêt. C’est dans les trois suivants que le propos devient vraiment intéressant. Abordant successivement les questions du viol, de la prostitution et de la pornographie, Virginie Despentes ne mâche pas ses mots, mais son point de vue, bien que décalé par rapport au discours bien pensant, est d’une grande lucidité et sonne fort juste. Il faut dire aussi que la jeune femme a eu le malheur d’être la victime d’un viol collectif. Elle s’est également prostituée et a côtoyé de très près le monde du cinéma X. Elle sait de quoi elle parle et ça se sent. On est donc très loin des doctrines défendues par des pseudo-spécialistes qui théorisent de loin sans jamais avoir vécu ce dont il parle. Le propos est sincère et réfléchi, parfois très dur sans jamais devenir haineux, bref très structuré et fort instructif.

Finalement, seuls les deux derniers textes me posent problème. Par exemple, l’attaque en règle contre la féminité y est aussi stupide qu’éloignée de la réalité : « Après plusieurs années de bonne, loyale et sincère investigation, j’en ai quand même déduit que la féminité c’est la putasserie. L’art de la servilité. On peut appeler ça séduction et en faire un machin glamour. Ca n’est un sport de haut niveau que dans très peu de cas. Massivement, c’est juste prendre l’habitude de se comporter en inférieure ». Dans le même ordre d’idée, la sentence définitive qui fait de tous les hommes des homos refoulés est trop lapidaire pour être crédible. Pour le coup, l’argumentation est un peu légère et tient plus du café du commerce que de la réflexion profonde.

Conclusion définitive de l’auteur : la vie n’a de raison d’être que si elle est punk rock. Certes, pourquoi pas. Mais on a quand même le droit de penser différemment.

Au niveau du style, il faut reconnaître que la prose est très « relâchée ». Le niveau de langue est sur certains passages très peu soutenu et les grossièretés s’enchaînent sans temps mort, ce qui ne m’a pas du tout perturbé. D’ailleurs l’ensemble reste fluide et coule tout seul, il faut juste ne pas s’attendre à lire l’essai d’un universitaire au vocabulaire abscons.

Bref, il y a à prendre et à laisser dans ces textes volontairement (et parfois gratuitement) provocateurs. Mais il n’empêche, la démarche est courageuse. Et je ne regrette pas du tout d’avoir découvert l’avis de Virginie Despenstes sur ce que doit être le nouveau féminisme, même si je ne partage pas toujours son point de vue.

King Kong Théorie, de Virginie Despentes, Le livre de poche, 2010. 150 pages. 5 euros.

L’info en plus : Virginie Despentes achève en ce moment le tournage de son second film, tiré du roman Bye Bye Blondie. Il regroupera à l’affiche, entre autres, Emmanuelle Béart et Béatrice Dalle. Son premier long métrage, Baise-Moi, avait subit en 2000 les foudres de la censure et suscité de nombreuses polémiques, tant dans la presse que chez les spectateurs. Espérons que ce deuxième essai dans le 7ème art fera moins de vagues, même si, après tout, la polémique est bonne pour le buz, comme disent les d'jeunes.