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vendredi 21 février 2014

Une lecture à l’aveugle, ça vous dit ?

Vous savez peut-être à quel point j’ai été ravi par l’expérience de lecture à l’aveugle à laquelle j’ai été soumis il y a peu par une blogueuse. Comme beaucoup d’entre vous ont souligné à quel point ils trouvaient le principe « génial », je vous propose de créer une page ici même où seront consignées les règles du jeu et, si vous le souhaitez, les liens vers les billets présentant vos livres-mystères. Entendons-nous, il ne s’agit aucunement d’un défi ou d’un challenge de plus. Disons simplement, comme l’a écrit Aaliz, que c’est le concept de The Voice adapté à la lecture.



Le principe est simplissime, je vous propose juste quelques règles de base.

Pour l’expéditeur :

1) Envoyer un livre que l’on a particulièrement aimé, voire même un coup de cœur serait l’idéal. S’appliquer à cacher tous les indices permettant de l’identifier (nom de l’auteur, titre, éditeur, année d’édition et 4ème de couverture) en le recouvrant entièrement d’un papier opaque, sans oublier de dissimuler les premières et dernières pages, souvent porteuses d’informations qui pourraient mettre le lecteur sur une piste. Ne pas oublier non plus que sur certains ouvrages, le titre est repris sur chaque haut de page (c’est un détail loin d’être anodin puisque si tel est le cas, il vous sera quasiment impossible d’assurer l’anonymat de votre livre).

2) S’il le souhaite, l’expéditeur peut choisir de ne pas dévoiler son nom, cela ajoutera un peu de piment à l’affaire.

Pour le destinataire :

1) Jouer le jeu, c’est la règle fondamentale !!!!  Ne pas arracher la couverture dès que l’on reçoit le livre. Ne pas chercher sur g**gle et compagnie des informations qui permettraient d’identifier le livre en deux secondes. Au cas où l’expéditeur serait connu, ne pas chercher à savoir s’il en a parlé sur son blog. En cas de non respect de ces consignes le destinataire se verra sévèrement châtier et contraint d’enchainer jusqu’à la fin des temps les lectures les plus barbantes possibles.

2) Rédiger un billet présentant l’ouvrage alors que l’on ne connait toujours  pas le titre et l’auteur (sauf si bien sûr on les a découverts au cours de la lecture). Révéler au grand public, disons le lendemain, l’identité du livre en exprimant si possible son ressenti au moment de la « révélation ». Éventuellement ajouter le logo ci-dessus à votre billet et éventuellement venir laisser votre lien ici-même. Je m’engage à tenir à jour cette page en y ajoutant tous les liens qui me seront fournis, ce qui permettra en quelque sorte de synthétiser l’ensemble des livres-mystères reçus.

Alors, vous êtes partant ? J’ai surement omis certaines choses, des questions évidentes que j’ai oublié de me poser ou encore des points à préciser. N’hésitez pas à m’en faire part dans vos commentaires.

Juste pour info, j’ai ouvert le bal en étant le premier à me lancer dans une lecture à l’aveugle mais depuis je suis passé à la vitesse supérieure puisque j’ai moi-même expédié cette semaine deux livres-mystères…

Dernière chose mais pas des moindres, je précise que le contenu de cette page a été rédigé avec la blogueuse mystérieuse qui a inventé le concept. Si elle souhaite garder l’anonymat, je ne pouvais pas de mon coté ne pas lui rendre les honneurs qu’elle mérite.

Edit du 21/02 à 21 h :  Au vu des commentaires laissés ici et ailleurs, je vous propose d’affiner un peu les choses. En gros, si vous le souhaitez, je veux bien synthétiser les demandes des expéditeurs, récupérer les adresses de chacun et les prévenir si quelqu’un a déjà pensé à leur destinataire (pour éviter qu’un même destinataire se retrouve avec 3 ou 4 livres mystère). Mais je ne créé pas de binôme moi-même, le jeu c’est de faire plaisir et de surprendre une personne à qui on a pensé, je ne veux surtout pas choisir à votre place. Et pas la peine de me donner le titre du livre que vous envoyez, je n’en ai pas besoin. Pas la peine non plus d’essayer de me corrompre, je ne donnerai aucune des informations qui me seront transmises.

Vous pouvez m’envoyer les informations ici : dunebergealautre@gmail.com

Les participants : 

Aaliz
Achille49
A girl from earth
Alex Mots-à-Mots a reçu "La vie devant ses yeux" de Laura Kasischke de la part de Mirontaine
Amis-lecteurs
Asphodèle
Athalie a reçu Tokyo de Mo Hayden de la part de Ingannmic
Beberoots
Blablablamia
Bourgeaon Créatif
Canel a reçu "Mon amour, ma vie" de Claudie Gallay de la part d'Edéa
Cajou
Cécile
Céline
Chachou
Chicky Poo
Choco
Claudialucia
Cristina
Edéa a reçu "L'arbre des pleurs" de Naseem Rakha de la part de Canel
Estelle Calim
Evalire
Faelys a reçu "Orgueil et désir" de Myriam Thibault la part de Zazy
Galéa a reçu "Mal de pierre" de Milena Agus de la part de Sandrion
Ingannmic
Jérôme a reçu « L’amour, Béatrice » de Janine Boissard de la part de ? "Quatrième étage" de Nicolas Ancion de la part de Noukette et Vénus et Adam de la part de Stephie 
Juliette a reçu "Les sœurs Ribelli" de Corinne Atlas de la part de Sandrine (Mes promenades)
Lasardine
Laurie Lit
Le Bison 
Lectriceinthetrain
Leiloona
Liliba a reçu "Les amandes amères" de Laurence Cossé de la part de Martine Littérauteurs, Le café de l'Excelsior de Philippe Claudel de la part d'Asphodèle
Marion a reçu "L’avant-dernière chance" de Caroline Vermalle de la part de Faelys
Marjorie
Martine
Martine Littérauteurs a reçu "Portaits d'automne" de Roger Wallet de la part de Jérôme
Merquin
Mirontaine a reçu "Qu'avons nous fait de nos rêves" de Jennifer Egan de la part de Zazy
Moka
Nahe
Natiora
Noukette a reçu « Les joueurs » de Stewart O’Nan de la part de Jérôme
Praline 
Samlor
Sandrine (Mes promenades)
Sandrine (SD49) a reçu "La désobéissance d'Andréas Kuppler" de Michel Goujon de la part de Saxaoul
Sandrion a reçu "Rue des boutiques obscures" de Patrick Modiano de la part de Galéa
Saxaoul a reçu "La patiente" de Jean-Philippe Mégnin de la part de Sandrine (SD49)
Sido
Sophie/Vicim a reçu "La porte" de Magda Szabo de la part d'Evalire
Sophie Hérisson
Syl a reçu "Mangez-moi" d'Agnès Desarthe de la part d'Unchocolatdansmonroman
Unchocolatdansmonroman a reçu "Des vents contraires" d'Olivier Adam de la part de Faelys
Véronique
XL
Zazy a reçu "La dame à la camionnette" d'Alan Bennet de la part d'Alex Mots-à-Mots







lundi 17 février 2014

Mon livre mystère - ????????

Il y a quelques semaines je recevais d’une blogueuse que j’apprécie particulièrement un livre mystère. Un livre de poche, entièrement recouvert de papier. Impossible de lire le titre ni la 4ème de couverture. Impossible de connaître l’auteur. La page de titre (à l’intérieur du livre) était elle-même cachée sous les rabats de la couverture. Ce livre, d’après elle (et elle me connaît bien), je ne l’aurais jamais ouvert si je savais de quoi il parlait et qui l’avait écrit. Elle me proposait de lire les premières pages à l’aveugle pour le découvrir sans préjugés. J’ai fait mieux, je l’ai lu de la première à la dernière page sans jamais arracher le papier qui le recouvre. Et au moment où je rédige ce billet, je ne connais toujours pas son titre et son auteur. Quitte à jouer le jeu, autant le faire jusqu’au bout.

Ce roman, qui raconte l’histoire de Jean et Béatrice, est un roman épistolaire. Jean a vu Béatrice monter sur l’estrade lors d’un congrès sur l’enfance maltraitée. Bénévole dans une association qui accompagne les filles-mères souhaitant confier leur nouveau-né à l’adoption, elle est venue témoigner de son expérience. Sa prise de parole a électrisé le public. Sur un coup de tête, il a décidé de lui écrire. Quelques jours plus tard, elle lui a répondu.

Lui est psychiatre. C’est un vieux garçon, un ours dont la tanière se trouve dans le centre de la France. Elle est parisienne, mariée et a une fille de 18 ans, Camille. De lettres en lettres, ils vont s’ouvrir l’un à l’autre. Enfin, c’est surtout Béatrice qui se livre. Un mariage tout sauf heureux, un mari tyrannique qui la tient sous sa coupe depuis des années. Jean écoute, conseille, réconforte. Il devient le confident et peu à peu, bien plus. Dans une de leurs premières lettres, ils se sont engagés à ne jamais se rencontrer. Béatrice voudrait briser ce pacte, mais Jean refuse obstinément...

Avant de vous dire ce que j’ai pensé de ce roman, laissez-moi vous préciser à quel point j’ai vécu une expérience étrange. Se lancer dans un livre sans aucun indice permettant de l’identifier a quelque chose de déstabilisant. Privé de mes repères habituels (titre, auteur et 4ème de couv), je me suis senti un peu tout nu face au texte. Finalement, c’est plutôt une bonne chose et j’ai vraiment eu l’impression de défricher une terre vierge, non polluée par mes à priori sur l’écrivain ou les éventuels avis laissés par ceux qui l’auraient lu avant moi. Et je dois avouer que je me suis régalé des deux premiers tiers. Je me suis attaché à ces personnages qui se découvrent, à leurs échanges tout en retenu où le rapprochement se fait avec autant de lenteur que de certitudes, comme une évidence. Il y avait quelque chose de délicieux à découvrir l’évolution du ton de leur correspondance. Malheureusement le dernier tiers a quelque peu gâché mon plaisir. Les révélations qui tombent les unes après les autres sont vraiment « too much » et tirent selon moi artificiellement sur la corde sensible, c’est bien dommage.

Mais à la limite peu importe ma déception finale, ce fut une super expérience de lecture. Et puis l’air de rien, chère blogueuse, tu m’as ni plus ni moins fait plonger dans une bonne vieille romance et nul doute que si j’avais vu la couverture et le résumé avant de l’ouvrir je l’aurais placée tout en bas de ma pal. Bien sûr, avec un tel livre mystère, il faut jouer le jeu sinon ça n'a aucun intérêt mais en tout cas je suis partant pour renouveler l’opération dès que possible. A bon entendeur...

XXXXX de ?????? – 250 pages.

PS : si vous avez reconnu le roman dont je parle, n’hésitez pas à me le dire, je suis prêt à lever le mystère.

Edit du 17/02 à 22h00 : j'ai retiré le papier qui recouvrait le livre, je connais enfin son auteur et son titre. L'auteur ne me dit rien mais punaise, ce titre et cette photo de couverture m'auraient fait fuir si je les avais vus avant de l'ouvrir !!!!










mercredi 12 octobre 2011

Hamelin

Tout commença au mois de mai 1284 dans la bonne ville d’Hamelin. C’est à cette époque que des rats envahirent les rues de la cité. Le bourgmestre engagea tous les dératiseurs de la région, mais rien n’y fit. Ce n’est que lorsqu’un pauvre bougre fut dévoré par les rongeurs que l’on se décida à faire appel à un spécialiste de grande renommée. Ce dernier arriva avec sur l’épaule un étrange furet. Il compta 400 000 rats et promis de les faire disparaître contre cent ducas en or. Les notables acceptèrent le marché du bout des lèvres et le dératiseur se mit au travail. Armé d’une simple flûte, il attira tous les nuisibles avec une mélodie quasi inaudible pour l’homme et les fit se précipiter dans le fleuve qui bordait la cité. Le lendemain, lorsqu’il réclama son dû, le bourgmestre ne lui donna que dix ducas et le chassa sans ménagement. Quelques temps plus tard, le musicien réapparut et, à l’aide de sa flûte, il envouta littéralement tous les enfants d’Hamelin. Il les emmena avec lui loin de la ville et personne, jamais, ne les revit.

Tout le monde connait l’histoire du joueur de flûte de Hamelin. Un conte cruel, à la morale douteuse, où l’inconséquence des adultes précipite la chute des pauvres enfants innocents. Ce texte aux innombrables versions a connu de multiples interprétations. La première, fait du joueur de flûte un pervers pédophile qui charme les enfants pour mieux les abuser. Dans la seconde, c’est le manque de considération pour l’artiste, le mépris affiché face à un art mineur (la musique) et à un mode de vie trop anticonformiste (la bohème) qui pousse les notables à traiter le joueur de flûte comme un moins que rien, ce qui entraîne son terrible courroux. Une troisième interprétation associe les rats à la figure du diable. Pour vaincre le malin, il faut un magicien lui-même un peu diabolique. Mais le non respect de la parole donnée et la rupture du contrat « moral » passé entre les édiles et le joueur de flûte entraîne une malédiction qui frappera en premier lieu les enfants. Il y a sans doute des tas d’autres sens à donner à ce conte. L’intérêt de cette adaptation en bande dessinée tient au fait que l’auteur à en quelque sorte synthétiser ces différentes approches.

André Houot a eu l’intelligence « d’épaissir » le propos. Dans son récit, les deux enfants qui échappent à la rafle du musicien ne sont pas un boiteux et un aveugle mais un boiteux et une jolie pucelle. Cette différence à priori anecdotique  donne en fait une force nouvelle à l’intrigue. Et puis pour ce qui est du dessin, j’aime autant vous dire que ça ne rigole pas. On est dans le haut de gamme. Évidemment, on pense à Bourgeon et ses Compagnons du crépuscule. Mais en introduction, l’auteur cite également comme influence Albrecht Dürer, le célèbre peintre et graveur allemand. Résultat, l’ensemble fourmille de détails, les plans larges montrant des scènes de foule sont impressionnants, sans parler des décors urbains où l’architecture Moyenâgeuse est somptueusement représentée. Les couleurs de Jocelyne Charrance sont au diapason et plongent littéralement le lecteur au cœur de l’époque.

Un conte revisité de la plus belle des façons, avec talent et application. André Houot se qualifie d’artisan de la BD. Un artisan à l’ancienne qui pourrait en remontrer à nombre de tâcherons se contentant du trait le plus succinct possible et faisant tenir l’ensemble de leur scénario sur un post-it. Tout ça pour dire que j’ai beaucoup aimé et que cet album constitue une belle occasion de redécouvrir un texte traditionnel sous un jour nouveau.


Hamelin d’André Houot, Éditions Glénat, 2011. 48 pages. 13.50 euros.


PS : si vous souhaitez découvrir une autre variation autour de ce conte, je vous conseille la lecture du roman Peter et Max de Bill Willingham qui n’est autre que le scénariste du comics Fables.






vendredi 30 janvier 2015

Fin de mission - Phil Klay

Des soldats. Américains. En Irak. Celui-là rentre chez lui après avoir passé son temps, là-bas, à abattre des chiens qui se nourrissaient de cadavres. A la maison il retrouve sa femme et son labrador, couché au pied du canapé. Celui-là vient de délivrer des policiers irakiens torturés dans la cave d’une maison tenue par des insurgés. Celui-là a du mal à se remettre de la mort d’un gamin de 14 ans, tué sous ses yeux par son collègue. Lui, il était affecté aux « affaires mortuaires », chargé de récupérer et transporter les corps de combattants, qu’ils soient américains ou irakiens. Cet autre, civil, rêvait de remettre en service une station de traitement de l’eau pour venir en aide à la population. Eux, ils débriefent à la cantine après avoir envoyé leur premier obus sur des cibles humaines. Combien en ont-ils eu en tout ? Combien ça fait de morts par membre de la section ? Et puis il y a cet aumônier recueillant des confessions difficiles à entendre, cet étudiant revenu du front, pointé du doigt par une camarade musulmane sur les bancs de la fac ou encore ce pauvre gars, défiguré par une mine, qui raconte son histoire dans un bistrot de New-York...

Attention, grosse claque ! Douze nouvelles que j’ai dévorées en à peine deux jours. On comprend à la lecture pourquoi ce recueil d’un débutant totalement inconnu s’est vu octroyer le National Book Award, l’un des plus prestigieux prix littéraires de la planète.

Phil Klay, vétéran du corps des marines ayant servi en Irak entre 2007 et 2008, a l’intelligence de ne pas sombrer dans les clichés, de ne pas jouer au « pro » ou au « anti » guerre. Son angle d’attaque est beaucoup plus fin : de l’artilleur à l’aumônier, du civil engagé par l’armée à l’administratif n’ayant jamais vu une zone de combat, il multiplie les points de vue et alimente la réflexion. Avec un réalisme sidérant, il décrit la vie d’une compagnie au jour le jour, il dit la peur du soldat sur le terrain, la haine absolue et aveugle de l’ennemi, les traumatismes physiques et psychologiques, l’impossible retour à une vie normale à la fin d’une mission, mais aussi l’incompréhension des proches, la quête de sens face à l’absurdité de certaines situations, les nombreux suicides, le regard, parfois difficile à supporter, de ceux qui vous jugent sans avoir la moindre idée de ce que vous avez vécu.

Aucun pathos, aucun jugement, pas d’envolée lyrique, le ton est sec comme un coup de trique, empreint d’une lucidité qui fait froid dans le dos. Plus proche, dans l’esprit, de « Yellow Birds » que de « Fin de mi-temps pour le soldat Billy Lynn », deux autres textes abordant le conflit irakien, ce recueil marque la fracassante entrée en littérature d’un jeune trentenaire incroyablement talentueux.

Fin de mission de Phil Klay. Gallmeister, 2015. 310 pages. 23,80 euros.


Extraits :

« J’avais pensé qu’il y aurait au moins une certaine noblesse dans la guerre. Je sais qu’elle existe. On raconte tant d’histoires, il faut bien que certaines d’entre elles soient vraies. Mais je vois surtout des hommes ordinaires, essayant de faire le bien, abattus par l’horreur, par leur incapacité à apaiser leur propre rage, par les airs virils qu’ils affectent et leur prétendue dureté, leur désir d’être plus implacables et par conséquent plus cruels que la situation dans laquelle ils se trouvent. »

« Qu’est-ce qu’on fait ? […] Nous, on vient ici, on leur dit, On va vous apporter l’électricité. Si vous travaillez avec nous. On vous garantira la sécurité. Si vous travaillez avec nous. Mais attention, votre meilleur ami sera votre pire ennemi. Si vous nous faites chier, vous vivrez dans la merde. Et ils nous répondent, OK, on vivra dans la merde. Alors qu’ils aillent se faire foutre. »

« Tout le monde présumait que mon âme était profondément marquée par ma rencontre avec le Réel : le monde-tel-qu’il-est, dur, sans fard, violent, loin de la bulle protectrice de l’Amérique et du monde universitaire, un séjour au Cœur des Ténèbres qui, s’il ne vous détruit pas, vous rend plus triste et plus sage. C’est des conneries, bien sûr. »











vendredi 10 avril 2015

Plus de morts que de vivants - Guillaume Guéraud

Dernier jour de cours avant les vacances d’hiver dans un collège de Marseille. « Aucune menace dans l’air. Juste le froid coupant de février. Qui glaçait les mains. Qui gelait les oreilles jusqu’à les rendre cassantes. Et qui tailladait les poumons à chaque inspiration. » Aucune menace et pourtant à 8h25 un élève de sixième s’est mis à saigner du nez sans raison. Puis une cinquième a perdu ses cheveux par poignées et « la grosse Anouk » s’est écroulée dans la cour, les tripes à l’air. Le début du chaos, une épidémie qui se répand plus vite que la peste, un établissement en quarantaine et la mort qui frappe. A tour de bras. Sans distinction…

Guéraud… ce gars est frapadingue mais c’est pour ça que je l’aime ! Pour avoir lu quelques avis ici ou là avant de me lancer, je suis rentré dans ce roman à reculons. J’ai tourné les premières pages avec pour leitmotiv un « jusque là tout va bien » de façade, car je savais que ça allait déraper à un moment ou l’autre. Il ne m’a pas fallu attendre longtemps. Après, l’engrenage se met en route, on ne voudrait y glisser qu’un ongle mais on y passe la main, le bras et tout le reste. On en ressort en lambeaux et ce n’est pas joli à voir, croyez-moi ! Guéraud donne dans le gore. Il mène sa barque tout en tension avec son écriture au scalpel, jouant avec nos nerfs comme le sadique fait crisser la craie sur le tableau noir. Surtout, on sent qu’il s’amuse, qu’il prend son pied (et, je ne devrais pas le dire, mais nous avec !).

En fait, lire ce roman, c’est plonger dans un paradoxe permanent, dans un grand huit où alternent fascination et répulsion. Je ne vais pas vous décrire ce qu’il arrive concrètement à ces pauvres personnages frappés par le virus mais franchement, il y a de quoi rendre son quatre heures. Répulsion donc, mais en même temps fascination liée au rythme du récit, au huis clos irrespirable, à l’avancée de cette folle journée, à l’espoir (totalement illusoire quand on connaît un peu l’univers de Guéraud) que les choses vont finir par s’arranger. C’est vraiment une drôle d’expérience de lecture qui dérange, bouscule, interpelle. Au-delà du simple déballage sanguinolent et des descriptions à l’efficacité très cinématographiques, il faut voir dans cette sombre histoire une allégorie de la violence gratuite et aveugle qui peut frapper partout, à n’importe quel moment, et sous n’importe quelle forme. Une violence aussi insidieuse que cette épidémie face à laquelle il est impossible de se prémunir.

Un roman haletant, impossible à lâcher. Mais un roman flippant, totalement flippant même. Vous êtes prévenus.

Plus de morts que de vivants de Guillaume Guéraud. Rouergue, 2015. 252 pages. 13,70 euros. A partir de 15 ans.

Une lecture commune que j'ai une fois de plus le plaisir de partager avec Noukette.

Les avis de Clara et Moka.







mercredi 19 février 2014

Annie Sullivan et Helen Keller - Joseph Lambert

Incroyables destins que ceux d’Helen Keller et d’Annie Sullivan. La première est née en 1880 dans l’Alabama. A 19 mois, elle a contracté une maladie inconnue qui l’a rendue aveugle et sourde. La seconde est née en 1866. A cinq ans, cette fille d’immigrée irlandais fut victime d’une infection oculaire et perdit presque la vue.  Abandonnée par son père, elle fut recueillie avec son petit frère dans un hospice. En 1880 elle entra à l’institut Perkins, une institution chargée de fournir assistance et éducation aux personnes aveugles ou malvoyantes. A 20 ans, sortie diplômée de l’institut et major de sa promotion, elle accepta un poste de préceptrice auprès d’Helen Keller.

L’album raconte comment Annie a pu domestiquer et éduquer Helen, une gamine
sauvage et incontrôlable ne supportant aucune contrariété et aucun contact. De leurs luttes épiques, du combat quotidien mené par la préceptrice pour inculquer à son élève les règles de vie les plus élémentaires et la maîtrise du langage, va naître une relation quasi fusionnelle. Le face à face entre ces deux écorchées vives est parfaitement rendu. Les flash back dans la jeunesse d’Annie permettent de comprendre pourquoi cette jeune femme tient tant à réussir l’éducation d’Helen. Son acharnement sans faille apparaît à certains moments effrayant mais l’auteur montre à quel point le chemin menant la petite fille aveugle et sourde vers le savoir fut long et douloureux.

Niveau dessin, j’avoue que je ne suis pas fan du trait de Joseph Lambert. Son gaufrier de 15 ou 16 cases par planches est hyper répétitif mais il était je pense nécessaire pour détailler longuement chaque scène-clé de l’album. De toute façon, le lecteur n’est pas là pour prendre une claque visuelle. Il est là pour découvrir comment les liens se tissent, comment l’obstination sans faille et la certitude dans les méthodes pédagogiques déployées par Annie ont porté leurs fruits.

Une double biographie poignante et maîtrisée qui ne se laisse à aucun moment déborder par un trop plein d’émotion. Il aurait pourtant été facile de tomber dans le larmoyant mais Joseph Lambert évite ce piège avec brio.

Un album offert par Valérie dans le cadre du loto BD de Loula. Un choix pertinent, je me suis régalé.
Et une lecture commune que j’ai le plaisir de partager avec Sandrine.


Annie Sullivan et Helen Keller de Joseph Lambert. ça et là, 2013. 94 pages. 22 euros.

Les avis de Valérie et Yvan.






vendredi 5 mars 2021

La république du bonheur - Ito Ogawa

On a tous nos faiblesses, nos zones d’ombres, nos jardins secrets. On a tous du mal à assumer des lectures qui sortent du cadre que l’on s’est fixé, de l’image que l’on souhaite renvoyer. Moi par exemple je donne en général dans le gros dur tatoué, dans le glauque, dans le viril, dans l’alcool fort et la gueule de bois sévère. J’aime quand ça sent le sexe et la sueur, la pisse et le vomi. Du coup j’ai toujours dit que le feelgood ne serait jamais pour moi, que ce genre mielleux et dégoulinant de bons sentiments enrobé de titres à la mords-moi le nœud me filait des boutons. Ben j’ai menti. Parce que du feelgood, j’en lis. Et j’aime ça. Du moins quand il est signé Ito Ogawa. Avec Aki Shimazaki elle fait partie des rares autrices doudous dont les livres me remontent le moral quand tout vire au gris. Ce fut donc un vrai plaisir de me plonger dans cette République du bonheur (quel titre cucul soit dit en passant), suite directe de La papeterie Tsubaki.

J’ai donc retrouvé Hatoko, écrivaine publique ayant pris la succession de sa grand-mère dans l’échoppe familiale après le décès de cette dernière. Mariée depuis peu à un veuf tenant un petit restaurant, elle apprend le rôle de mère de substitution auprès d’une adorable fillette et continue de recevoir les demandes plus ou moins complexes de ses clients : une femme voulant écrire à son mari défunt pour lui dire à quel point il lui a pourri la vie, un garçon aveugle souhaitant dire à sa mère à quel point il est heureux de l’avoir pour maman, une vieille fille voulant se faire payer une dette par une amie malade sans la froisser, etc. 

Un roman paisible, croquant au fil des saisons les micro-événements du quotidien. On avance sereinement au rythme de la nature dans la ville balnéaire de Kamakura où la douceur de vivre n’est pas qu’un argument pour touristes. Comme toujours chez Ito Ogawa le personnage principal, féminin, est à un tournant de son existence. Comme toujours la nourriture a un rôle majeur, comme toujours la figure de la grand-mère est centrale et celle de la mère problématique. Bref on évolue en terrain connu, on sait que le sucré va se teinter d’un peu d’amertume mais qu’au final il n’y aura que du positif à retenir.   

Une lecture apaisante. J’ai quitté Hatoko et Kamakura à regret, j’espère qu’Ito Ogawa m’y ramènera bientôt. En attendant je vais relire Bukowski. 

La république du bonheur d’Ito Ogawa. Éditions Picquier, 2020. 282 pages. 19,50 euros.






vendredi 26 décembre 2014

Coups de cœur romans et nouvelles 2014 !

Une blogueuse me disait il y a peu sur le ton de la plaisanterie (ou pas) que j’aimais bien me la raconter. Alors pour lui prouver qu’elle a raison (ou pas) je me suis amusé à décerner quelques awards made in « D’une berge à l’autre ». L’occasion de revenir en un clin d’œil sur une belle année de lecture (il suffit de cliquer sur les couvertures pour accéder aux billets).


Catégorie « Je n’ai rien lu de mieux cette année » (roman)



Catégorie » Je n’ai rien lu de mieux cette année » (nouvelles)



Catégorie » Je n’ai rien lu de mieux cette année » (inclassable)



Catégorie « J’aime toujours autant les premiers romans quand ils sont de cette qualité »




Catégorie  « Premier roman très largement au dessus du lot à tel point que j’en ai fait une pépite »




Catégorie « On m’a fait lire des trucs à l’aveugle et j’ai adoré ça »




Catégorie « Je veux pas me la raconter mais il m’arrive de lire des chefs d’œuvre exigeants »




Catégorie « Je peux me la raconter parce que j’ai lu le dernier Prix Nobel »



Catégorie « J’ai aussi lu le Renaudot et le Goncourt des lycéens mais j’aurais pu m’en passer »



Catégorie « J’ai enfin réussi à parler de toi ici alors que je ne m’en serais jamais cru capable »




Catégorie « Si j’avais su, j’aurais pas lu »




Catégorie « Je veux pas me la raconter mais cette année j’ai eu droit à mon recueil de nouvelles coquines »














mercredi 10 mai 2017

J’aime le nattō : une aventure au Japon - Julie Blanchin Fujita

Dans mon esprit étriqué, impossible pour quiconque de surpasser les carnets de voyages nippons de Florent Chavouet. Pire même, je restais persuadé que toute tentative pour mener un projet similaire à celui de l’auteur de Manabe Shima et Tôkyô Sanpo ne pourrait-être, au mieux qu’une pâle copie et au pire qu’une imbuvable potion. Alors en me lançant dans cette « aventure au Japon » signée Julie Blanchin Fujita, je m’apprêtais à sortir les couteaux pour tailler des croupières à la jeune impétueuse (que voulez-vous, on ne se refait pas).

Bon, en toute franchise, je les ai vite rangés les couteaux. D’abord parce que comparaison n’est pas raison, ensuite parce que la demoiselle trace son chemin sans se soucier de son illustre prédécesseur et qu’elle le fait avec une légèreté qui ne pouvait que me séduire. En fait, les ingrédients sont toujours les mêmes pour que j’apprécie un carnet de voyage : pas de prise de tête, une pointe d’humour, une énorme dose d’autodérision, des trouvailles graphiques qui font mouche malgré leur simplicité apparente, une empathie pour les autochtones qui ne tombe pas dans la déclaration d’amour aveugle, suffisamment de recul pour ne pas raconter les événements « à chaud » et puis surtout qu’on me parle de la vraie vie des vrais gens au plus près de la réalité quotidienne. Ici tous les ingrédients sont réunis donc je me suis régalé.

Julie Blanchin Fujita raconte son arrivée au Japon en octobre 2009, ses colocations, ses petits boulots d’illustratrice, les cours de français donnés à droite à gauche. Elle décrit aussi bien les pièces de son appart que le fonctionnement des transports en commun, des bains publics ou que la richesse et la diversité de la gastronomie locale. Elle parle de sa difficulté à apprendre la langue, relate des événements marquants comme une excursion sur le Mont Fuji ou le terrible tremblement de terre de mars 2011 ayant déclenché la catastrophe de Fukushima. La jeune femme vit les choses avec une spontanéité qui fait un bien fou. En plus, loin d’un simple regard de « touriste », elle s’inscrit dans un véritable projet de vie, une réelle volonté de s’installer durablement.

Un carnet de voyage instructif, dépaysant et dénué de la moindre trace de cynisme. Cette aventure au Japon m’a fait passer un délicieux moment de lecture, exactement ce dont j’avais besoin en ce moment.

J’aime le nattō : une aventure au Japon de Julie Blanchin Fujita. Hikari éditions 2017. 230 pages. 18,90 euros.

L'avis de Mo























mardi 17 mars 2015

Un beau jour - François David

De François David et chez le même éditeur, j’avais beaucoup aimé Charlie, belle histoire d’amitié entre une petite fille et un SDF. Il revient ici avec deux nouvelles mettant en scène des ados. Dans la première, le narrateur est un chien d’aveugle. Grâce à lui son maître, José, est bien intégré au collège malgré son handicap, et tout irait parfaitement bien s’il n’y avait pas Julian, un camarade aussi pénible qu’odieux. Dans la seconde, Nathalie va, sans aucune raison, subir la stupidité de deux garçons de son âge devant un arrêt de bus. Un traumatisme dont il lui sera difficile se remettre.

Deux variations autour de cette violence gratuite qui pollue le quotidien et laisse chez les victimes des traces indélébiles, bien plus psychologiques que physiques. Rien de spectaculaire, juste des petits riens pouvant en apparence ne pas sembler d’une extrême gravité, mais emplis d’une insupportable bêtise. Le pire dans cette forme de violence insidieuse reste l’incompréhension. Une incompréhension qui ne permet pas de digérer les événements et d’aller de l’avant : « Aussi, je voulais comprendre. Tellement ! J’en avais besoin, je le sentais. Comprendre en moi. A l’intérieur. »

Beaucoup de finesse dans la façon d’aborder un sujet aussi sensible. Suffisamment de tact pour engendrer chez le lecteur l’indignation sans dramatiser lourdement et jouer à outrance sur la corde sensible. Peu de pages, peu de mots mais beaucoup d’effet, tout ce que j’apprécie en somme.

Un beau jour de François David. Le muscadier, 2015. 60 pages. 6,90 euros.

Et comme chaque mardi (ou presque), c'est une lecture jeunesse que je partage avec Noukette.