jeudi 15 décembre 2011

Ami ou ennemi ? (calendrier de l'avent 15)

Beigel et Saillard © L'élan vert 2011
Au bout du monde, près du pôle Nord, se trouve une toute petite maison blanche. Dans cette maison habite un écureuil. Il a fait ses provisions pour l’hiver et s’il est maintenant tranquille, au chaud, loin du bruit, des ennuis et des ennemis, il est aussi très seul. Quand on frappe à la porte une première fois, il ouvre et laisse entrer une souris paniquée. Lorsqu’il entend toquer à nouveau, c’est un éléphant effrayé qui se précipite à l’intérieur. Quand un chat effaré franchit à son tour le seuil de la porte en courant, l’écureuil se dit que le prochain invité sera sans doute cette chose monstrueuse qui terrorise ses nouveaux amis…

Un album tout simple à réserver aux plus petits. L’intrigue est construite selon une structure par accumulation (chaque page voit l’entrée en scène d’un nouveau personnage). La tension monte jusqu’au dénouement, forcément inattendu et rigolo. Le trait dynamique de Rémi Saillard rend parfaitement les mouvements des protagonistes : on court, on crie, on lève les bras ou on se cache… l’ambiance est survitaminée !

Une construction efficace, un texte drôle et des illustrations pleines de charme. Voila donc une belle lecture complice à partager avec un petit bout.


Ami ou ennemi ? de Christine Beigel et Rémi Saillard, L’élan vert, 2011. 20 pages. 11 euros. A partir de 3 ans.


Beigel et Saillard © L'élan vert 2011

mercredi 14 décembre 2011

C’est pas du Van Gogh, mais ça aurait pu... (calendrier de l'avent 14)

Heitz © Gallimard 2011
Après avoir failli tuer De Gaulle (dans l’album J’ai pas tué De Gaulle… mais ça a bien failli), Jean-Paul s’est réfugié en Lorraine chez sa tante Ninine. Au cœur de l’hiver 1962, la vie est rude à la campagne. Mais comme le dis Jean-Paul, « chez nous, passer l’hiver c’est un métier. » Avec la charcutaille, le gros rouge qui tache, et surtout la cuisinière à bois qui réchauffe toute la maisonnée, on peut voir venir. Le vrai problème, c’est l’ennui. Pour le tromper, tata a ressorti les carnets dans lesquels elle a consigné ses souvenirs. Arrivé à l’année 1939, il y a quelque chose qui coince. Des zones d’ombre impossibles à éclaircir. Pourquoi, au moment de l’exode, Georges, son mari, a disparu pendant trois mois ? Quand il est revenu, il n’était plus le même. Il s’est arrêté de travailler et a dit qu’il n’avait plus besoin d’argent. Sa version officielle ? Il avait passé ces trois mois à Arles, sur la tombe de sa mère. Sa femme n’a jamais pu en savoir plus. Ni une ni deux, Jean-Paul décide de tirer l’affaire au clair. Le voila donc parti sur les traces de tonton Georges, à bicyclette. Si seulement il avait su dans quel ni de serpents il allait mettre les pieds…

Quel plaisir de retrouver Jean-Paul, l’escroc à la petite semaine qui attire les ennuis comme un aimant. Dans cette nouvelle aventure, il croisera des dessins de Van Gogh, des faussaires, une nymphomane, des religieuses pas catholiques et quelques balles perdues. Bruno Heitz n’a pas son pareil pour trousser des intrigues savoureuses qui fleurent bon la France profonde des années 60. L’ambiance, c’est vraiment le point fort de cet album. La balade en DS, le train Lyon-Arles, les troquets et les hôtels de province, le panier à salade Citroën et la Simca du commissaire de police, on plonge avec plaisir dans la France du Général.

Nombre de lecteurs apprécient moyennement le trait minimaliste et tout en rondeur de Heitz. Personnellement, j’aime beaucoup. Sans chichi, il sait aller à l’essentiel. Cinq ou six cases maximum par page, une vraie facilité à rendre les mouvements et les scènes d’action. Seul regret, l’usage de la couleur qui n’apporte rien à l’ensemble. Je préfère le travail de ce dessinateur en noir et blanc, il n’y a qu’à voir le premier volume de l’intégrale d’un Privé à la cambrousse pour s’en convaincre !

Humour, dérision et truculence sont au menu de cet album réjouissant où Jean-Paul, l’anti-héros un brin couillon se révèle décidément d’un charme irrésistible.


C’est pas du Van Gogh, mais ça aurait pu… de Bruno Heitz. Gallimard, 2011. 122 pages. 17 euros.

Pour finir, une petite info qui n'a rien à voir avec le billet ci-dessus mais qui pourra intéresser quelques personnes venant régulièrement faire un tour par ici : j'ai été sollicité pour participer à l'émission La vie des livres sur Radio plus afin de présenter Formose, le roman graphique de Li-Chin Lin. Oh, rien de transcendant, je vous rassure, mais sachez quand même que l'exercice n'est pas facile : 6 minutes de monologue pour parler d'un livre sans avoir l'air trop couillon, ce n'est pas évident. Est-ce que je m'en suis bien sorti ? Pas certain, mais l'expérience était très sympa à réaliser. Et puis Mo' s'est également pliée à l'exercice pour l'ouvrage Reportages de Joe Sacco du coup, je me suis senti moins seul.

Si vous voulez nous entendre, rendez-vous sur le site Libfly, partenaire de l'opération.
Pour écouter l'avis de Mo', c'est ici : http://www.libfly.com/reportages-joe-sacco-livre-1556373.html
Et pour moi : http://www.libfly.com/formose-li-chin-lin-livre-1539563.html


Heitz © Gallimard 2011




mardi 13 décembre 2011

Le chat qui s'en va tout seul (calendrier de l'avent 13)

Dégruel © Delcourt 2011
Dans Le chat qui s’en va tout seul, Kipling imagine comment les animaux ont été domestiqués par l’homme aux temps ancestraux. Il y a d’abord eu le chien qui, grâce à ses talents de chasseur et sa capacité à garder le logis, a été accepté dans la grotte. Ensuite, ce fut au tour du cheval et de la vache, amadoués par le foin fraîchement coupé. Le premier devint un fidèle destrier tandis que la seconde fournit chaque jour son lait frais et onctueux. Seul le chat resta sauvage. Vagabond dans l’âme, il ne devint jamais un ami ou un serviteur de l’homme. Mais quand il décida d’entrer dans la caverne pour profiter du feu et du bon lait, il dut se montrer plus malin que les humains pour devenir le roi du foyer tout en gardant son indépendance et cette petite dose d’ingratitude qui le caractérise.

Après L’enfant d’éléphant et avant La première lettre (à paraître en février 2012), Yann Dégruel adapte en BD une seconde nouvelle du recueil Histoires comme ça de Rudyard Kipling. Les ingrédients sont toujours les mêmes : ouvrage au format carré idéal pour les petites mains ; respect, à la virgule près, du texte original ; utilisation du crayon gras et de la craie pour un rendu des plus séduisants ; dominante de tons ocre et bleu qui apportent beaucoup de douceur ; découpage dynamique et très pertinent. Le coté allégorique de la fable est ici plus présent, ainsi que l’humour, plus fin. Un travail à la fois respectueux et original visuellement parlant.

Voila donc une adaptation fidèle dont le charme « graphique » évident permettra à nombre de jeunes lecteurs de découvrir et d’apprécier le ton si particulier de l’auteur du Livre de la jungle.


Le chat qui s’en va tout seul, de Yann Dégruel, Delcourt, 2011. 44 pages. 10.50 euros. A partir de 7 ans.


Dégruel © Delcourt 2011

lundi 12 décembre 2011

L’Herbier des Fées (calendrier de l'avent 12)

Lacombe et Perez © Albin Michel 2011
Aleksandr Bogdanovitch, un botaniste russe, est envoyé par Raspoutine dans la forêt de Brocéliande pour trouver les ingrédients devant permettre d’élaborer un élixir d’immortalité. Arrivé sur place en mai 1914, le scientifique découvre que les plantes de Brocéliande possèdent des vertus uniques. Ainsi, le sirop préparé avec la racine de la grande gentiane permet de retrouver la vigueur de sa jeunesse. Plus surprenant encore, Bogdanovitch observe que certaines plantes renferment de minuscules êtres vivants. Stupéfait par cette découverte, il en informe ses supérieurs et procède à des examens poussés sur cette étrange faune propre à la forêt bretonne. Les mois passant, Bogdanovitch se persuade que les êtres qui habitent dans les plantes sont les fées dont parlent les légendes. Une découverte incroyable qui va définitivement bouleverser son existence. Oubliant les raisons premières de sa mission, le botaniste déclenche la colère de Raspoutine...

Un album au charme envoutant. Les planches naturalistes décrivant les différentes espèces sont somptueuses. Les lettres envoyées par le scientifique à ses collègues semblent tout à fait réelles et les illustrations pleine page de Benjamin Lacombe sont d’une rare poésie. Aucun détail n’est laissé au hasard, de la majestueuse couverture aux pages de garde ciselées en passant par le papier épais, blanc-cassé, qui donne un air « vintage » du plus belle effet.

Une fois de plus, le duo Perez/Lacombe impressionne. Quelle inventivité, quelle justesse de ton, quelle maestria graphique ! Seul soucis, il ne faudrait pas que cette maestria graphique devienne pour les enfants l'unique de l’ouvrage. Il y a un vrai risque (j’ai testé et constaté à la maison !) que les jeunes lecteurs se focalisent uniquement sur les images et se désintéressent totalement de l’histoire. Ce serait faire bien peu de cas du texte de Sébastien Perez qui mérite pourtant que l’on s’y attarde. Sans compter que la fin, volontairement ambiguë, laisse place à nombre d’interprétations passionnantes.

Un gros coup de cœur donc, qui réjouira petits et grands, pour peu qu’ils soient attirés par la magie et les personnages féériques.


L’Herbier des Fées de Benjamin Lacombe et Sébastien Perez. Albin Michel 2011. 64 pages. 28 euros.


Lacombe et Perez © Albin Michel 2011

dimanche 11 décembre 2011

Écrire est une enfance (calendrier de l'avent 11)

Delerm © Albin Michel 2011
En passant la soixantaine, Philippe Delerm a ressenti le besoin de jeter un œil dans le rétro. Un retour vers l’enfance pour traquer le pourquoi de son écriture en délaissant le plus possible le comment. Une plongée introspective dans les souvenirs d’un petit garçon paresseux, fils d’instituteurs, élève médiocre, nul en maths et en sciences. Sa rencontre avec les livres sera capitale : Colette, Crin-Blanc, la collection « Rouge et Or »… Suivront, bien plus tard, son basculement dans l’enseignement après des études littéraires, la rencontre de sa femme Martine, le difficile chemin vers la publication de son premier texte, les ventes médiocres jusqu’à l’explosion de « La première gorgée de bière ».

Delerm se livre en toute franchise, sans retenue ni fausse modestie. Proust, la peinture, le cinéma ou encore la chanson française sont autant de passions qui ont balisé son parcours. Son refus de divorcer d’avec ses jeunes années est à la base de son succès : « C’est en passant par le désir de retrouver mon regard de dix ans que j’ai eu tout à coup accès à ce qui serait mon genre : le texte court, rédigé avec le pronom « on » et évoquant des éclats isolés, qui pouvaient être de petites madeleines, ou des épiphanies, la volonté de réenchanter le quotidien. »

Delerm agace souvent. Ses détracteurs sont nombreux. Personnellement, j’aime beaucoup sa petite musique. Son écriture, d’un « minimalisme solaire », a quelque chose d’impressionniste. Sa recherche un peu naïve des petits bonheurs me touche et me parle.

Un joli recueil, certes très personnel, mais dont nombre de réflexions sur la richesse de l’enfance gardent une portée universelle.


Écrire est une enfance, de Philippe Delerm, Albin Michel, 2011. 190 pages. 15 euros.

samedi 10 décembre 2011

L’âge d’or de Mickey Mouse 1 : 1936-1937 (calendrier de l'avent 10)

 
Gottfredson © Glénat 2011
L’âge d’or de Mickey, c’est la période pendant laquelle le génialissime Floyd Gottfredson a pris en main la destinée du plus célèbre héros de Walt Disney. Tout commence en 1930 au moment où est publiée la première aventure de Mickey en bande dessinée (pour info le personnage est d’abord apparu en dessin animé en novembre 1928). Pendant près de 45 ans, Gottfredson sera le maître d’œuvre des aventures de la fameuse souris. Mickey, Minnie, Dingo, Clarabelle, Pluto, Pat Hibulaire… il a développé et enrichi chacun de ces personnages emblématiques de l’univers Disney.

Publiées au départ uniquement dans les journaux, les histoires de Mickey se déclinaient en strips quotidiens de quatre cases du lundi au samedi. Chaque histoire pouvait durer des mois et répondait à une mécanique immuable : rebondissements nombreux et variés, cliffhangers, action, mystère, dépaysement… Le but était de tenir chaque jour le lecteur en haleine et de lui donner envie de revenir le lendemain. Pour varier les plaisirs, le scénariste/dessinateur Gottfredson touche à tous les genres, de la science-fiction au western, du polar au récit d’espionnage, du voyage dans le temps à la chasse au trésor. Mickey est un héros optimiste, espiègle et enthousiaste qui brave le danger et affronte des situations à priori inextricables. Il combat des méchants qu’il finit (évidemment !) toujours par vaincre. A une époque, les années 30, où l’Amérique peine à sortir de la crise, Mickey apparaît comme un rayon de soleil divertissant.

Les éditions Glénat publient pour la 1ère fois en France l’intégralité des strips de Gottfredson de manière chronologique. Ce volume couvre les années 1936-1937. Le choix a été fait de ne pas commencer cette intégrale prévue en 12 volumes avec les débuts de Mickey en 1930 pour proposer d’emblée les histoires les plus passionnantes. Les strips de 1930 à 1935, moins aboutis, seront donc proposés en dernier. Un choix décevant pour les collectionneurs mais qui, du point de vue de l’éditeur, s’explique par le fait qu’il vaut mieux, lorsqu’on lance une telle collection, commencer par le meilleur.

L’édition proposée ici est particulièrement soignée. Un très grand format (29 x 37 cm) qui permet de réunir sur chaque page les six strips hebdomadaires du lundi au samedi. Le recueil regroupe également les planches dominicales, des histoires complètes en trois bandes, le plus souvent des gags davantage destinés à un public enfantin.

Un album somptueux (avec signet, tranchefile, papier et carton très épais) qui ravira passionnés et nostalgiques, mais aussi tous les curieux souhaitant découvrir un monument de la BD mondiale. Seul bémol pour moi, le fait qu’il soit en couleur alors que les strips sont à l’origine parus dans les journaux en noir et blanc. Une faute de goût que je pardonne néanmoins car la colorisation, tout en douceur, n’est pas aussi déplaisante que je l’aurais cru.

Vous cherchiez un beau livre à offrir à Noël ? Cette intégrale du Mickey de Gottfredson pourrait à mon avis constituer un cadeau de choix !

L’âge d’or de Mickey Mouse T1 : 1936-1937 de Floyd Gottfredson. Glénat, 2011. 128 pages. 29 euros.


Gottfredson © Glénat 2011

vendredi 9 décembre 2011

Machin Truc Chouette (calendrier de l'avent 9)

Ben Kemoun et Joffre
© Rue du Monde 2011
Il est arrivé un matin d’été. Personne ne savait d’où il venait. Seule certitude, il n’était pas de chez nous. Avec son nom imprononçable et le charabia qui lui servait de langage, on l’a vite catalogué. Il s’est installé dans une cabane près de la rivière et il a appris à parler comme nous. C’est là qu’on a compris qu’il était venu chercher un emploi. Pour gagner de l’argent, il a travaillé aux champs. Il a aussi fait le charpentier, le pêcheur, le mécano pour nos voitures… Quand la guerre a éclaté très loin, on lui a dit « va défendre le pays ». En revenant de la guerre, il avait une main en moins. Il a recommencé à travailler mais comme il lui manquait une main, on ne le payait plus qu’à moitié. Tout se déroulait plutôt bien, jusqu’au jour où il nous a dit qu’il allait faire venir sa femme et ses enfants, puis ses frères et ses cousins. On lui a répondu : « Une armée d’étrangers et toute leur marmaille ? Non mais, Truc-Machin, tu dérailles ! Ce n’est pas ton pays, tu ne seras jamais vraiment d’ici ! ». Finalement, il a compris qu’on ne voulait pas de lui et il est parti. On ne l’a jamais revu.

Une lecture utile par les temps qui courent… Un album qui aborde en finesse les thématiques du racisme, de la différence et de l’intégration. L’illustratrice utilise une technique de papiers découpés et collés qui se révèle d’une grande expressivité. Le texte d’Hubert Ben Kemoun est simple et bien construit, il résume parfaitement l’état d’esprit des autochtones qui supportent l’étranger tant qu’il leur rend service et se dépêchent le rejeter dès qu’il parle de faire venir les siens.

A lire et à faire lire pour provoquer échanges et réflexions. Un album qu’il faudrait presque reconnaître comme une œuvre d’utilité publique tant le message de tolérance qu’il véhicule est devenu important à l’heure où les débats autour de l’immigration se font plus vifs que jamais.


Machin Truc chouette d’Hubert Ben Kemoun et Véronique Joffre, Rue du monde, 2011. 32 pages. 17 euros. A partir de 7 ans.


Ben Kemoun et Joffre
© Rue du Monde 2011

jeudi 8 décembre 2011

Un piège pour le Père Noël (calendrier de l'avent 8)

 Emmett et Bernatene
© Mic Mac 2011
Valentin est un sale gosse. Un vrai de vrai. A tel point que ses parents, très riches, lui donnent tout ce qu’il souhaite. Pas parce qu’il le mérite, mais parce que leur fils les terrifie ! Chaque année, avant Noël, c’est la même comédie. Valentin prépare une liste incroyablement longue  et quand le Père Noël la reçoit, il n’y jette même pas un œil. Il faut dire que le Père Noël sait à quel point Valentin est un horrible garnement. Mais le gros barbu est magnanime et il ne peut laisser un enfant, aussi mauvais soit-il, sans cadeau. Alors, chaque 25 décembre, Valentin a droit à un petit paquet au pied du sapin. A l’intérieur, toujours la même chose : une paire de chaussettes. Insupportable pour le jeune garçon. C’en est trop, sa décision est prise. L’année prochaine, quand le Père Noël passera par la cheminée, il tombera dans un piège : « Je vais attraper ce vieux fou et lui voler tous ses cadeaux. » Mais les choses ne se passent pas toujours comme on l’espère…

Les auteurs ont choisi de prendre à contre-pied les poncifs propres à nombre d’albums ayant Noël pour thème. L’histoire repose ici entièrement sur le machiavélisme de Valentin. Une sorte d’humour noir et décalé qui surprend agréablement même si, à la fin, le piège se referme sur son créateur et le bien l’emporte. Les différentes étapes du déroulement du plan s’enchaînent avec clarté. On suit avec une certaine inquiétude la progression du funeste projet et on rit de son lamentable échec.
Les illustrations, dont le grain est parfois proche de l’animation, sont un régal d’expressivité. L’air sournois et déterminé de Valentin est parfaitement rendu, de même que son terrible dépit en fin d’album.
  
Les enfants sages se réjouiront de constater que le Père Noël a le dernier mot. Certains seront peut-être déçus de ne pas voir le mal triompher. Quoi qu’il en soit, une chose est sûre : tous auront passé un agréable moment à la lecture de cet album franchement drôle.


Un piège pour le Père Noël, de Jonathan Emmett et Poly Bernatene, Mic_Mac, 2011. 32 pages. 12.90 euros. A partir de 4 ans.


Emmett et Bernatene
© Mic Mac 2011

mercredi 7 décembre 2011

L’étoffe des légendes 1 : L’Obscur (calendrier de l'avent 7)

Raicht - Smith - Wilson © Soleil 2011
Ça commence comme un cauchemar. Il fait nuit. Un enfant dort tranquillement dans sa chambre. Soudain, le placard s’ouvre. Des tentacules en sortent et saisissent l’enfant. Ce dernier est traîné sur le sol jusqu’au seuil de la porte où il disparaît. Une fois le silence revenu dans la pièce, les jouets du garçon quittent leur coffre et décident, après un court conciliabule, d’organiser une mission de sauvetage pour aller récupérer leur maître. Tous savent à quel point le risque est grand. C’est le Croquemitaine qui a kidnappé l’enfant et pour le retrouver, il va falloir se rendre dans son mystérieux royaume, l’Obscur. Une fois dans le monde du Croquemitaine, les jouets subissent une étrange transformation : l’ours en peluche devient un véritable ours brun, la poupée Pocahontas devient une princesse indienne, le colonel, un soldat de plomb, devient un vrai soldat, le canard en bois devient un vrai canard, etc. Une quête pleine de dangers et de rebondissements commence alors…

Un comics inclassable, à la frontière du conte et du récit fantastique. Bien sûr, ces jouets qui s’animent font penser à Toy Story. Mais on est loin du monde de Disney. L’univers est ici bien plus proche de celui de la série Fables avec le personnage du Croquemitaine (équivalent de l’Adversaire) et son mystérieux royaume sur lequel il règne en maître tout puissant. Malgré ces quelques points communs L’étoffe des légendes reste une œuvre originale. Les protagonistes ont chacun une vraie profondeur psychologique et les relations à l’intérieur du groupe sont très fouillées. Résultat, on découvre un récit riche et intense où sont abordées des notions telles que l’honneur, l’amitié ou la trahison. Avec le soupçon supplémentaire de violence et de cruauté propre aux contes, force est de constater que l’ensemble apparaît solidement charpenté. Sur la quatrième de couverture Brian K. Vaughan, auteur de Y le dernier homme, qualifie l’histoire de « sombrement merveilleuse ». Je n’aurais pas dit mieux.

Le dessin de Charles Paul Wilson III est superbe : de grandes cases très détaillées, beaucoup de gros plans, un découpage dynamique. L’animation des jouets devenus vivants est parfaitement rendue et l’alternance entre les scènes d’action et celles plus calmes donnent rythme et fluidité au récit. Niveau couleur, le ton sépia utilisé à chaque page offre une patine particulière à l’ensemble du recueil. Pour ne rien gâcher, l’ouvrage est superbe : format carré, papier et cartonnage épais, vernis sélectif sur les couvertures, sans compter cette entêtante odeur d’encre que j’adore. Un vrai bel objet que l’on prend plaisir à manipuler et à sentir (oui je sais, ça peut paraître bizarre mais j’aime sentir les livres, c’est un fétichisme comme un autre !).

Une énorme et belle surprise que cette nouvelle série découverte par le plus grand des hasards sur une table de mon libraire. On discutait la semaine dernière avec Mo’ de la diversité des comics suite à mon billet sur Criminal. C’est une réalité incontestable, l’univers de la BD américaine est décidément d’une richesse sans limite, loin, très loin des sempiternels super-héros en collants moule-burnes qui focalisent l’attention du grand public.


L’étoffe des légendes T1 : L’Obscur, de Mike Raicht, Brian Smith et Charles Paul Wilson III. Soleil, 2011. 128 pages. 19,95 euros.




Raicht - Smith - Wilson © Soleil 2011





mardi 6 décembre 2011

Mäko (calendrier de l'avent 6)


Béziat © Pastel 2011
C’est tous les jours la même chose. Mäko le morse plonge pour observer le fond de l’eau. Une fois revenu à la surface, il sculpte la glace pour marquer les endroits les plus poissonneux. Grâce à ce talentueux cartographe, chacun des animaux de la banquise sait où trouver sa nourriture. Mais une nuit, c’est le grand crac ! La banquise part en morceau et emporte toutes les sculptures. Pire encore, les poissons ont disparu. Affamés, ses amis se tournent vers le morse : « On a faim, Mäko… S’il te plaît… Fais-nous d’autres poissons. » Heureusement pour eux, Mäko est un petit peu magicien…

Pas souvent que l’on tombe sur un morse altruiste et artiste ! En filigrane, l’auteur aborde la question du réchauffement climatique et des conditions de vie toujours plus difficiles pour les animaux qui en subissent les conséquences. Le dessin, très épuré, est proche du crayonné et de très belles vues en plongée permettent au regard d’appréhender l’immensité des étendues glacées.

Un magnifique album, poétique et plein d’espoir dont le format à l’italienne offre des double-pages panoramiques du plus bel effet. Tout simplement superbe !


Mäko de Julien Béziat, Pastel, 2011. 32 pages. 13,50 euros. A partir de 4 ans.


Béziat © Pastel 2011