vendredi 30 mars 2018

Le mangeur de citrouille - Penelope Mortimer

Comme rien ne me convient en ce moment, quitte à passer au travers autant se tourner vers un titre à l’évidence pas du tout pour moi. Soigner le mal par le mal quoi, en se lançant dans un roman britannique de 1962, écrit à la première personne, ultra psychologique et ultra déprimant, sorte d’autofiction avant l’heure. Tout ce que je déteste pour, éventuellement, finir avec un coup de cœur. Ça se tentait, non ? Au point où j’en suis de toute façon.

Mrs Armitage est la narratrice. Elle en est à son quatrième mariage, a une tripotée de gamins (dont on ne connaîtra jamais le nombre), un mari scénariste et un thérapeute qui la gave de médocs. Le jour où elle lui annonce une nouvelle grossesse, son homme la convainc de se faire avorter. Et d’en profiter pour faire en sorte de ne plus jamais avoir d’enfant. Pendant qu’elle souffre le martyre à la clinique, monsieur la trompe avec une de ses amies, qu’il met enceinte. Lorsqu’elle apprend cette liaison, elle plonge dans une profonde dépression. En même temps il y a de quoi… 

Un roman très autobiographique. Comme Miss Armitage, Penelope Mortimer a eu pour second mari un scénariste. Comme elle, elle a eu beaucoup d’enfants, comme elle son mari l’a trompée après lui avoir demandé de se faire stériliser. Et comme elle, elle a sombré dans la dépression.

Le texte est glaçant. La voix de Miss Armitage exprime une confession surprenante de lucidité et de sincérité sur son statut de femme trahie, de femme en souffrance, de femme brisée. Elle dit la violence psychologique d’un mari manipulateur, « lâche, fourbe, mesquin, vaniteux, cruel, rusé, négligent ». Elle montre également à quel point elle n’est pas dupe, bien plus résignée que naïve face à la situation. C’est terrible, douloureux, mais on ne va pas se mentir, je n’ai pas été embarqué par cette histoire de couple à la dérive. Beaucoup trop psychologique pour moi, trop névrosé aussi, trop intime.

Pour autant je suis ravi d’avoir découvert une auteure galloise dont je n’avais jamais entendu parler et qui a beaucoup influencé le féminisme britannique des années 60. Une telle lecture, même si elle n’a rien du coup cœur, est loin d’être une perte de temps. C’est déjà pas mal par les temps qui courent.

Le mangeur de citrouille de Penelope Mortimer. Belfond, 2018. 250 pages. 16,00 euros. 





mercredi 28 mars 2018

Le vendangeur de Paname - Frédéric Bagères et David François

Paris, 1912. Des meurtres en série mettent les forces de police sur les dents. Pas le meilleur moment pour une jeune recrue de débarquer au 36 quai des orfèvres. Surtout quand cette recrue n’est autre que le fiston du ministre de l’intérieur et que tout le monde le considère comme un pistonné. Chafouin, le commissaire divisionnaire colle le petit nouveau dans les pattes de L’Écluse, un vieux de la vieille, alcoolique notoire, mis au placard depuis des années. Les improbables duettistes débutent une enquête sur le meurtre d’un caviste qui les mènera, de brasserie en estaminet, à la reconnaissance inattendue de leurs pairs.

Une BD gouleyante, qui se descend d’une traite, à la vitesse où L’Écluse sèche ses verres de rouge. Un bonheur de plonger dans une Belle Époque plus paillarde que chic où les dialogues plein d’argot se dégustent sans modération (avec une mention spéciale à la mère maquerrelle qui promet un velouté de carottes au client lui demandant une fille rousse). Clairement, l’ambiance de l’époque et le bagout des personnages font le sel d’un récit où l’intrigue policière passe rapidement au second plan. Niveau dessin le trait souple et libre de David François restitue un Paris en perpétuel mouvement et croque quelques trognes particulièrement expressives.

Premier tome d’une série dont on a hâte de découvrir la suite, cet album aussi truculent qu’hédoniste froissera les culs serrés défenseurs de la loi Évin et ravira les adeptes de Dionysos et Bacchus (ne me faites pas l’affront de me demander dans quel camp je me range, s’il vous plait !).

Le vendangeur de Paname : Une enquête de L’Écluse et la Bloseille de Frédéric Bagères et David François. Delcourt, 2018. 60 pages. 15,50 euros.

mardi 27 mars 2018

Moins que rien - Yves-Marie Clément

Élevée par sa mère, Éliette a dû quitter son village natal pour devenir une « lapourça ». A Haïti, les lapourças sont des jeunes filles au service d'un maître (elles sont là pour obéir et travailler en échange du gite et du couvert). Une forme d'esclavage moderne subie par des milliers d'enfants dont les familles ne peuvent ou ne veulent plus s'occuper et qui pour Éliette se traduit au quotidien par une multiplication de tâches à effectuer plus épuisantes les unes que les autres. Ses rares moments de liberté, elle les passe à jouer au foot avec ses copains Ricardo et Jean-Jackson. Ne supportant plus les accès de colère violents de son maître, elle voudrait quitter cette misère et retourner chez elle. Pour autant, elle n'ose prendre seule une décision aussi lourde de conséquences. En fait Éliette attend un signe. Un signe venu du ciel, ou d'ailleurs…

Yves-Marie Clément montre avec beaucoup de finesse une sordide réalité. Pas besoin de forcer le trait, les faits se suffisent à eux-mêmes. L'auteur décrit avec précision la vie à Haïti, n'hésitant pas à utiliser le vocabulaire et les expressions locales. Il saupoudre par ailleurs son récit d'une surprenante pointe de fantastique qui ne tombe pas pour autant comme un cheveu sur la soupe.

Un roman jeunesse soutenu par Amnesty International qui conjugue découverte du monde et prise de conscience de l'existence de l'esclavage moderne et du travail des enfants. le message est distillé en douceur, ce qui renforce son efficacité. A mettre évidemment entre toutes les mains.

Moins que rien d’Yves-Marie Clément. Talents hauts, 2018. 84 pages. 12,00 euros.

dimanche 25 mars 2018

Un autre Brooklyn - Jacqueline Woodson

August a débarqué à Brooklyn à 12 ans. Arrivée du Tennessee avec son père et son petit frère, la jeune fille espère chaque jour que sa mère, dont elle n'a plus de nouvelles, finira par les rejoindre. D'abord confinés dans l'appartement familial, les enfants mettent peu à peu le nez dehors. Et pour affronter les rues du quartier, August se trouve des amies. Avec Sylvia, Angela et Gigi elle va grandir, fréquenter les garçons et traverser les turpitudes des années 70, de la guerre du Vietnam à l'influence grandissante de la Nation de l'Islam sur la communauté noire, de la violence des rues à l'espoir d'un avenir meilleur, des premiers amours aux premières déceptions.

Le roman s'ouvre sur l'enterrement du père. A la faveur d'un trajet en métro August croise un visage connu, pas revu depuis des dizaines d'années. A partir de là les souvenirs affluent de manière anarchique, fragments d'un passé qui semblait oublié. L'écriture est elliptique, le rythme saccadé. La narratrice mêle l'intime et le politique, la culture et la religion pour dire la place d'une adolescente noire dans un des quartiers les plus pauvres de New-York.

Procéder par petites touches n'a pas que des avantages. Les multiples paragraphes se concluant souvent de façon brutale offrent de la nervosité au récit et rappellent une construction proche de l'impressionnisme. Mais au final ces petites touches ne m'ont pas permis de discerner le tableau dans son ensemble, le roman, en manque de liant, perdant peu à peu de son intérêt pour sombrer dans l'anecdotique. Les fils du canevas ne sont pas suffisamment serrés pour qu'il se tienne solidement, c'est du moins le désagréable sentiment qu'il me reste de la lecture de ce petit roman que j'aurais tant aimé apprécier davantage.

vendredi 23 mars 2018

Quelques battements d’ailes - Mickael el Fathi et Pierre Pratt

Le temps passe si vite quand on est une montagne. Les siècles, les tempêtes, et les ciels défilent de manière discontinue. Les arbres à peine poussés deviennent vieillards, les hommes sont à peine installés que déjà ils disparaissent. Et peu à peu la montagne rétrécit. Géant à la merci des éléments, elle devient colline puis grain de sable. Collée sous les pattes d’un oiseau, en quelques battements d’ailes, elle finira par traverser les océans…

Une lecture superbe et poétique qui interroge sur l’élasticité du temps et la manière dont on perçoit cette élasticité. Le point de vue de la montagne montre qu’à son échelle tout se déroule à une vitesse folle. Parce qu’elle compte les années en millénaires, les transformations des êtres vivants et des éléments lui semblent durer quelques secondes.

L’illustrateur canadien Pierre Pratt exprime à la fois le caractère immuable et mouvant de notre univers. Ses doubles pages sont sublimes et les passages sans texte offrent une pause qui invite à la méditation et renforce l’impression de voir le temps s’écouler sous nos yeux. Le graphisme participe grandement au plaisir de lecture que procure l’album et la dimension poétique reste parfaitement accessible pour les enfants.

Quelques battements d’ailes de Mickael el Fathi et Pierre Pratt. Motus, 2017. 36 pages. 13,00 euros. A partir de 4-5 ans.

mercredi 21 mars 2018

Ar-Men : L'Enfer des Enfers - Emmanuel Lepage

Le phare d'Ar-Men est l'édifice le plus à l'Ouest du Finistère, à dix kilomètres de l'île de Sein, en pleine mer d'Iroise. Un phare que l'on découvre dans les années 60, au moment de l'hélitreuillage de l'un de ses gardiens, Louis. Germain, lui, est déjà sur place. Hanté par de douloureux souvenirs, ce taiseux solitaire relate l'histoire du phare à travers les légendes qu'il racontait à sa fille et à travers le destin de Moïzez, nourrisson trouvé sur la plage en 1850 après un naufrage qui deviendra dix-sept ans plus tard un des bâtisseurs du phare, dont il sera le premier gardien.

Quel bol d'air cet album ! On en sort vivifié, fouetté par les embruns. A chaque page s'expriment la violence de la mer et la force des éléments déchaînés. Emmanuel Lepage convoque autour de l'incroyable épopée de la construction du phare des figures de la mythologie bretonne telles que l'Ankou ou la fabuleuse cité d'Ys et son maître Gradlon, roi d'Armorique. Il montre également le quotidien hors-norme des gardiens seuls au monde, entourés d'un environnement redoutable.

Pour ne pas perdre en route le lecteur parmi les époques et les récits enchâssés les uns dans les autres, le dessinateur use de différentes techniques. Aquarelle pour les années 60, lavis noir et blanc aux teintes brunes pour le 19èmes siècle et encres de couleurs pour la partie sur la ville d'Ys. Ces choix graphiques parfaitement clairs rendent la narration fluide et la lecture ne souffre d'aucune difficulté de compréhension particulière.

Au final je me suis régalé. C'est tellement beau, la puissance d'évocation de chaque planche maritime est renversante et l'histoire du phare se révèle passionnante. Un magnifique voyage au bout du monde (breton).


Ar-Men, l’Enfer des enfers d’Emmanuel Lepage. Futuropolis, 2017. 96 pages. 21,00 euros.

mardi 20 mars 2018

J'ai suivi un nuage - Maëlle Fierpied

« Maman redoute que les choses dérapent à nouveau et que la maladie l’empêche de veiller sur moi. Car maman est malade. Certains la traite de folle, mais je n’aime pas qu’on l’appelle comme ça. Je préfère dire qu’elle est comme un nuage. Les jours gris, elle pleut, et les jours de soleil, elle resplendit, blanche et pure, comme dans un ciel d’été. »

Une maman pluie et une maman soleil. Une maman qui change d’humeur sans crier gare, qui rayonne puis s’éteint, perd le goût de tout et ne s’occupe plus de rien, même pas du fils qu’elle élève seule. Ce fils, c’est lui qui parle. Il dit son quotidien incertain, les hauts et les bas, la vie dans un grand huit sans fin. Il dit ce jour où maman n’est plus parvenue à faire face, ce jour où elle s’est retrouvée à l’hôpital psychiatrique et lui chez ses grands-parents. Il dit le moment de la première visite, sa crainte de voir des fous partout et sa certitude que sa mère n’avait rien à faire parmi eux. Il le dit avec ses mots, ses peurs, ses incompréhensions, ses espoirs.

L’enfant ne juge pas, ne critique pas, n’accable pas. Il déborde d’amour et s’inquiète. Pas pour lui mais pour elle. Il ne perd pas pied, ne voit pas tout en noir, même si l’angoisse ne le quitte pas, à l’école et ailleurs.

Un roman jeunesse tout en retenu. Un roman jeunesse intelligent qui ne se règle pas à coup de baguette magique et ne sombre pas non plus dans le sordide. Bien sûr à la fin la maman va mieux et un avenir se dessine. Mais tout reste fragile et l’enfant, d’une étonnante maturité, en a bien conscience : « Si maman est un nuage, moi je suis le petit arbre en dessous. Alors, quand maman pleure, c’est moi qui suis mouillé. […] Mais maintenant je me rends compte que ça ne me dérange pas d’être mouillé de temps en temps. Je n’ai pas peur de suivre un nuage. »
En un mot comme en cent : Superbe !

J’ai suivi un nuage de Maëlle Fierpied. L’école des loisirs, 2018. 84 pages. 12,50 euros.

dimanche 18 mars 2018

Homo sapienne - Niviaq Korneliussen

Quand on se lance dans un roman groenlandais, on pourrait s'attendre à quelques images d'Épinal : le froid, la glace, la neige et la chasse aux phoques par exemple. Les grands espaces, les déplacements en motoneige et la communion avec la nature aussi. On pourrait s'attendre à tomber sur un écrivain qui défend la culture ancestrale des siens, une charge contre le colonialisme danois et un chant d'amour pour les 55 000 descendants d'Inuits qui peuplent cette terre hostile.

Mais le lecteur espérant un tel catalogue de clichés risque de tomber de sa chaise avec Niviaq Korneliunssen. Cette groenlandaise née en 1990 exprime le malaise d'une jeunesse qui se cherche. En cinq chapitres elle offre une voix à cinq personnages vivant à Nuuk, la capitale. On suit donc dans ce récit choral Fia, qui découvre qu'elle est attirée par les femmes, son frère homosexuel Inuk, sa colocataire Arnaq avec qui elle va connaître sa première relation « entre filles », Ivik, une jeune femme comprenant qu'elle est un homme et ne supportant plus que son amie Sara la touche. Une Sara bouleversée à la fois par le rejet d'Ivik et par la naissance de sa nièce.

Fia, Inuk, Arnaq, Ivik et Sara. Des chemins qui se croisent le temps de soirées noyées sous l'alcool, des relations humaines complexes, des questionnements profonds sur la difficulté d'être pleinement soi et une quête d'identité sexuelle jamais évidente à assumer. Un roman cru, urbain, à l'écriture très contemporaine. Dans la préface l'universitaire québécois Daniel Chartier le qualifie, entre autres, de politique, féministe, social et queer. Niviaq Korneliunssen brise les tabous et dresse le portrait d'une génération refusant les conventions d'une société restée très traditionnelle et très patriarcale.

Omniprésence de l'anglais (volontairement non traduit dans la version française), multiplication des formes de discours (du dialogue au journal intime en passant par le SMS, le mail, les hashtags et messenger), la forme est pour le lecteur plus déroutante que le fond. Mais au final tout se tient et si cinq points de vue différents s'enchaînent, le texte reste cohérent de bout en bout.

Une superbe découverte que ce portrait sans concession d'un Groenland moderne traversé par des problématiques finalement universelles.

mercredi 14 mars 2018

Mon voisin Raymond - Troubs

Il ne se passe rien dans cette BD. Mais vraiment rien. Et c'est ce qui fait tout son charme. Troubs y raconte sa relation avec son voisin Raymond, en Dordogne. Raymond est un vieil homme qui vit dans un hameau où n'habitent plus que lui et son frère. le dessinateur l'aide à couper son bois, à entretenir son jardin et ses ruches. Ensemble ils vont aux champignons, passent des heures à discuter et à boire du café. On suit les deux hommes de janvier à décembre, au rythme des saisons.

Un album calme, tranquille, serein, contemplatif. Un album plein de silences, de solitude et d'empathie. Des vies simples, une réflexion sur la vieillesse et le temps qui passe. Isolé, Raymond a de plus en plus de mal à rester autonome : « C'est le coeur qui fatigue. Je porte un bout de bois, c'est comme si j'avais travaillé toute la journée ». Certains matins il reste au lit. Et chaque automne, quand le temps devient maussade et que les feuilles tombent, il n'a pas le moral et pense à la mort. Mais le paysan demeure vaillant. de toute façon il ne pourrait pas vivre ailleurs que dans la maison de ses parents, sur cette terre où il est né.

Une plongée apaisante chez les taiseux. Pas un mot de trop, pas la peine de parler pour ne rien dire, pas de poésie bucolique à deux balles, Troubs ne cherche pas à dresser une chronique rurale où les clichés s'enfileraient comme des perles. Son trait doux et presque enfantin ne donne pas non plus dans l'esbroufe. Proches du crayonné, ses déambulations et ses heures partagées avec Raymond semblent croquées sur le vif.

Bien sûr on est loin de la BD d'aventure trépidante, de l'adaptation de roman percutante, de la biographie pimpante ou de la virée au bout du monde dépaysante. Ici, la nature règle le pas des hommes, lentement. Et l'amitié pudique entre le paysan et le dessinateur se suffit à elle-même pour faire naître douceur et émotion.

Mon voisin Raymond de Troubs. Futuropolis, 2018. 92 pages. 17,00 euros.

mardi 13 mars 2018

Soixante-douze heures - Marie-Sophie Vermot

Voilà, il est né, Max. Il est né à 15 heures le 15 avril. Trois kilos six cent vingt grammes. Irène a choisi elle-même son prénom. Elle a accepté qu'on le pose sur elle. Ce bébé qu'elle vient d'expulser de son corps est le sien pour la vie. Elle le sait. Et le fait de l'abandonner à la naissance n'y changera rien.

Irène, 17 ans, élève de première. Il a suffi d'une fois, sa première fois, pour qu'elle tombe enceinte. Elle a pu cacher se grossesse le plus longtemps possible. Ses parents ont évidemment mal pris la chose. Leur petite fille modèle qui attend un bébé, bonjour le choc ! Maintenant que le mal est fait, sa mère voudrait la convaincre de garder l'enfant. Irène a soixante-douze heures pour revenir sur sa décision. Mais la jeune fille semble sûr d'elle, inébranlable. Ce bébé a beau être le sien, elle n'envisage pas une seconde de l'élever.

Soixante-douze heures dans la tête d'Irène. de son accouchement au moment où elle quitte la maternité. Irène avec sa mère, Irène avec la psy, Irène avec l'assistante sociale. Et le temps qui passe jusqu'au moment de signer les papiers faisant de Max un enfant né sous X. La jeune maman revient sur le moment où sa vie a basculé. Elle revient sur son environnement familial, sur sa relation difficile avec sa propre mère, sur l'amour qu'elle porte à sa jeune soeur handicapée mentale, sur sa grand-mère qu'elle adore, sur ses vacances d'été avec sa meilleure amie Nour. Les heures passent et Irène vit un tourbillon intime. Elle dit en toute sincérité à la fois son attachement à Max et sa conviction d'avoir fait le meilleur choix. Pour lui mais aussi pour elle.

Un roman jeunesse qui, malgré son sujet, ne joue pas sur le registre de l'émotion et c'est tant mieux. Il y a chez Irène quelque chose de froid, d'analytique, de réfléchi. Elle n'est pas vraiment touchante, on n'a pas vraiment envie de la plaindre mais son cheminement intérieur et sa maturité fascinent. A la fois forte et fragile, elle se pose évidemment une tonne de questions mais elle assume et ne se laisse pas influencer.

Un texte aussi percutant qu'atypique, qui ne nous emmène pas sur des sentiers où tout semble couru d'avance. le thème de la maternité est abordé de manière frontale, sans jugement ni bienveillance mal placée. C'est cru, réaliste, sensible et surtout d'une grande subtilité.

Soixante-douze heures de Marie-Sophie Vermot. Éditions Thierry Magnier, 2018. 170 pages. 13,00 euros. A partir de 15 ans.