vendredi 9 novembre 2012

Heq : Le chant pour celui qui désire vivre de Jorn Riel et Benjamin Flao

Riel et Flao  © Sarbacane 2012
C’était il y a mille ans. A peine entrée dans l’âge adulte, Shanuq l’inuit fut enlevée par les indiens des forêts, ceux que l’on appelait les Hommes-Chiens. Mariée de force au chef Shapokkee, elle lui donna un enfant qu’elle prénomma Heq, comme son grand-père maternel. Fuyant les indiens avec son fils accroché sur le dos, Shanuq fut recueillie par des chasseurs venus de la côte. Elle trouva rapidement sa place dans la communauté. Par la suite, elle eut deux autres enfants, un garçon qu’elle prénomma Tyakutyik et une fille, Pukiq. Heq se révéla à l’adolescence un leader charismatique aux pouvoirs de chaman. C’est lui qui, après de nombreuses péripéties, mena les siens vers L’inlandsis, le pays de tous les inuits.
   
Une superbe adaptation en album d’un ouvrage paru en poche en 2001 aux éditions 10/18. Il y a d’abord le texte de Jorn Riel. Le lecteur se voit proposer une plongée quasi ethnographique dans le quotidien des tribus ancestrales du Grand Nord. Sous la forme de la fiction, il découvre les mythes et la culture inuit. Le récit mélange aventure, émotion, violence et sauvagerie. Le froid, l’âpreté de la nature, la vie dans des conditions extrêmes, tous ces éléments sont rendus avec force détails et précisions. Une grande place est également occupée par la quête de spiritualité.  Il y a ensuite le dessin de Benjamin Flao. Chaque illustration pleine page est un petit tableau. Le travail sur la lumière et les couleurs est remarquable et participe grandement à installer l’ambiance envoutante qui traverse le texte. Pour couronner le tout, il y a l’objet-livre lui-même. Du très grand format (24 x 38 cm) au cartonnage épais et au papier brillant du plus bel effet.

Au final, il suffit de se pelotonner au coin du feu et de se laisser embarquer pour les étendues infinies et glacés du Grand Nord canadien. Un voyage inoubliable !   
 

Heq : Le chant pour celui qui désire vivre de Jorn Riel et Benjamin Flao. Sarbacane, 2012. 62 pages. 19,90 euros. A partir de 10 ans

Riel et Flao  © Sarbacane 2012


Riel et Flao  © Sarbacane 2012


mercredi 7 novembre 2012

Trois ans, trois enfants



Il y a trois ans jour pour jour je publiais mon premier billet. Je n’avais à l’époque aucune autre ambition que celle de partager quelques impressions de lecture avec les trois pleupleux qui échoueraient par hasard sur cette page d’accueil. C’était un coup d’essai qui, je n’en doutais pas me connaissant, ne durerait de toute façon que très peu de temps. Et puis j’ai eu quelques commentaires, j’ai fureté à droite à gauche sur d’autres blogs et j’ai fait des rencontres virtuelles qui ont piqué mon intérêt. Au final, la machine s’est lancée et je n’ai pas arrêté depuis.


Beaucoup de plaisir donc, c’est le moteur principal. Mais aussi une volonté de continuer à naviguer d’une berge à l’autre, des albums pour enfants à la littérature érotique, de la BD au manga en passant par les classiques et les auteurs contemporains. Trop peu de fantasy et de polars, c’est un fait, mais je me soigne. Jamais de Bit Lit ni de Chick Lit (faut pas pousser), encore moins de thrillers ou de roman horrifiques (petite nature, le gars). En tout cas beaucoup de découvertes délicieuses glanées ici ou là sur la blogo. C’est un plaisir de tomber sur un billet qui vous donne vraiment envie, de se lancer dans la lecture et d’aller ensuite remercier celui ou celle qui vous l’a recommandé.

Bref vous l’aurez compris, je m’amuse beaucoup depuis trois ans et je compte bien fêter encore quelques anniversaires.

A part ça, je serai sans doute moins présent en 2013 puisque si tout va bien et comme vous l’avez peut-être compris en lisant le titre de ce billet, la famille va s’agrandir en février. Presque huit ans après n°2, ça va faire tout drôle de voir débarquer un petit bout à la maison. S’il n’y pas erreur sur la marchandise, ce sera encore une fille. Moi qui pensais peut-être chroniquer quelques albums sur les chevaliers, les pirates ou les dinosaures, je vais rester quelques temps encore avec les princesses et les univers girly (ouh, les clichés !). En tout cas, trois filles plus ma femme, ma vie va devenir un enfer ! Ne vous étonnez donc pas si je vous donne moins de nouvelles en 2013. Entre toutes mes pépètes et le boulot, il y a risque de surmenage.

En attendant et pour fêter tout ça, rien de tel qu’un petit concours. Les règles sont simples puisqu’il n’y en a pas. Il vous suffit de laisser un commentaire, disons jusqu’au 15 novembre minuit, pour participer. Je fais le tirage au sort et les deux premiers noms qui sortent du chapeau choisissent le titre qu’ils veulent parmi ceux affichés dans l’index à droite. Ça vous va ? Bon je ne prendrais en compte que celles et ceux qui sont déjà passés par ici (les fidèles quoi). Petit précision utile, les belges et les suisses sont les bienvenus.

Allez bonne chance à tous et à très bientôt.

Carmen Cru : l’intégrale

Lelong © Fluide Glacial 2011
Carmen Cru est une rebelle. Une vraie. Une pure et dure. Sans doute la dernière rebelle de la BD contemporaine. Pas pour rien que le 4ème volume de la série a pour titre Ni Dieu ni maître. Carmen Cru est indomptable, insubmersible, increvable. En fait, Carmen, c’est pour moi un amour de jeunesse. Je lisais ses frasques dans le Fluide glacial de mon père au milieu des années 80. Elle me fascinait autant qu’elle me terrorisait. Toute ratatinée dans son imper sans formes, ridée comme une vieille pomme, pédalant sur son vélo hors d’âge avec le fameux cageot accroché sur le porte-bagage, elle avait tout de la sorcière. Sous ses airs de pauvre femme en bout de course, elle cache le plus fichu caractère que l’on puisse imaginer. Quand elle fait la tournée des bars, elle oublie son porte monnaie et promet de revenir le lendemain. Les factures ? Elle ne les paie jamais parce qu’elle y comprend rien à toute cette paperasse et puis « c’est des voleurs, ils écrivent n’importe quoi, on veut m’escroquer. » Quand les voisins débarquent chez elle avec une pétition pour lui demander de quitter son taudis, elle fait semblant de ne rien comprendre et tous repartent la queue entre les jambes. Son âge avancé est son plus bel atout. Elle use et abuse de sa condition de vieille femme misérable pour profiter de tous les gens qui l’entourent. Sa méthode est simple et consiste à inverser les rôles en se plaignant haut et fort que l’on abuse de sa sénilité alors qu’en fait elle est en train mettre à la torture son interlocuteur. Résultat, les commerçants la craignent comme la peste, le médecin a perdu sa réputation à cause d’elle et le terrassier chargé de creuser une tranchée dans sa cour pour amener le gaz finit sa journée au bord de la dépression.

Carmen vit dans une maison entourée de murs qu’elle a fait construire pour s’isoler quand le quartier est devenu résidentiel. Ses voisins sont ses souffre-douleurs préférés, surtout Raoul, alcoolique notoire qui multiplie les crises de delirium et à qui elle demande constamment de porter son vélo dans les escaliers. Il y a aussi le Duc, un aristo qui a perdu sa fortune au jeu et qui s’émerveille devant le caractère entier de la vieille femme ou encore Poupi Mouvillon, un teigneux rêvant de voir son irascible voisine foutre le camp mais qui n’a pas assez de cran pour aller lui dire en face. Coté famille, Carmen a un neveu indigne qui ne pense qu’à récupérer son héritage et une mère à l’hospice qui lui écrit une fois par an.

Ces gens-là sont ceux que chantait Brel, l’humour (noir) en plus.

Jean-Marc Lelong a d’abord publié cinq volumes entre 1984 et 1987 avant de déserter sa planche à dessin pendant plus de dix ans. Il y revient au début des années 2000 pour réaliser deux nouveaux albums avant de disparaître le 24 février 2004, à 55 ans. Carmen Cru restera à jamais une série mythique de la BD humoristique pour adulte. Cette incontrôlable misanthrope m’aura en tout cas durablement marqué et c’est avec un bonheur non dissimulé que j’ai plongé la tête la première dans cette délicieuse intégrale.


Carmen Cru : l’intégrale de Jean-Marc Lelong. Fluide Glacial, 2011. 190 pages. 14 euros.

Lelong © Fluide Glacial 2011




mardi 6 novembre 2012

Le premier mardi c'est permis (11) : Mémoires de fanny Hill, femme de plaisir

Cleland © Bernard Pascuito 2008
Un bouquin trouvé en brocante. Le problème avec les livres érotiques achetés d’occasion, c’est qu’on risque à tout moment de tomber sur des pages collées. Pas que ça me dégoûte (pensez donc, j’en ai vu d’autres...) mais si je dois utiliser le coupe papier, il y a un risque de déchirure et je n’aime pas abîmer les livres. En tout cas le problème ne s’est pas posé avec celui-là parce qu’il était dans un état impeccable. Jamais lu à mon avis. Pourtant c’est un classique : « le plus grand roman érotique anglais de l’âge d’or du libertinage » dixit l’éditeur. Son auteur, John Cleland, l’a écrit en 1749 alors qu’il était emprisonné pour dettes. L’ouvrage demeurera son seul succès et le rendra riche, lui évitant de retourner au cachot. Le récit est tellement « audacieux » pour le puritanisme anglais que la perfide Albion n’autorisera sa publication officielle qu’en 1963. En France, c’est Apollinaire, au début des années 20, qui offrit la première édition érudite de Fanny Hill, lui donnant par la même ses lettres de noblesse littéraire. Dans la version d’Apollinaire, les passages les plus « compromettants » étaient relégués en notes de bas de page. Cette édition de Bernard Pascuitto peut donc être considérée comme la première publication intégrale et non expurgée de ce que nombre de lecteurs considèrent comme un chef d’œuvre.

Pour créer le personnage de Fanny Hill, Cleland s’est inspiré de Fanny Murray, une prostituée de 17 ans qui était l’idole des aristocrates londoniens. Sous la plume du romancier, Fanny raconte ses expériences à travers deux longues lettres où elle décrit sa vie misérable à la campagne, son arrivée sans le sou dans la capitale, son initiation dans une fameuse maison close puis sa spécialisation dans les orgies les plus débauchées. On suit donc au fil des pages la transformation d’une oie blanche en prostitué de luxe. Mais le récit s’attarde également sur les considérations liées au savoir-vivre. Fanny insiste longuement sur la bonne attitude à adopter face à une clientèle haut de gamme et exigeante. L’intérêt réside aussi dans l’évolution de la jeune fille. D’abord pure et innocente, elle acquiert vite l’expérience suffisante pour comprendre comment profiter au mieux de sa situation. Fanny devient une forte femme, intelligente, clairvoyante. Loin d’être une incontrôlable nymphomane (comme les prostitués de Pierre Louÿs par exemple), Fanny ne dédaigne pas le plaisir, mais elle place aussi la vertu au-dessus du vice, ne perdant jamais de vue le fait que ses nombreuses expériences lui ont surtout permis de trouver sa place dans le monde et n’ont pas fait d’elle une débauchée.

Il n’y a rien de glauque dans le récit de Cleland. Les clients sont classe, jamais violents. Même l’adepte du fouet se révèle au final un garçon plutôt gentil. Bien sûr, on est souvent proche d’une certaine forme de caricature, mais je préfère retenir le bonne humeur et la joie de vivre qui traverse le récit. Dans ses deux lettres, Fanny s’attarde, non sans humour, sur les descriptions physiques de ses michetons. Pour ce qui est du passage à l’acte, les choses sont davantage suggérées qu’exprimées dans les moindres détails. Un style très imagé qui m’a beaucoup plu, surtout si l’on y ajoute l’emploi quasi constant d’un passé simple délicieusement désuet : « Comment pûtes-vous m’abandonner ? ».

Bref, je ne suis pas mécontent d’avoir découvert ce grand classique. Voila un roman libertin finalement assez peu émoustillant qui m’a pourtant fait passer un excellent moment de lecture.


Mémoires de fanny Hill, femme de plaisir, de John Cleland. Bernard Pascuito éditeur, 2008. 220 pages. 20 euros.


Une lecture commune que j'ai le plaisir de partager avec Marie.

Allez zou, rendez- vous chez Stephie pour découvrir
les autre lectures inavouables du mois


dimanche 4 novembre 2012

Chi, une vie de chat 9 de Kanata Konami

Konami © Glénat 2012
A la fin du tome précédent, Chi, soignée pour une conjonctivite, rentrait à la maison affublée d’une collerette. Dans ce nouveau volume, la jeune chatte, débarrassée de cet instrument de torture qui l’empêchait de se déplacer à sa guise n’a qu’une envie, retourner jouer dehors avec Minou. Mais ses propriétaires décident de ne plus la laisser sortir pour éviter qu’il lui arrive d’autres malheurs. Devant sa détermination, son maître cède et décide de lui acheter une laisse. Mais lors de la première promenade, Chi parvient à se faire la malle. Une escapade au grand air et en totale liberté qui ne sera pas de tout repos...

Les deux ou trois tomes précédents m’avaient un peu lassé du chaton et de son environnement mais ce nouvel opus relance quelque peu la machine. Kanata Konami joue sur le contraste entre la difficile condition du chat des rues (Minou) et la vie confortable du chat d’appartement (Chi) qui n’a qu’à miauler pour qu’on lui donne à manger et qui possède un coussin moelleux pour faire la sieste. Chaque petit chapitre semble indépendant mais participe en fait à la progression de l’histoire, ce qui donne une vraie cohérence à l’ensemble.

Chi est une série qui plait vraiment à toute la famille (je parle de la mienne). C’est le seul manga à faire l’unanimité puisqu’il est lu par mes filles, ma femme et moi. Il faut dire que le dessin kawaï, les couleurs douces, les chapitres très courts et la publication dans le sens de lecture occidental sont des arguments de poids pour les jeunes lecteurs qui découvrent le manga. Les plus grands, surtout s’ils possèdent un chat, reconnaîtront dans les mimiques de Chi leur propre animal. L’auteur parvient avec une remarquable économie d’effets à traduire les attitudes et les sensations infimes qu’expriment nos félins préférés. C’est sans doute dans cette retranscription réaliste, dans ces observations précises et humoristiques qui rappellent au lecteur un univers familier que tient le succès grandissant la série. Une vraie belle réussite !


Chi, une vie de chat T9, de Kanata Konami. Glénat, 2012. 146 pages. 10,75 euros.

samedi 3 novembre 2012

A travers les champs bleus de Claire Keegan (rentrée littéraire 2012)

Keegan © Wespieser 2012
Difficile de résister au charme de Claire Keegan. Son roman Les trois lumières m’avait ébloui l’an passé. C’est donc avec une certaine impatience que j’attendais de la retrouver à l’occasion de cette rentrée littéraire avec un recueil de nouvelles intitulé A travers les champs bleus. Ses thèmes de prédilections sont toujours aussi présents. Il est donc question d’Irlande (sauf dans un texte se déroulant au Texas), de désir, de solitude, de monde rural et d’océan. Il y est aussi beaucoup question de renoncement, comme dans la nouvelle donnant son titre au recueil où un prêtre célébrant un mariage renonce à avouer son amour à la mariée. Renoncement encore dans La nuit des sorbiers, où un homme fruste voit partir femme et enfant sans chercher à les suivre. Renoncement également pour cette mère de famille mal mariée qui ne pourra se résoudre à quitter le foyer. Renoncement, une fois de plus, pour le frère d’une étudiante s’apprêtant à partir pour les Etats-Unis. Il dit lui aussi vouloir tourner le dos à la ferme et vivre autre chose mais au fond de lui, il sait qu’il n’en fera rien.

Dans ces nouvelles, les hommes sont des lâches, des salauds mal-dégrossis qui préfèreront toujours leurs terres à leur famille. Certains s’abîment dans le travail, d’autres s’abrutissent d’alcool. Beaucoup se perdent dans le désir de femmes qu’ils ne méritent pas. Ces dernières s’en tirent mieux. Elles ont du cran, sont déterminées et gardent un coté indomptable. Elles continuent de croire que tout reste possible malgré les écueils qui se dressent devant elles.

Je suis toujours aussi émerveillé par la prose de Claire Keegan. Elle sait retranscrire à merveille la pluie, le vent et les tourbières, la violence des liens archaïques qui unissent les êtres. Sa prose est simple, limpide, précise. Pas un poil de gras, pas un mot de trop.

Je sais bien que la nouvelle n’est pas un genre très prisé par chez nous. Mais si vous n’aviez qu’un seul recueil à lire cette année, je vous conseille de vous laisser tenter par cette étourdissante balade à travers les champs bleus.

A travers les champs bleus de Claire Keegan. Sabine Wespieser éditeur, 2012. 256 pages. 22 euors.

L'avis de Clara ; L'avis de Jostein ; L'avis de Maryline ; L'avis de Missbouquin



jeudi 1 novembre 2012

Les Sisters 7 : Mon coup d’soleil, c’est toi ! de Cazenove et William

Cazenove et William © Bamboo 2012
Les Sisters partent en vacances à Sète. L’occasion de faire quelques balades en bateau, de pêcher des « fruits de la mer » (dixit Marine, qui a une « téchenique » d’enfer pour les attraper) et de prendre de sacrés coups de soleil. A part ça ? Du catch, une benjamine qui aime toujours autant fouiller dans les affaires de son ainée et un constat implacable fait par cette dernière : « Avec ma sœur, on se ressemble de moins en moins. »

J’aime beaucoup les Sisters parce que j’ai deux filles à la maison et que Wendy et Marine me rappellent parfois mes petites pépètes. Les héroïnes de Cazenove et William grandissent quelque peu au fil des ans mais leurs traits de caractère respectifs ne changent pas. C’est peut-être de là qu’est venue ma lassitude à la lecture de ce nouvel album. J’ai l’impression que cette série tourne sacrément en rond. C’est un plaisir de retrouver le dessin dynamique, les couleurs pastel et l’univers girly de William mais pour le reste j’avoue que je me suis ennuyé.

Heureusement, ma grande qui est totalement fan a dévoré ce septième tome d’une traite et l’a refermé en le qualifiant de « trop cool ». Tant que le public cible apprécie, c’est bien là l’essentiel. De mon coté, j’ai dû dépasser la limite d’âge. Pas grave, je vais me consoler avec un bon vieux Spiderman époque John Romita Jr. Rien de tel qu’un super héros en collant moule-burnes pour vous remonter le moral !


Les Sisters T7 : Mon coup d’soleil, c’est toi !
, de Cazenove et William. Éditions Bamboo, 2012. 46 pages. 10,60 euros. Dès 8 ans.

Mon avis sur le tome 5

Mon avis sur le tome 6

Mon avis sur le journal intime des Sisters


Cazenove et William © Bamboo 2012

mercredi 31 octobre 2012

L’étoffe des légendes 2 : La jungle

Raicht - Smith - Wilson © Soleil 2012
Rappelez-vous, je présentais le premier tome de cette série il y a un an. Dans une chambre d’enfant, le Croquemitaine vient kidnapper un jeune garçon et l’emmène dans son monde, le royaume de l’Obscur. Les jouets du gamin s’organisent alors pour partir à sa recherche. Au début de ce second volume, après avoir fui la ville de la Marelle, Max l’ours en peluche et ses compagnons trouvent refuge dans un zoo abandonné. L’armée du Croquemitaine les rejoint bientôt et lance une féroce attaque. Grâce à l’intervention de Golems sortis de nulle part, la petite troupe échappe au massacre et se dirige vers la jungle, où un danger plus terrible encore les attend…
  
Incroyable série que ce comics digne des contes les plus noirs. Un monde dangereux, des jouets « humanisés » à la psychologie extrêmement travaillée, une violence sourde et un méchant terrifiant au possible forment un cocktail détonnant. Amour, amitié, non-dit, trahison… quelques révélations vont sérieusement changer la donne pour la petite troupe. Si le cochon a depuis longtemps vendu son âme au diable, Max dévoile un secret qui va faire voler en éclat la cohésion du groupe. Et pendant ce temps-là, l’enfant parvient à quitter sa geôle sordide et part à l’aveuglette dans le monde de l’Obscur. Totalement addictif, je vous dis !
       
Le dessin est quant à lui toujours aussi stupéfiant. De grandes cases aux tons sépia qui rappellent les gravures sur bois d’antan et un découpage dynamique à souhait, notamment pendant les scènes de bataille. Comme le premier, ce second volume conserve un format carré atypique au cartonnage épais et une entêtante odeur d’encre qui vous saute aux narines dès que vous le feuilletez.
  
J’espère vous avoir convaincu de jetez un œil à ce titre totalement inclassable qui mérite vraiment que l’on s’attarde sur son cas. De mon coté, j’attends déjà la suite avec impatience.         
  
L’étoffe des légendes T2 : La jungle, de Mike Raicht, Brian Smith et Charles Paul Wilson III. Soleil, 2012. 128 pages. 19,99 euros.


Raicht - Smith - Wilson © Soleil 2011

Raicht - Smith - Wilson © Soleil 2011





lundi 29 octobre 2012

Les Bidochon 21 : Sauvent la planète

Binet © Fluide Glacial 2012
A quoi ça tient un changement de vie ? A un repas chez des amis qui vous font visiter leur maison écologique par exemple. Vous découvrez les joies du four solaire (40 minutes pour un œuf dur, véridique !), des toilettes sèches et des murs peints à la caséine de lait. Et votre femme ressort de là avec des idées vertes plein la tête. Pour vous, les temps s’annoncent difficiles. Entre le tri sélectif, les ampoules basse-consommation et le covoiturage, vos habitudes bien ancrées dans le train-train quotidien vont être sacrément bousculées…

Comme toujours, c’est Raymonde qui insuffle le vent du changement et Robert qui passe son temps à râler. Elle essaie de lui faire comprendre que chacun de nous peut sauver un petit coin de la planète en se montrant responsable : économiser l’eau en pensant « aux africains d’Afrique » ou lutter contre le réchauffement climatique qui frappe durement les inuits, obligés de s’acheter des climatiseurs (véridique !). Et lui de répondre : « Mais on les connaît même pas ! ».

Le schéma narratif reste immuable et tient dans l’opposition entre la mentalité vieille France de Robert et la bonne volonté naïve de sa femme. Lui cherche en permanence à imposer son point de vue et elle continue à avancer malgré son boulet de mari. Il faut quand même reconnaître qu’au fil des albums les Bidochon ont gagné en subtilité.

Binet évite l’écueil du donneur de leçon. Il se contente de mettre le doigt sur quelques incohérences évidentes et sur la futilité de ces petits gestes censés avant tout nous donner une bonne conscience écolo. Le but premier reste de toute façon de mettre en place des situations et des dialogues où l’humour prime. Au final, sur un sujet aussi casse gueule, les Bidochon restent fidèles à eux-mêmes et continuent de faire rire les lecteurs. Pari réussi, donc. Et rendez-vous au prochain numéro, avec peut-être une réflexion sur les sextoys ou le militantisme, le choix de Binet n’est pas encore arrêté (véridique !).

Les Bidochon T21 : Sauvent la planète de Binet. Fluide Glacial, 2012. 46 pages. 10,50 euros.

Binet © Fluide Glacial 2012

  

dimanche 28 octobre 2012

Le tireur de Glendon Swarthout (Gallmeister)

Swarthout © Gallmeister 2012
John Bernard Books est le dernier grand tueur de l’Ouest. Une légende. Lorsqu’il arrive à El Paso pour consulter un médecin lui ayant jadis sauvé la vie, il apprend qu’il souffre d’un mal incurable et qu’il ne lui reste que quelques semaines avant de disparaître. La nouvelle se répand en ville comme une trainée de poudre et bientôt tous les vautours du coin se rendent à son chevet pour espérer tirer profit de sa mort prochaine : une ancienne maîtresse qui le demande en mariage, un brocanteur qui lui achète sa montre, un barbier qui récupère ses cheveux, un photographe venu tirer son portrait, un journaliste voulant rédiger sa biographie et même le croque-mort qui a prévu de faire payer les curieux qui défileront devant son cercueil. Mais J.B Books ne peut se résoudre à mourir dans son lit, il veut partir dans un dernier coup d’éclat qui laissera une trace indélébile dans les mémoires.

Du grand western, comme on en fait plus. Glendon Swarthout met en scène le crépuscule d’une légende. Il décrit avec précision la déchéance physique entraînée par la maladie mais aussi la fin d’un monde, la disparition du Far West au profit de l’Amérique moderne. Ainsi, le shérif s’adressant à Books : « ça doit faire longtemps que vous n’avez pas regardé un calendrier. On est en 1901. Les jours anciens sont morts et enterrés et vous ne le savez même pas. Vous pensez que cette ville est juste un endroit comme les autres où faire régner une terreur de tous les enfers. Un enfer, c’en est un. Bien sûr qu’on a encore des saloons, des filles et des tables de jeu, mais on a aussi l’eau courante, le gaz, l’électricité et une salle d’opéra, on aura un tramway électrique d’ici l’année prochaine et on parle même de paver les rues. […] Où est votre place dans cette marche du progrès ? Nulle part. Votre place est au musée. Pour être plus précis, Books, vous appartenez à une autre époque, complètement révolue. »

Il n’y a pas grand monde à sauver dans cette galerie de personnages attirés uniquement par l’appât du gain et le profit personnel qu’ils tireront de la mort du tueur. Opportunistes, égoïstes, sournois et couards, ils visitent le malade sous des faux airs de compassion mais Books n’est pas dupe. Lui même sait qu’il n’a rien d’un bon samaritain et qu’il dégage une antipathie cultivée depuis nombre d’année et dont il ne pourra jamais se départir. Seule sa logeuse apparaît comme la bonté même. Un mot sur le dernier chapitre, duel final époustouflant et crépusculaire où les descriptions quasi chirurgicales glacent le sang du lecteur et l’emportent dans un tourbillon de bruit et de fureur. Du grand art !

Le tireur a été porté à l’écran par Don Siegel en 1976, avec John Wayne dans son dernier grand rôle. Qui pouvait mieux que lui incarner J.B Books ?

Le tireur, de Glendon Swarthout. Éditions Gallmeister, 2012. 200 pages. 9,50 euros.


L’ouvrage ne sortira que le 2 novembre. Un grand merci à Babelio et aux éditions Gallmeister pour la découverte !